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EUCHARISTIQUE

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et de l’autre, elle se heurte à l’idée de riustantanéilé de la transsubstantiation.

V. Conclusion. Explication de l’épiclèse. — La tradition ecclésiastique est donc nettement favorable à la thèse catholique de la consécration par les paroles de J.-C, tout en attestant l’existence de prières ou invocations eucharistiques, en particulier de l’épiclèse, et la croyance à la Aertu transsubstantiatrice du S. -Esprit. L’association, dans les œuvres des grands docteurs orientaux et dans toute la tradition occidentale, du sacerdoce du Christ et de l’eiricacilé de ses paroles, avec l’opération eucharistique du S. -Esprit exprimée par l’épiclcse, démontre la possibilité et le fait d’une conciliation des données qui semblent à première vue contradictoires. Quant aux liturgies elles-mêmes, elles fourniraient à qui les étudierait avec méthode maints éléments postulant et suggérant cette conciliation. On y ti-ouverait, par exemple, des allusions à ce fait que les paroles de J.-C. ne sont pas un simple récit, mais doivent être dites in persona Cliristi, et à la crojance de l’elUcacité de ces paroles. L’existence de formules d’épiclèse, parfois très explicites, au moment de l’olTerloire ou même pendant la préparation de la messe, diminue de beaucoup la diliiculté soulevée au premier abord par l’épiclèse normale qui suit lanamnèse. Enûn, la disparition de l’épiclèse dans les liturgies occidentales bien avant la séparation des deux Eglises prouve tout au moins que lépiclèse, au sens strict du mot. n’est pas nécessaire pour la consécration ; les noms de Post mysferium, Post sécréta, insinuent également que le mjstère était considéré comme accompli au moment où le prêtre récitait ces formules.

Mais comment expliquer l’épiclèse ? Les éléments de cette explication nous sont fournis par la tradition. Unité d’action des trois personnes divines dans le rite eucharistique, sacerdoce du Christ agissant par le ministère du prêtre, vertu transsubstantiatrice du S. -Esprit : telles sont, en définitive, les trois idées fondamentales présentées par les liturgies et les écrivains ecclésiastiques. La première et la troisième de ces idées sont tout naturellement exiirimées par des prières ou des invocations et désignées par des termes analogues, la seconde, tout naturellement aussi, est exprimée et réalisée à la fois par les paroles de J.-C. ; la troisième se trouve, non moins naturellement, traduite par 1 epiclèse. Pour déterminer le moment précis de la transsubstantiation, une seule solution est possible : c’est de tenir, avec l’Eglise catholique et la tradition, les paroles de J.-C. pour la forme de l’Eucharistie. Mais si, abstraction faite de ce moment précis, on considère la consécration eucharistique comme une œuvre de la toute-puissance divine, commune aux trois personnes de la S. Trinité, ainsi que toutes les œuvres ad extra, on comprendra le langage des liturgies et des Pères relativement à l’ensemble de l’eucliologie eucharistique. Enlîn, la théorie théologique de l’appropriation donnera la raison de la vertu transsubstantiatrice du S. -Esprit ; celle-ci est, en effet, une appropriation basée sur l’analogie de la transsubstantiation avec l’Incarnation, sur la théorie générale de la sanctilication, sur la doctrine, chère surtout aux Pères orientaux, d’après laquelle le S.-Esprit est considéré comme l’opération divine, la

par les paroles de J.-C. Ce sont les Grecs qui, après les conférences de Jassy (16’12), corrigèrent sur ce point en leur faveur la Confession de.Mochila (J. Parooire, Mélétios Syrigon^ sa vie et ses œuvres, dans Echos d’Orient, t. XII, 1009, p. 25). MoGHiLA n’en conliiiua pas moins à professer la doctrine catholique, notaninient dans son grand Rituel de 1041), qui fui imite par un grand nombre d’autres rituels même après lliOO.

vertu et l’opération Aivante du Fils. Quant à la place de l’épiclèse après les paroles consécratrices de l’institution, elle s’explique, sans préjudice pour l’eflicacité de celles-ci : i° par la nécessité où se trouve le langage humain d’énoncer successivement ce qui s’opère en un instant, l’esprit des liturgies n’étant pas, d’ailleurs, pour emprunter un mot de Bossuet {Explication de quelques difficultés sur les prières de la messe, xlvi), « de nous attacher à de certains moments précis » ; 2"^ par la pensée Ihéologique, évidente dans les liturgies et chez les Pères, d’indiquer, dans la contexture même du canon de la messe, l’ordre logique des trois personnes divines entre elles et de leur intervention dans l’économie du salut.

Ainsi donc, l’Esprit-Saint concélèbre en quelque sorte avec le Père et le Fils au moment où le prêtre prononce les paroles sacrées : « Ceci est mon corps, ceci est mon sang. » Mais, pour sauvegarder l’ordre qui est le plan même du canon de la messe, force est bien au langage humain de reporter après la consécration l’énoncé de l’opération transsubstantiatrice et sacrilieale du S.-Esprit, laquelle, en réalité, coïncide avec l’action eucharistique du Fils. Seule, l’action sanctificatrice de la troisième personne sur les fidèles est mentionnée à sa vraie place, après la consécration. Mais les épiclèses anciennes et toute la tradition attribuent au S.-Esprit beaucoup plus qu’une simple action sanctificatrice sur les communiants, beaucoup plus qu’une confirmatio sacramenti ou sacrificii (Dom Cagix, Paléogr. musicale, t. V, p. 82 sq.), beaucoup plus qu’une ostension ou épiphanie eucharistique (E. Bouvy, Congrès euchar. de Beims, 1894. p. 7Ô’)). quelle que soit la haute portée théologique donnée à ces expressions. Ce qui lui est attribué, c’est la confection même du sacrement, c’est la sanctification du pain et du viii, c’est-à-dire leur consécration. C’est pour avoir parfois un peu trop laissé de côté ou cherché à atténuer cette donnée bien précise de la tradition, que certains théologiens catholiques se sont condamnés à ne fournir de l’épiclèse que des interprétations incomplètes ou mêlées d’éléments en partie contradictoires. Même Bessarion et Bossuet n’ont pas entièrement échappé à ce défaut, bien que leurs écrits sur cette matière renferment àpeu près tous les cléments d’une bonne solution.

Tout se réduit, en somme, à une question d’appropriation et à une question de style liturgique. On peut dire, à propos de cette dernière, que l’épiclèse eucharistique n’est pas un fait isolé dans la liturgie. On retrouve de véritables épiclèses dans tous les rituels, à l’administration des divers sacrements, surtout duliaptème, de la confirmation et de l’ordre : le ministre demande au S.-Esprit de venir opérer les effets du sacrement, alors même que les paroles de la forme, dûment prononcées et unies à la matière, les ont déjà produits. L’épiclèse eucharistique n’est qu’un cas particulier de ce procédé liturgique, auquel l’appropriation de la transsubstantiation au S.-Esprit donne ici une spéciale importance. Si l’Eglise latine a banni de cette formule toute expression concernant la confection du sacrement, c’est pour mieux mettre en relief l’eflicacité absolue des paroles de J.-C, mais sans détriment pour l’unité d’action des trois personnes divines et pour l’appropriation au S. Esprit. Elle est donc en pleine conformité avec l’enseignement de la tradition.

YI. Bibliographie. — Bessarion, De sacramento Eucharistiæ et quibus verhis Cliristi corpus conficiatur, dans P. G., CLXI, 49^ seq.. Catharin, Quibus verbis Christus Eucii. sacrum. confecerit, loïne, j552 ; C. de Cheffontaines, ï’arii tractatus, etc.,