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EUCHARISTIE

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dans leurs discussions soit contre les Juifs soit contre les païens, répètent volontiers que les chrétiens nont d’autre sacrifice que la prière et l’action de grâces ; Justin, I Apol., XIII, Dial.. cxvii : Athénagore, Légat., ui Mi.nucius Félix, Octarius. xxxii, 2. Ceci s’entend en ce sens que les chrétiens n’ont pas de sacrifice sanglant comme en ont les juifs et les païens, et aussi (Renz, p. 154), que leurs sacrifices ne sont pas des sacrifices absolus et indépendants comme ceux des païens, mais des sacrifices relatifs et commémoratifs. Mais ces textes ne peuvent nous faire oublier que, pendant tout le second siècle, la prophétie de Malachie sur le « sacrifice pur » est appliquée à l’eucliarislie. et que l’eucharistie est représentée, surtout chez saint Justin, comme une commémoration de la Passion.

La conception du sacrifice eucharistique est peu précise chez S. Irénée (Ad^ hær., IV, xvii, xviii). Cf. Massuet, in h. l. ; Feiardext (P. G.. VII, 1^18-1725) ; Grabe (lyoS) ; Rexz, /. /., p. 186. Elle est plus ferme chez les docteurs africains iTertclliex (/>e / ; « <//(/// « , II) écrit en interprétant de l’Eucharistie la parabole de lenfant prodigue : « Recuperabit igitur et apostata vcstem prioreni, indumenluin Spiritus Sancti, (i et annuluni denuo, signacuhini lavncri, et rursus

« illi mactal)itur Chrislus… » S. Cypriex développe

beaucoup plus amplement la doctrine du sacrilice eucharistique dans sa lettre exiii’ ; cette lettre a pour but de maintenir ou de rétablir la tradition chrétienne, violée par les aquariens et de montrer la nécessité de la consécration du vin ; à cette occasion, S. Cyprien rappelle les principaux traits de la doctrine eucharistique, ceux surtout qui en déterminent le caractère sacrificiel ; il est nécessaire de reproduire ici ces textes très importants (éd. Hartel, p. 701-717) :

4. Qui magis sacerdos Dei summi quani Dominus noster lesus Chrislus, qui sacrificiuin Deo Patri obtulit et oblulit hoc idem quod Melchisedech ohtulerat, id est panom et vinum, suum scilicet corpus et sanguinem. 7. Quomodo ad potandum vinum veiiiri non potest nisi Ijotruus calcetur ante et premalur, sic nec nos sanguinem C’iristi possemus bibere. nisi Christus calcatus prius fuisset et pressus et caliceni pi’ior hiberet, quo credentibus propinaret. 9. Iiiveniirais calicem mixtum fuisse qiiem Dominus obtulit et vinum fuisse quod sanguinem dixit. Unde apparet sanguinem Ciiristi non ofl’erri, si dosit vinum calici, nec sacrificium dominicum légitima sa : iclilicatione celebrari, n’si oblatio et sacrificium nostium respondorit passioni. 14. Si Christus lesus Dominus et Deus noster ipse est suinmus sacerdos Dei Patris et sacrificium Patri se ipsum obtulit et hoc fieri in sni commemorationem præcepit, utique ille sacerdos vice Ciirisli V cre fungitur, qui id quod Christus fecit imitatur et sacrifiiium verum et plénum tune ofFi’rt in Ecclesia Deo Patri, si sic incipiat offerre secundum quod ipsum C’iristum videat oblulisse. 17. Quia passionis eius montionem in sacrificiis omnibus facimus, ])assio est cnim Doinini sacrificium quod oflerimus, nihil aliud quam quod ille fecit facere debemus.

La signification de ces textes est très claire : elle peut se résumer ainsi : à la cène, le prêtre souverain, Jésus-Christ, a ofTert à Dieu son Père son corps et son sang en sacrifice(4, i’)) ; lemèmesacrifice esloflcrl aujourd’iiui par les prêtres qui tiennent la place du Ciirist {[^) ; ce sacrifice n’est autre que la j^assion du Christ (17, cf. <)) ; celle relation de l’Eucharistie à la l)assi()n est si essentielle que, si le Christ n’avait pas soulferl, il ne pourrait y avoir de conmiunion eucharisliiiue (7). Ce sont là tous les traits essentiels de la théologie catholique du sacrifice eucharisliqiie. Cf. Renz, p. 219-233.

5. Cyprien nous atteste aussi l’usage d’ollrir le sacrifice de la messe pour les vivants et pour les morts : Epist. xvi, 2 ; xvii, 2 ; 1, 2 ; la même attestation se trouvait déjà chez Teutullikn, De coruna, m ; De mono^, , x ; De exhort. castit., xi.

Origèxe affirme très énergiquement, d’une part, l’unicité du sacrifice de la croix (fri Levit, hom. ix, 2 [P. G., XII, 009]), d’autre part, le caractère sacrificiel de l’Eucharistie et sa valeur propitiatoire (ibid., : o, [523], Hom. xiii, 3 [547]).

S. Cyrille de Jérusalem expose le dogme du sacrifice eucharistique avec autant de précision et de fermeté que celui de la présence réelle et de la transsubstantiation : Catech. myst., x, 8-10 : la messe est pour lui un sacrifice spirituel (^--^rjuv-tyr, Oj71x), un culte non sanglant (àv’yi’y.a/.Tîç Jy.rpiiy :), où’( nous ofirons le Christ immolé pour nos péchés », et ce sacrifice est propitiatoire pour les vivants et i)our les mort=. Le théologien luthérien cité ci-dessus (col. 157^). Plitt, écrit de cette doctrine du sacrifice eucharistique (p. 153) : « Tota Ecclesiæ Romanæ doclrina tantum

« non totidem verbis apud Cyrillum invenitur. » 

Chez les Pères postérieurs, on retrouvera la même doctrine, caractérisée par ces deux traits principaux.

« ) L’Eucharistie est un sacrifice véritable quoique

non sanglant : S. Grég. de Naz., Epist. clxxi (P. G., XXXVIL280) ; Carm. I, 11, 17, 1 3 XXXVII, 782) ; II, I, 17, 39 (1264) ; S. Jean Ciirys., In « yidi Dumiiutm », hom. VI LVI, 138) ; In S. Eustaih., 1 L, 601) ; De sacerdot., iii, 4 XLVIII, 642) ; In Rom. hom. viii, 8 LX, 465) ; / « Hebr. hom. xiv, i LXIII, iii), etc. ; cf. N.vegle, /. /., p. 148-232 ; S. Cyrille d’Alex., De adorât, in spir. et verit., 10 LXVIII, 708) ; etc., cf. Weigl, /./., p. 220 ; S, JeaxDamasc, De fîdeoilhod., IV, 13 XCIV, 1149) ; De imag., II, 17 (1304) ; S. Am-BROisE, In Luc, i, 28 (P. L., X"V, 1545) ; In Ps. xxxviii, 25 XIV, io54-io55) ; S. Jérôme, Epist. xxi, 27 XXII, 388) ; In Tit., i, 8 (XXVL 568) ; In Ezech., xlvi, 13 XXV, 462) ; S. Augustin, De Cis-it. Dei, XVII. xx, 2 XLI, 556) ; Quæst. evang., ii, 33 XXXV, 1346), etc. Cf. M. Blein, Le sacrifice de l’Eucharistie d’après S. Augustin (thèse de Lyon, 1906) ; Portalié, art. cité, col. 2421. — C’est sur cette doctrine du sacrifice eucharistique que s’appuie l’interprétation, d’ailleurs inexacte, que donnent plusieurs Pères du triduum mortis : ils le font commencer à la cène, oii le Ciirist peut être déjà considéré comme mort, puisqu’il s’offrait comme victime : S. Grégoire de Xysse, Orat. I de Christi resurr. (P. G., XLA’I, 612) ; Apiiraate, Serm. xii, 6 (éd. Gi-affin, I, 517) ; S. Ephrem, E-ang. concord. exposii., xix (éd. Mosingcr, p. 221) ; cf. />/’dascal. (éd. Funk, II, p. 13-14). ps. August., In symboL, 6 (P. L., XL, 657).

/>) L’Eucharistie est un sacrifice, en tant qu’elle représente le sacrifice de la croix et nous fait communier à la Passion du Seigneur : S. Grég. de Naz., Carm., i, 11, 34, 237 (P. G., XXXVII, 962) ; S. Jean Chrysostome, In Hebr. hom. xvii (LXIII. 131 ; texte important pour l’inlerijrélation de l’épilre aux llé])reux, et pour la théologie du sacrifice eucharisti(lue) ; Ad^ : lud., iii, 4 XLVIII, 867) ; // ; Act. hom., xxi LX, 170) ; S. Cyrille d’Alex., (ilaphrr. in Exod., 2 LXIX, 428). etc. Cf. Renz. I, p. 448 sq. ; S. Jérôme. Ads’. lo^in., II, 17 (P. /.„ XXIII, 311) ; S. Augustin, Kpist. xcviii, 9 (XXXIll, 363-364) ; Cont. Faust., vi, 5 (XLll, ; >31) : ^x. 18-21 (382-o85). Cette relation essentielle du sacrifice eucharisticpie au sacrifice delà croix a été particulièrement étudiée par Re.nz ; le premier volume de son Histoire de la conception du sacrifice de la messe (Die Geschichie des Messopfer-Begriffs, Freising, îqoi) est intégralement consacré à suivre le dévehippement de cette doctrine dans l’Ecriture et dans la tradition patristiquc.

I. — Le mystère de l’Eucharistie

L’étude de l’Ecriture et de la tradition a montré les preuves certaines de la révélation du dogme de