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EUCHARISTIE

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mange ma chair et qui boit mon sang demeure en moi et moi en lui. De même que le Père, qui est vivant, ma envoyé et que je vis))ar le Père, ainsi celui qui me mauge vivra par moi. Voici le pain descendu du ciel, non comme celui qu’ont mangé les pères, qui sont morts ; celui qui matige ce pain vivra éternellement. »

On ne peut souhaiter de déclarations plus catégoriques ; elles paraissent plus sig-nilicatives encore à (pii considère le scandale des Juifs : si Jésus n’avait voulu parler que d’une manducation sjanboliqvie, il eût assurément tlissipé d’un mot le malentendu, au lieu de redoubler les affirmations qui cho(iucnt ses auditeurs et les révoltent. C’est en vain qu’on a voulu voir une atténuation dans le verset 03 (v. infra).

Cette signification est encore plus claire, si l’on remarque le lien qui unit entre elles la deuxième partie du discours (27-51) et la troisième (52-5f)) : dans la deuxième, le Christ se présente comme le pain de vie descendu du ciel pour donner la vie au monde (33, 48. 50, 5 1), et il conclut : « le pain que jeilonnerai est ma chair pour la vie du monde ». Dans la troisième partie, il affirme plus explicitement la nécessité de manger sa chair, et il termine en repi-enant :

« Voici le pain descendu du ciel… celui qui mange

ce pain vivra éternellement. » Il y a là, entre l’incarnation et l’eucharistie, une analogie profonde, que les Pères, comme nous le dirons plus Jjas, ont souvent développée, et qui est eu elFet une des garanties les plus assurées de la présence réelle : s’il est vrai que c’est une chair réelle que le Fils de Dieu a prise en s"incai"nant et qu’il donne pour la vie du momie, c’est aussiune chair réellequil nous donne à manger dans l’eucharistie ; et de même que notre foi est requise non pour que l’incarnation soit réelle, mais Mour cjue nous en recueillions les fruits, de même iu>tre foi est nécessaire non pour que le corps du Christ soit présent au Saint-Sicreracnt, mais pour <pie sa présence nous y soit salutaire. Cf. Bossuet, Méditations sur Vé’angile, 32’"jour : « … Ainsi l’œuvre’( lie notre salut se consomme dans l’Eucharistie, en K mangeant la chair du Sauveur. Il y faut a[)porter

« la foi, car c’est parla quil commence : il faut croire

< eu Jésus-Christquidonnesachairà manger, comme (c il faut croire à Jésus-Christ descendu du ciel,

« et revêtu de cette chair. Ce n’est pourtant pas la

i foi, qui fait que Jésus-Christ est descendu du ciel, et a paru en chair ; ce n’est pas non plus

la foi, qui fait que cette chair est donnée à man> i, er. Croj’ons ou ne croyons pas, cela est ; croyons ^)U ne croyons pas, Jésus-Christ est descendu du V ielen chair humaine ; croyons ou ne croyons pas, . Jésus-Christ donne à manger la même chair qu’il a (i prise. »

Contre l’interprétation précédente les synd)olistes font valoir le verset 63 : « C’est l’esprit qui vivilie ; la

« chair ne sert de rien. » Pierre Martyr expliciuail

ainsi cette parole : « Les Capharnaïles croyaient

« que la chair (hi Christ devait être mangée corporellement, 

comme le croient maintenant les Part pistes. Le Christ a corrigé leur erreur en <lisant :

« La chair ne sert de rien ; le Seigneur signilie (htnc

tt que sa chair ne doit pas être mangée corporelle «. ment, mais spiritiudlcment par la foi seule. » (.A.p. Hellahm., De EucUaristia, i, i/J.) La plupart des lliéulogiens protestants donnent aujourd’hui encoi’C cette interprétation symboliste : PrLEioEREu, Urchristentum. II, p. /||j9 ; J. Rkville, I.e’i' cs-(in^ile, p. 183 ; GoGUEL, [’lùiciiaristie, p. 208, etc. — Si cette interprétation étaitvéritalde, il faudraitadmeltre ([ue l’incarnation est inutile ; qu’on le remarque bien en elTet : (hms ce verset, comme dans tout le chapitre, la théologie de l’eucharistie est inséparablement unie à celle de l’incarnation : si vraiment la chair du

Christ ne sert de rien, on ne peut plus entendre ni le précepte eucharistique ( « si vous ne mangez la chair du Fils de l’homme… vous n’avez pas lavie en vous '>>) ni non plus le discours sur le pain de vie ( < le pain que je donnerai est machair pour lavie du monde »). Toute difficulté disparait, si l’on comprend que l’esprit est l’unique principe de vie, et que, jiar conséquent, la chair du Christ n’est vivifiante cpi’en tant qu’elle est toute pénétrée par l’esprit ; on retrouve ici deux des traits les plus caractéristiques de la théologie johannique : un réalisme intransigeant, qui repousse le docétisme comme la plus grande impiété, et, d’autre part, une estime exclusive de l’esprit, seulprincipedevie. Cf. S. Auglst., inlo., tract, xxvii, 5 (P. L., XXXV, 1617).

On comi^rend mieux encore cette doctrine, si l’on considère l’union vivitiante produite par l’eucharistie entre le Christ et le chrétien : le Christ est la vie même et l’unique source de vie ; pour être vivilié par lui, le chrétien doit aller à lui par la foi, par l’amoiu-, par l’observation des commandements (m, 15, lO, 36 ; v, 24 ; xv, g, 10, 14, etc.) ; toutes ces démarches constituent l’accession au Christ des âmes attirées à lui parle Père (vi, 44. 45). Mais le Christ de son côté vient au fidèle et se donne à lui, d’abord par l’incarnation (vi, 38 sqq.), ensuite par l’eucharistie (vi. 50 sqq.), et, au terme de ce rapprochement, c’est l’union et la communication de la vie : « Celui qui <( mange ma chair et boit mon sang, demeure en moi

« et moi en lui. De même que le Père, qui est vivant, 
« m’a envoyé et cpie je vis par le Père, ainsi celui qui
« me mange vivra par moi » (vi, 56, 57). Sans doute

dans ces dernières paroles il n’y a qu’une analogie ; mais, puisque cette analogie est véritable, il faut entendre ici une union physique, qui fait participer le chrétien à la vie même du Christ et qui devient pour lui ici-bas le principe de la grâce, au ciel le principe de la résurrection et de la gloire (cf. J. Lebretox, Les origines du dogme de la Trinité (Paris, 1910), p.403 sqq.). Nous retrouverons plus bas(col. 1570-157 1) cette conception chez les. Pères.

B. — f.a transsubstantiation

(i) I : îi ; l d<- la question.

La foi catholique est énoncée en ces termes par le concile de Trente [se5s. xiii, cap. 4 ; Denz., 877 (758)] : Quoniain aiitem Cliristus reæmptor noster corpus suum id, quod suIj specie panis ojferebat, ^-ere esse dixit, ideo persuasuni seniper in Ecclesia Dei fuit, idque nunc denuo sancta liæc Synodus déclarât, per consecrationeni panis et vini conversioneni fieri tôt i as substantiæ panis in substantiam corporis C/iristi Domini nostri, et totius substantiæ vini in substantiam sanguinis ejus. Quæ conversio convenienter et proprie a sancta catltolica Ecclesia transsubstantiatio est appellata. Cf. can. 2 |Denz.. 884(764)|.

Les schismaliques grecs professent en ce point la même croyance : Confession orthodoxe, i, 56 (Kimmkl,

I, 126) : « Le Fils de Dieu se trouve dans l’Eucharistie par transsubstantiation (zarày.-rîJTcojTtv) ; la substance (ov71a) du pain est changée (, uttT « , ÎK//£Tai) en la

« substance de son saint corps ; et la suljstance du
« vin en la substance de son sang précieux. » Cf. Confession

de Dosithée au concile de Jérusalem (1672) :

; < Xous croyons fque, après la consécration du pain et

u du viii, la substance (oùtik) du pain et du vin ne

« demeure pas, mais le cor[)s même et le sang du

<c Seigneur est sous l’apparence (siôfi) et la forme

« (rvr’-j) du i)ain et du viii, c’est-à-dire, sous les accidents

(tvu ::, ?/ ; zî71v) du pain. » De même dans l’Eglise russe : v. Macaihr, Théologie dogmatique orthodo.re,

II, p. 457 sq. Cf. Stoxe, a history of tlie doctrine of