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ELXHARISTIE

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confirment cette doctrine et la précisent en un point : elles montrent que quiconque communie indignement

« est responsable du corps et du sang du Seigneur », 

qu’il « mange et boit sa condamnation parce qu’il ne discerne pas le corps » du Seigneur. Donc le corps du Clirist est reçu même par les indignes ; sa présence réelle ou ol)jective au Saint-Sacrement ne dépend pas de la foi ni des autres dispositions du communiant. Cf. S. Augustin, De Baptismo, V, viii, 9 (P.L., XLIII, 181) : « Indigne quisque sumens Dominicum

« særamentum, non eflicit ut, quia ipse malus est, 

(( malum sit aul, quia non ad salutem aceipit, niliil

« acceperit. Corpus enim Domini et sanguis Domini
« nihilominus ciat etiam illis quii)us dicebat apostolus : 

(^)ui manducat indigne, iudicium sibi man-’( ducat et bibit. »

Tout catholique reconnaît à l’enseignement de saint Paul une autorité définitive ; mais, même si l’on veut faire abstraction de l’infaillibilité de l’apôtre, pour considérer. d"un point de vue apologétique, la valeur liistoi’ique de son témoignage, on reconnaîtra sans peine que sa portée est de tout premier ordre, soit que Ion considère la date du témoignage, la qualité du témoin, la tradition à laquelle il se réfère ; nous avons ici l’interprétation la plus ancienne et la plus authentique que l’Eglise ait donnée de l’Eiicliaristie, et, si Ton fait attention à la célébration si fréquente de ce mystère, à la place centrale qu’il occupait dans le culte chrétien, il faut avouer qu’une tradition ainsi représentée s’impose non seulement à l’assentiment du théologien, mais au respect de tout historien. M. GoGUEL (L’Eucharistie, p. 18^) veut voir ici une transfornuition « due à l’action de l’apôtre Paul,

« action inconsciente certainement, car en matière
« eucharistique Paul n’a pas eu le sentiment d’innover
«. Ces derniers mots trahissent assez tout

ce que cette supposition a d’invraisemblable : il est bien arbitraire et bien imprudent d’aliirmer aujourd’hui une transformation de cette iuqiortance, que l’Eglise d’alors n’a pas remarquée et dont l’auteur même n’a pas eu conscience.

Des textes de S. Paul on a voulu tirer plusieurs objections. De I Cor., x, 16-22, on a voulu conclure que la communion au corps du Christ devait être expliquée par la communion aux démons (Schmiedel, in h. l ; Ghétillat, /. /., p. 507). — On montrera plus bas (col. 1566) que le texte implique une analogie toute différente entre le corps du Christ et les idolothytes, et suppose de part et d’autre une communion réelle.

Dans le chapitre xi, les versets 27-29 s’appuient sur tout le récit qui précède : si donc on est « responsable du corps et du sang du Christ », ce n’est pas seulement, comme le veut Schmiedel (Hand-Commentar, in h. /.). parce qu’on « annonce la mort

« du Seigneur », mais c’est avant tout parce qu’on a

reçu indignement le corps et le sang du Seigneur ; cf. GoGUEL, L’Eucharistie, p. 178 : « Bachmann

« observe avec raison que si l’apôtre dit : coupable
« envers le corps et le sang du Seigneur, et non pas
« seulement coupable envers le Seigneur, c’est que, 

i( pour lui, le pain-corps et la coupe-sang sont réellement le Seigneur et non pas des symboles. Le " caractère réaliste de la conception paulinienne

« explique aussi les conséquences qu’a pour l’apôtre
« la communion indigne. » 

/) Le discours eucharistique de Jésus-Christ chez S. Jean (ch. vi). — Ce discours de Noire-Seigneur a reçu, même parmi les catholiques, deux interprétations diil’érentes : quand Jésus parle de manger sa chair et de boire son sang, les uns reconnaissent dans ces paroles une allusion directe à l’Eucharistie ; les

autres n’y voient qu’une locution figurée signifiant l’union au Clirist par la foi. Le concile de Trente, dans sa session xxi% s’est refusé à trancher cette controverse ; cependant l’interprétation eucliaristique, qui, même au xvi’siècle, était plus généralement adoptée, est aujourd’hui communément reçue ; elle a pour elle les autorités patristiques les plus graves et les plus noml)reuses, et elle rend mieux raison du texte évangélique.

Pour l’histoire de l’exégèse de ce chapitre, v. "’al. ScHMiTT, Die Verheissung der Eucharistie (Joh. vi). 1. Grundlegung und patristische JAteratur bis Konstantin. (11) Die Verheissung… bei den Antiochenerv. Crrillus roH Jérusalem und Johannes Chrysosloinus (Wiirzburg, 1900, 1903). A. Xægle, Die JJucharistielehre des hl. Joh. Chrysost. (Freib. i. Br., 1900). p. 36-47 ; E- ^Veigl, Die Heilslehre des hl. Crrill’un Alex. (Mainz, 1903), p. 201-220 ; Schaxz, Die I^ehre des hl. Augusiins iiber die Eucharistie (fheolog. Quartahchrift, 1896, p. 79-116) ; F. Cavallkra, L’interprétation du ch. VL de S. Jean ; une contros’erse exégétique au concile de Trente (Revue d histoire ecclés., X (1909). p. 687-709).

Les réformateurs du xvi’siècle rejetaient unanimement l’interprétation eucharistique (v. Th. Zahx, Das Evangelium des Johannes (Leipzig, 1908), p. 344345) ; aujourd’hui, selon la remarque d’un protestant libéral, « d’une manière générale les exégètes catholiques et ceux de l’école critique se prononcent a pour l’interprétation eucharistique ; les protestants conservateurs la repoussent » (Goguel, L’Eucharistie, p. 204, n. i).

Dans ce chapitre ai on peut distinguer quatre parties principales : le récit de la multiplication des pains et de la marche du Christ sur les eaux (1-26) ; le discours du Christ sur le pain de vie descendu du ciel (27-01), sur la nécessité de manger sa chair et de boire son sang (52-5g) ; le récit de l’incrédulité des disciples et de la confession de S. Pierre (60-71). C’est dans la 3* partie surtout qu’il est question de l’Eucharistie, mais les autres parties y tendent ou s’y rapportent ; sans doute il est tout à fait excessif de voir, comme M. Loisy, des symboles de l’Eucharistie dans tous les détails historiques rapportés par S. Jean dans ce chapitre (cf. M. Lepix, La valeur historique du quatrit’me évangile (Paris, 1910), ! , p. 6-70) : mais, d’autre part, il paraît ditlicile de nier la relation qui unit à l’Eucharistie soit le récit de la multiplication des pains (cf. Lepix, p. 69), soit surtout le discours du Christ sur la manne et le pain de vie. Quant aux versets 52-69, ^^ sufiit de les lire pour constater leur signification eucharistique, et, du moins en ce qui les concerne, on reconnaîtra avec M. Loisy (/.e quatrit’me évangile (Paris, 1908), p. 45) que « le discours sur le pain de vie n’a plus de sens

« déterminable et porte sur le vide, si l’on n’y recon-’  « naît une instruction touchant le mystère de l’Eucharistie

».

Ce point étant aujourd’hui peu contesté, il faut insister surtout sur le caractère delà doctrine eucharistique ainsi prêchée par Jésus. Ce caractère est manifeste, soit que l’on considère en eux-mêmes ces versets, soit qu’on les rapproche de ceux qui précèdent :

« Le pain que je donnemi est ma chair pour la vie du

monde. Et les Juifs disputaient entre eux en disant : Comment celui-là peut-il nous donner sa chair à manger.’Et Jésus leur dit : En vérité, en vérité, je vous le dis : si vous ne mangez la chair du Fils de l’homme et si vous ne buvez son sang, vous n’avez pas la vie en vous. Celui qui mange ma chair et qui boit mon sang, a la vie éternelle, et je le ressusciterai au dernier jour. C ir ma cliair est une vraie nourriture, et mon sang est un vrai breuvage. Celui qui

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