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EUCHARISTIE

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guerons ici, comme plus bas, la question de la présence réelle, celle de la transsubstantiation, celle du sacrifice eucharistique. A vrai dire, cette distinction dissocie des éléments inséparables de la doctrine eucharistique : on montrera plus bas que la présence réelle ne peut se concevoir pleinement sans la transsubstantiation ; entre la présence réelle et le sacrifice la coliésion n’est guère moins étroite : si le Christ est réellement présent au Saint-Sacrement, c’est comme une victime, et inversement, si le sacrifice est réel, c’est que le Christ y est réellement présent. Ainsi toutes ces vérités sont si intimement unies qu’elles ne se peuvent entendre parfaitement Tune sans l’autre ; on nous permettra cependant de considérer successivement les divers aspects de cette réalité unique.

A. — La présence réelle

o) Etat de Ja question.

L’Eglise a souvent professé sa croj’ance au dogme de la présence réelle ; elle l’a fait en particulier au concile de Trente, sess. xiii, cap. i, cf. can. i, Denz., 87/1(755), cf. 883(763) : « Principiodocet sancta Synodiis et aperte ac simpliciter profîtetur, in alnio sanctæ Eucharistiæ sacramento post panis et vini consecrationem Domimim nosfriini lesuni Christum veruni Deum atque hominem vere, realiter ac substantialiter snh specie illarum rerum sensibiliiim contineri. »

Les Grecs schismatiques professent sur ce point la même croyance ; v. la confession de Dosit liée au concile de Jérusalem de 1672, n. 17 (Kimmel, Moniunenta fidei Ecclesiæ orientalis (lenae, 1850), I, p. 457) ; Macaire, Titéologie dogmatique ortltodoxe (Paris, 1860), II, p. 456 sqq.

Il est impossible d’entrer ici dans le détail des mille nuances et des mille variations qu’on remarque, en ce point, parmi les S3niboles des églises protestantes ; on peut les ramener à trois conceptions principales : « ) La conception luthérienne maintient le dogme de la présence réelle : au début, Luther garde même, du moins à titre d’opinion libre, le dogme de la transsubstantiation, puis il l’élimine pour professer que : ’( est veruni corpus et sanguis Domini nosfri lesu Christi in et suIj pane et vino ». (Catech. maior, pars v). /3) CALvi>f repousse la présence substantielle du corps du Christ, mais admet une présence dynamicjue : « Nos âmes ne sont pas

« moins repeues de la chair et du sang de Jésus-Christ, 

que le pain et le vin entretiennent la vie

« des corps… Que s’il semble incroyable que la chair’< de Jésus-Christ estant esloignée de nous par une
« si longue distance, parvienne jusqu’à nous pour
« nous être viande, pensons de combien la vertu secrête

du Sainct Esprit surmonte en sahautesse tous

« nos sens… Or Jésus-Christ nous testifie et scelle en
« la cène cette participation de sa chair et de son
« sang, par laquelle il fait découler sa vie en nous, 
« toutainsique s’il entroit ennososet ennos moelles.
« Et ne nous y présente pas un signe vuide et frustratoire.

.. combien qu’il n’y ait que les seuls fidèles qui

« participent à ce convive spirituel. » (fnstit., IV, xvii, 

10.) /) Zavingle repousse cette présence dynamique du corps du Christ, comme sa présence substantielle ; il ne voit dans les éléments eucharistiques qu’un symbole du corps du Christ et dans la cène qu’un mémorial. C’est cette conception symboliste qui rallie aujourd’hui le plus de suffrages parmi les théologiens protestants du continent : ’< L’hypothèse intcrmédiaire et insoutenable de Calvin est de plus en plus

« abandonnée, et ceux-là mêmes qui, en Allemagne, 
« en Angleterre et en France, cherchent à faire re
« vivre la conception luthérienne répugnent à ses’( formules précises et à ses conséquences logiques. ; >

(F. LicHTENBERGER, art. Cène, dansV Encyclopédie des sciences religieuses, II, p. 792-793.) Pour l’histoire des opinions protestantes on consultera toujours avec fruit Bossukt, Histoire des variations, surtout 1. II(Luther et Zwingle)etl. IX (Calvin) ; cf. K. G. Goet/, Die Abendmahlsfrage, p. 35-ioo ; Loges, art. Abendmalil, II, dans Healencykloptidie fiir protest. Theol., i, p. 64 sq. : LicHTENBERGKR, art. cité, p. 788-792.

Parmi les théologiens protestants contemporains on peut citer A. Réville, Manuel d’instruction religieuse (Paris, 1866), p. 250 sq. ; Guétjllat, Exposé de théologie systématique, IV (Xeuchàtel, 1890), p. 506-508. La conception luthérienne est défendue par Martensex, Dogmatique chrétienne, traduite par G. DucRos (Paris, 1879), p. 677.

Dans l’Eglise d’Angleterre, la diversité d’opinions a été de tout temps très grande au sujet de la présence réelle, et aujourd’hui les plus hautes autorités anglicanes s’accordent à présenter cette question comme une question libre : l’évêque anglican de Birmingham, M. GoRE, écrivait : « Nos présents formulaires de foi laissent la question de la prt-sence

« objective (du corps du Christ) une question ouverte, 
« de sorte que nous ne pouvons nous traiter mutuellement

d’hérétiques pour la tenir ou la rejeter : ’( Cette conclusion s’imposait à John Keble… et ré-’( cemment l’archevêque de Canterbury [D"" Temple]

« l’aflirmait de nouveau dans son mandement. » 

(The body of Christ (London, 1902), p. 234.) Cf. Charge delivered at his first Aisitation by Frederick, Arciibishop of Canterbury (London, 1898). p. 10. Cette diversité d’opinions s’est fait jour d’une façon très instructive dans la conférence tenue au palais épiscopal de Fulham, à Londres, en octobre 1900 : The doctrine of koly Communion and its expression in Ritual, Report of a Conférence held at Fulham Palace, in october 1900, edited by Henry Wace, D. D., Chairman of the conférence (London, 1900). On trouvera sur ce sujet des renseignements plus circonstanciés chez M. P. Cavrois, La présence réelle chez quelques Anglicans (Aouvelle Lievue théologique, mai, juin et juillet 1908). L’histoire de la théologie anglicane de l’Eucharistie depuis Henri VIII jusqu’à nos jours a été racontée avec grand détail par Daniel Stone, A history of the doctrine of the hoir Eucharist (London, 1909), II, p. 107-355 et 44-3647 b) Les preuves.

La présence réelle de Xotre-Seigneur dans l’Eucharistie peut se prouver y) parles paroles de l’institution, /5) par l’enseignement de saint Paul, y) par le discours eucharistique du Christ rapporté par saint Jean.

a) Les paroles de l’institution ont d’elles-mêmes un sens clair et certain : « La présence réelle du corps

« et du sang de Xotre-Seigneur, dans ce sacrement, 
« est solidement établie par les paroles de l’instilution, 

lesquelles nous entendons à la lettre ; et il ne

« faut non plus nous demander pourquoi nous nous
« attachons au sens propre et littéral, qu’à un voyageur, 

pourquoi il suit le grand chemin. » (Bossuet, Exposition de la doctrine de l’Eglise catholique, x.)

Dans le discours où ces paroles sont rapportées on ne peut relever aucun indice de symbolisme ; et il serait de la plus haute invraisemblance que, la veille de sa mort, au moment où il instituait un rite qui devait avoirune telle importance dans son Eglise, Jésus, parlant à des hommessi simpleset si grossiers, se fût servi de paroles en apparence si claires pour cacher un symbolisme si mystérieux et si difiicile à