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ESCLAVAGE

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pour les faire esclaves », nefarlos, qui neophytos in sen’itiiteni ahstrahiuit (Raynald, Annales eccles., année 1482, n^ 42). Sans doute, il n’est encore question ici que des nègres néophytes, c’est-à-dire convertis au christianisme : mais outre que ceux-ci étaient alors, dans ces régions, fort nombreux, cette assurance de la protection ecclésiastique était pour eux une invitation à se convertir et leur oifrait le moyen d’échapper ainsi aux dangers de la traite et de l’esclavage. Aux découvertes et aux conquêtes du Portugal succèdent dans une autre partie du monde celles des Espagnols : c’est à la protection des indigènes de l’Amérique, victimes de la cupidité de leurs nouveaux maîtres, que s’applique le pape Paul 111. Dans un bref du 29 mai 153^, il donne au cardinal archevêque de Tolède pleins pouvoirs pour la protection des Indiens, et déclare prendre lui-même sous sa sauvegarde leur liberté et leurs biens, même s’ils se trouvent encore en dehors de l’Eglise, frappant d’excommunication réservée au Pape ceux qui tenteraient de les dépouiller de leur propriété ou de les réduire en servitude (cité par Pastor, Gescliiclite der Papsle, t. y, p. 720). Dans une bulle du 2 juin de la même année, adressée à toute la chrétienté, il prend contre leurs opjiresseurs la défense des droits naturels des Indiens, flétrit les « instruments de Satan », les « artisans de mensonge », qui les privent de leur liberté native « et les traitent plus durement que des bêtes de somme » : il prononce la condamnation absolue de la servitude, « non seulement de celle des Indiens, mais de celle des hommes de toute race, et non seulement de ceux qui se sont convertis au christianisme, mais encore de ceux qui vivent en dehors de la foi chrétienne » : ils devront, dit le Pape, « jouir de leur liberté, rester maîtres d’eux-mêmes, et il ne sera permis à personne de les réduire en esclavage », sua libertate et dominio uti et potiri et gaiidere libère et licite passe, nec in servitutem redigi dehere. Il A-a jusqu’à

« déclarer-, en vertu de son autorité apostolique, 

nul et sans effet tout ce qui aura été fait contrairement à cette lettre », ac quidquid secus fieri contigerit, irritum et inane… auctoritate apostolica… decernimus et declaramus, ce qui revient à annuler toute vente d’esclave (Bull, Rom., t. XIV, 1868, p. 712 ; cf. Cantu, Storia universale, t. Yll, 1888, p. 128). Urbain VIII, en 1689, défend « que personne, à l’avenir, ait l’audace de réduire les Indiens en esclavage, de les vendre, acheter, échanger ou donner, de les séparer de leurs épouses et de leurs fils, de les dépouiller de leurs propriétés et de leurs biens, de les conduire en d’autres lieux, de les priver en une manière quelconque de leur liberté, de les retenir en servitude, de prêter conseil ou secours, sous aucun prétexte, à quiconque agirait de la sorte, d’enseigner la légitimité d’actes semblables ou d’y coopérer >.(/ ? » //. Rom., t. XIV, p. 718.) En 174 1, Benoit XIV écrit aux évêques du Brésil et au roi de Portugal pour se plaindre que « des hommes se disant chrétiens oublient les sentiments de charité répandus dans nos cœurs pai" le Saint-Esprit, à ce point de réduire en esclavage les malheureux Indiens, les peuples des côtes occidentales et orientales du Brésil et des autres régions ». {Bull. Benedicti XIV, const. 38, t. I, 1845, p. 123-125.) GRi’iGoiRE XVI, en 1889, voyant que « si la traite des noirs a été en partie abolie, elle est encore exercée par un grand nombre de chrétiens », envoie à tous les évêques du monde catholique une encyclique pour condamner une fois de plus cette infâme pratique. Il commence par raconter les efforts des premiers chrétiens pour adoucir et supprimer peu à peu l’esclavage ; puis il accuse, « avec une profonde douleur », les chrétiens modernes qui, « honteusement aveuglés par le désir d’un gain sordide, n’ont point hésité à réduire

en servitude, sur des terres éloignées, les Indiens, les noirs, et d’autres malheureuses races ; ou bien à aider à cet indigne forfait, en instituant et organisant le trafic de ces infortunés ». Il rappelle les efforts de ses prédécesseurs Pie II, Paul 111, Urbain VIII, Benoît XIV i)our faire cesser la servitude, et particulièrement ceux de Pie VII, au Congrès de Vienne, pour réunir toutes les grandes puissances dans une protestation unanime contre la traite. Il renouvelle les condamnations tant de fois déjà prononcées par le Saint-Siège contre une institution quinon seulement cause aux malheureux emmenés en esclavage d’horribles souft’rances, mais encore est l’occasion de guerres incessantes qui désolent le continent noir (Acta Gregorii Papæ XVI, 1901, t. II, p. 887 et sq.). Pie IX n’intervint pas directement dans la question de l’esclavage ; mais en béatifiant, le 16 juin 1800, un des pkis illustres antiesclavagistes, le jésuite catalan Pierre Claver, — cet admirable religieux qui avait ajouté, en 1622, à ses vœux de profès celui de servir Dieu sa vie durant dans la personne des esclaves, et qui signait : Pierre, esclave des esclaves à toujours, — il le loua d’avoir consacré sa vie au service spirituel et temporel des nègres, et flétrit les trafiquants

« qui, dans leur suprême scélératesse, avaient

pour coutume d’échanger contre de l’or la vie des hommes », quibus hominum viiani aura compavare per summum nefas solemne erai{Bullarium Soc. Jesu, 1894, p. 869). Quand il reçut, en 1872, une commission de l’Association antiesclavagiste anglaise, conduite par sir Bartle Frère, qui, bien que composée de protestants, avait tenu à s’incliner sous la bénédiction du vicaire de Jésus-Christ avant d’aller au Zanzibar, Pie IX s’écria : « Il est nécessaire d’al^olir l’esclavage. Les missionnaires y travaillent partout », et recommanda à l’aide fraternelle de ceux-ci.les généreux voyageurs (Piollet, Les Missions catholiques françaises au xix’^ siècle, t. V, Afrique, 1902, p. 478). LÉON XIII eut le bonheur de voir les dernières nations chrétiennes qui avaient conservé l’esclavage y renoncer. On connaît sa belle lettre sur ce sujet, résumé plein de concision et de force de tout ce qui avait été tenté par ses prédécesseurs, adressée le 5 mai 1888 aux évêques du Brésil (Léon i s XIII P. M. Acta, t. VIII, p. 169-192). Restait encore une campagne à entreprendre. La traite continuait à dévaster l’Afrique. Depuis qu’ils en avaient perdu, du vii^ au XI* siècle, toute la partie septentrionale, devenue la proie de l’Islamisme, le reste de l’Afrique avait été pour les Européens un continent fermé. Seules ses côtes avaient été visitées par les ordres religieux pour en convertir les habitants, par les aventuriers de tous les pays pour les emmener en esclavage. Les vastes établissements des Portugais au Cap Vert, en Gambie, en Guinée, au Gabon, devinrent autant de comptoirs de traite. C’est de Sierra Leone que le trop fameux trafiquant anglais Hawkins, commandité par la reine Elisabeth, enleva de 1562 à 1568 plus de 60.000 esclaves. Les dénominations géographiques ont consacré ces honteux souvenirs : à la suite de la Côte d’Ivoire et de la Côte d Or se rencontre la Côte des Esclaves, et les géographes arabes ont donné au Niger le nom de Nil des Esclaves. Maintenant, la traite ne se fait plus au profit des pays chrétiens ; mais elle continue à sévir au profit des pays musulmans. L’Afrique centrale, en grande partie habitée par des populations douces, aptes à la civilisation, est dévastée par les négriers Arabes ou par des tribus guerrières à leur solde, et demeure un véritable terrain de chasse. Un missionnaire, établi sur les bords du lac de Tanganika, écrivait encore en 1889 : « Je vois passer (aujourd’hui) sous mes yeux plus de 300 esclaves. Il n’y a pas de jour où les