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volontaires, c’est-à-dire qui ne cherchèrent pas à être affranchis ou à se racheter (Becgnot, Préface des Olirn, t. III). Mais en certaines provinces, soit plus pauvres soit récemment réunies au royaume, subsista la mainmorte, forme atténuée et dernier reste de servage. On la retrouve dans l’Est et dans le Centre, en Auvergne, en Berry, en Nivernais, en Bourbonnais, en Lorraine, en Franche-Comté. Pour en neutraliser les effets, certaines coutumes prévoient la vie de famille en commun, de telle sorte que, comme la famille ne meurt pas, les biens acquis par le travail collectif ne fassent jamais retour au seigneui'. Plusieurs de ces coannunautés, qui sous l’Ancien Régime furent souvent prospères, se sont continuées jusque dans le xix^ siècle. La mainmorte disparut partout en France au cours du xviii'^, soit par l’initiative généreuse des seigneurs, soit par un accord entre eux et leurs serfs, soit par le rachat : plusieurs villages de mainmorte, particulièrement en Lorraine, étaient fort riches de terres et de bois communaux, et payèrent aisément. Il y a bien de l’exagération dans le plaidoyer de Voltaire en faveur des mainmorlaljles du chapitre de Saint-Claude : celui-ci eut le tort de ne pas céder au mouvement d’opinion qui poussait à l’airranchissement, mais les réponses qu’il oppose à la requête de ses mainmortables sont parfois fort solides, soit qu’il montre comment le retour successoral avait été, à l’origine, la condition volontairement acceptée de concessions de terres faites parles seigneurs, soit qu’il insiste sur la situation exceptionnellement prospère de ses paysans. En 1771 » la mainmorte fut abolie en Lorraine moyennant le paiement annuel d’un bichet de seigle pai' les anciens mainmor’ables. En 1779. les derniers mainmortables des domaines royaux furent affranchis par un édit de Louis XVI. Un petit nombre de mainmortables, comme ceux de SaintClaude, le demeurèrent jusqu'à la Piévolution. (Voir, sur la mainmorte, Etienne Pasquieh, liecherches de la France, 1560, VIII. 24 ; Guy Coquille, Commentaire de la Coutume du yi^-emais. éd. Dupin, p. 308 ; DuNOD, Traité de la mainmorte, 1738 ; ïkoplong, Du contrat de société, t. I, préface ; Dakeste de la ChaVANXK. Hist. des classes agricoles en France, p. 2202l~j FixoT, La Mainmorte dans une terre de Vabhaye de Lu.reuil, dans Nouvelle Bauie historique de droit français et étranger, mars-avril 1880 ; Buchèhe, Un procès de mainmorte en lll’J, dans Précis des travaux de l’Académie de Rouen, 1870-1874 ; G. Demaxte, Etude historique sur les gens de condition mainmortahle en France au ^viii' siècle, 18y4)

— Le servage, très répandu dans la Grande-Bretagne au temps des rois anglo-saxons, y existait encore lors de la conquête normande. On le retrouve, sous des noms divers, dans le cadastre des terres et des personnes dresse après cette conquête et connu sous le nom de Domesday liooh : si les servi proprement dits ne formaient alors qu’un neu ième de la population, et les hommes tout à ftiit libres un quart, les hordarii et cottarii en représentaient trente-deux et les villani trente-trois pour cent, inégalement répartis selon les contrées (voir les cartes dressées d’après les indications du Domesday Jiook par Sbebohm, dans son livre sur The Knglisli Village Comniunily). Venu d’un pays où le servage n’existait pour ainsi dire plus, Gviillaume le Conquérant, par des lois nouvclles, consolida, en faveur des tenanciers, la tixité de tenure, ou même favorisa leur émancipation (voir les lois citées par BKo^v^Lo^v, Slavery and Serfdom in Eut ope, 1892. p. Ito). Sous Edouard ^^ dans la seconde moitié du xiu' siècle, une grande amélioration se produit par la faculté accordée à la pUqjart des vilains de transformer en une rente leurs

services personnels. A en croire certains historiens, la condition matérielle des j)aysans anglais ne changera plus beaucoup depuis cette époque jusqu’au commencement du xix'^ siècle (Rogers, Six Centuries of Work and Wages, p. 84)- La peste de 1849 eut même des résultats avantageux pour l’avenir des tenanciers, en rendant, i)ar les vides immenses faits dans leurs rangs, leurs services plus recherchés et mieux rétiùbués : « La peste émancipa presque ceux qui survécui’ent » (Rogers, ouvr. cité, p. 227.) La révolte des paysans, en 1381, après les prédications de Wiclef, avait mis parmi ses revendications l’abolition du servage ; mais elle paraît avoir eu peu d’action dans ce sens, les engagements pris par l’autorité royale n’ayant pas été tenus dès que celle-ci redevint la plus forte. Cependant le nombre des serfs ne cessa d’aller en diminuant. Le dernier témoignage connu de l’existence du vilenage en Angleterre est un acte d’Elisabeth, en 1674, autorisant l’affranchissement des tenanciers de la couronne dans quatre comtés. Quand l’abolition officielle du servage fut décrétée, en 1660, pour l’Angleterre, par Charles II, et en 1747- pour l’Ecosse, par Georges II, il avait depuis longtemps disparu.

« Quelle grande part les ecclésiastiques catholiques

romains eurent dans cette disparition, dit Macaulay (Ilistory of England, t. I, p. 24), nous l’apprenons par l’irrécusable témoignage de sir Thomas Smith, un des plus haljiles conseillers protestants d’Elisabeth. » Voici ce qu'écrit sur ce sujet Thomas.Smith, dans un livre intitulé Commomvealth of England, livre III, ch. X (éd. de 1633) : « Depuis que notre roj’aume a reçu la religion chrétienne, qui nous a faits tous frères dans le Christ, et par i-a^iport à Dieu et au Christ conservas, les hommes commencèrent à se faire scrupule de tenir en captivité et en une si extrême sujétion celui en qui ils devaient reconnaître leur frère et, comme nous avons coutume de l’appeler, un chrétien. Par ce scrupule, dans la suite des temps, les saints pères, moines et frères, dans la confession et. particulièrement, dans les graves et mortelles maladies, pressèrent les consciences de ceux qu’ils dirigeaient ; de sorte que les maîtres temporels, pou à peu, cédant aux terreiu"3 de la conscience, furent heureux d’affranchir tous leurs vilains. » Smith corrige, il est vrai, cet aveu en ajoutant que « les abijés et prieurs » se gardaient bien d’agir ainsi pour les serfs appartenant à leurs monastères, qu’ils ne se crojaienl pas le droit de diminuer la propriété ecclésiastique en les alfranchissant, que les évêques faisaient de même, bien que quelquefois, pour avoir de l’argent, ils leur vendissent la liberté, et qu’enlin les derniers serfs ne furent affranchis que quand les biens de l’Eglise furent devenus la pro|)riété des seigneurs laïques. Il y a probablement de l’exagération dans ces reproches, car, outre le temps du concile de Celchyth rapjielé i)lus haut IV, col. 1488). on peut citer des actes d’affrancliissemcnt par des évètpies du xiv* et du xv' siècle (Brow.nloav, ouv. cité, ]). 176). Mais ce qu’on doit ajouter, c’est que s’ils affrancliircnt les serfs des domaines ecclésiastiques que la contiscation et les donations royales mettaient entre leurs mains, les nouveaux propriétaires aggravèrent souvent leur sort en les renvoyant de leurs tenures et en les chassant du sol où leurs pères avaient vécu (Froude, Hist. of England, 1890, t. V, p. 112). L’exode d’une multitude de pajsans, joint à la suppression des aumônes que distribuaient les moines, fut, de l’aveu de tous les historiens, une des causes du paui)érisme. Henri VIII, Edouard VI, édictèrent des lois féroces pour réprimer le vagabondage qui en résulta : la dernière de ces lois, qu’on fut obligé de rapporter après deux ans, tant elle