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ESCLAVAGE

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rien ne leur rappelle’leur ancienne servitude. Celle qui combat avec toi pour le Christ sous le drapeau de la virginité doit se réjouir d’une liberté égale à la tienne. En les acceptant pour tes sœurs, tu les auras d’autant mieux jiour tes servantes, qu’elles t’obéiront non par l’obligation de la servitude, mais par la liberté de la charité. Ce n’est pas que votre humilité doive les provocquer à l’orgueil. La charité tempère tout et vous conduira toutes à la frontière de la même paix, sans enorgueillir celle qui a sacrifié sa puissance, sans humilier celle qui est née pauvre ou esclave. » (Saint Léandre, De instit. virginum et contemptu mundi^ii, 13.)

IV

L’esclavage après les invasions

des Barbares

i" L’esclavage et les concile^i à V époque barbare. — Je n’ai pas à rechercher si, dans l’état où se trouvait l’Empire romain au v^ siècle, les invasions barbares furent on non un bienfait pour l’Occident. Mais il ne me paraît pas douteux qu’elles aient été défavorables aux esclaves. Les Germains adoptèrent les vices delà société romaine, plutôt qu’ils ne lui apportèrent leurs vertus. En brisant ses cadres ou en s’y superposant, ils détruisirent beaucoup des garanties que l’influence du christianisme et les progrès de la législation avaient assurées aux esclaA’es.

On s’en rend compte en lisant les récits de Grégoire de Toiu-s. Le droit romain n’a pas été abrogé, et ses lois sont toujours reçues par la population indigène des contrées d’Occident autrefois soumises à l’Empire. Mais ceux des esclaves qui servent dans les terres passées au pouvoir des occupants d’origine germanique sont désormais régis par les coutumes et plus souvent encore i>ar les caprices des nouveaux seigneurs. Leur vie n’est presque plus protégée, car les maîtres avaient en Germanie le droit de vie et de mort (Tacite, De mor. Geiin., 20), que. seules entre les lois l)arbares, leur refusent celles des Burgondes et des ^yisigoths. Grégoire parle d’esclaves punis par le feu, par la castration, enterrés vivants, brûlés par amusement pendant un festin. Il montre, contrairement au droit romain, les parents et les enfants Aiolemincnt séparés, les esclaves ruraux arrachés à la terre sur laquelle ils sont domiciliés (Hist. Franc, VI, 4^). La protection accordée à ces derniers par une loi du iv^ siècle est même expressément supprimée en Italif par un édil du roi goth Théodoric, permettant « à tout maître de retirer des champs les esclaves rustiques des deux sexes >', de les « appliquer au service de la ville », de les aliéner par contrat, sans aucune portion de la terre, de les céder, de les vendre à qui bon semblera, de les donner (f^dictum Theodorici, 142 ; Mon. Germaniae histor., Leges, t. V, p. 166).

La condition de l’esclave subit donc un recul depuis l’établissement des Barbares. Mais l’Eglise a, par ses conciles, travaillé i>endant plusieurs siècles à regagner le terrain perdu. Pres(pie tous les conciles du vi au ix"" siècle, en Gaule, en Bretagne, en Espagne, en Italie, se sont occui)és des esclaves, pour [)rotcger leurs vies, donner de la stabilité à leurs alfranchissements, réglementer leurs mariages, défendre la liberté de leur conscience, empêcher la traite, organiser le passage de la condition servile au sacerdoce ou à l’état monastique, et faire, d’une façon générale, prévaloir les droits de la liberté.

Les églises deviennent les asiles des esclaves menacés de mort ou de mauvais traitements. En le rappelant, les conciles francs remettent en vigueur une loi romaine de 432, disant ([ue, si un esclave s’est réfugié dans le lieu saint, le prêtre doit en avertir son

maître, mais que celui-ci ne peut le réclamer cju’après avoir « éteint dans son cœur tout reste de colère » et promis le pardon (Code Théod., IX, xlv, 5). Le concile d’Orléans de 5Il excommunie les maîtres qui ont manqué à cet engagement. Le concile tenu à Epone en 517 déclare que l’esclaA’e, même « coupable d’un crime atroce », s’il s’est réfugié dans l’église, ne pourra subir un châtiment corporel. Le canon 13 du concile tenu à Orléans en 538 déclare que si un esclave, après avoir olTensé son maître, s’est réfugié dans le lieu saint, et, sur l’intercession du prêtre, a obtenu le pardon, et qu’ensuite son maître l’ait puni et frappé au mépris de ce pardon, l’Eglise aura le droit de revendicjuer sa liberté en payant au maître la valeur de l’esclave. Le 22* canon du concile tenu dans la même ville en 549 ^^^ ^^® " si un esclave coupable s’est réfugié dans une église, onne doit, conformément aux anciennes ordonnances, le rendre que fquand son maître aura promis par serment de lui pardonner. Si le maître ne tient pas sa promesse et persécute cet esclave, il sera exclu de tout rapport avec les fidèles. Si, le maître ayant prêté ce serment, l’esclave ne veut pas sortir de l’église, son maître pourra l’en faire sortir de force. Si le maître est païen ou étranger à l’église, il devra prendre, comme caution de la promesse de pardon faite à l’esclave, plusiem’s personnes d’une piété reconnue ».

La liberté des affranchis, souvent menacée à cette violente époque, est particulièrement mise sous la protection de l’Eglise. Elle avait, du reste, accepté le devoir de protéger la plupart de ceux-ci, puisque, depuis Constantin, le plus grand nombre des affranchissements se faisait dans les lieux consacrés au culte. Souvent même les affranchis lui étaient spécialement recommandés par leurs anciens maîtres. Les canons j du concile d’Orléans de 549, 7 du concile de Màcon de 585, 6 du concile de Tolède de 589, 72 du concile de Tolède de 633. disent que la liberté des esclaves affranchis devant l’Eglise ou remis à sa sauvegarde doit être défendue par elle. Mais sa protection ne se limitait pas à ceux-ci. Il est faux de dire que « la protection ou defensio qu’exerçait l’Eglise était beaucoup plus complète à l’égard des serfs qui iivaient été atïranchis par des clercs ou par des la’iques in ecclesiis » (Marcel Fournier, Les a /franchissements du V* au viii< ! siècle, dans Bévue historique, t. XXI, 1883. p. 23). Elle était la même, disent les canons 3g du deuxième concile d’Arles (452), 29 du concile d’Agde (506). 7 du concile de Paris (61 5), pour tous les atTranchis sans distinction, libertis légitime a doininis suis facti, liberti quorumcumque ingenuorum, et cette règle tutélaire fut transformée en loi par une constitution de Clotaire (61 5).

Les conciles eurent aussi à s’occuper du mariage des esclaves. Cette question, de tout temps délicate, l’était devenue surtout alors. Le droit romain avait autrefois permis, au moins d’une manière générale, le mariage entre libres et affranchis (rescrits d’-Vi-EXANORK SÉVÈRE, Code Just., , m. 8 ; VII, xv, 3) : de nombreuses épilaphes. quehpiefois fort touchantes, nous font connaître de ces mariages. La seule chose défendue, et par le sénatus-consulte Claudien, et plus tard par deux lois de Constantin (314 et 326), c’étaient les rapports illicites entre les matrones et les esclaves. En 408, une loi de l’empereur Antiiémius, aggravant l’ancienne jurisprudence, interilit le mariage entre une femme libre et son ancien esclave, même préalablement affranchi (.Vnthémius, tavelle i, 2, 3). Précisément, la plupart des lois barbares, introduites à la même époque dans l’Occident romain par les envahisseurs, portaient interdiction du mariage entre les libres et les affranchis. II y avait là un double courant, contraire aux traditions chrétiennes,