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ESCLAVAGE

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claves, qu’on pousse vers l’ennemi à coups de fouet (Hkrodote, VII, 96, io3 ; Xénophox, Cyrop., viii, 8) : on dit que parmi les soixante mille cavaliers perses opposés, l’an 36 avant notre ère, à l’invasion d’Antoine il y avait seulement quatre cents hommes libres (Justin, Hist., XLI, 2). Le nombre des esclaves alla toujours croissant en Perse, s’il est vrai qu’il était défendu de les affranchir (Justin, /. c). A en croire Hkrodote I, iS^), leur sort n’aurait pas été très dur, puisqu’une première faute demeurait hpunie ; mais, en cas de récidive, le maître reprenait tout droit. La condition des esclaves alla probablement en s’aggravant. car. bien des siècles plus tard, Ammien Marcellix XXXIII, 6) montre la discipline la plus cruelle pesant sur eux en Perse, peut-être à cause de leur très grand nombre. Dans le service domestique, ils sont obligés à un silence absolu : les maîtres ont sur eux droit de vie et de mort, sans aucune restriction.

En Egyi)te, le commerce, la traite et la guerre ont accumulé une immense population servile. Des trafiquants y viennent, qui ont acheté en route des esclaves, comme les marchands ismaélites auxquels a été A-endu Joseph (Genèse, xxxvii. 28 ; xxxix, i). Les Egyptiens vont aussi s’approvisionner directement sur les marchés, par exemple dans la ville d’Adulis, en Ethiopie, où les mancipia étaient exposés avec rivoire, les cornes de rhinocéros, les peaux d’hippopotame, les écailles de tortue et les singes (Plixe, jXaf. Hist., VII, 34). Mais cette source régulière paraît j)robablement troi) peu abondante, car « la chasse à l’homme, dans les infortunées populations noires du Soudan, s’organisait sur un pied monstrueux. Presque chaque année, de grandes razzias partaient de la province d’Ethiopie, et revenaient traînant avec elles des milliers de captifs noirs, de tout âge et de tout sexe, chargés de chaînes » (F. Lexormaxt, Histoire ancienne des peuples de l’Orient jusqu’aux guerres médiques, t. I, 1882, p. 269-271). Les guerres avec les peuples voisins fournissent aussi de nombreux prisonniers : comme les bas-reliefs assyriens, les peintures des temples de l’Egypte en ont perpétué l’image. C’est probablement par ces prisonniers, devenus esclaves publics, que furent construits les palais, les temples, les pyramides, et creusés les canaux qui répandaient les eaux du Nil (Hérodote, II, 108). Si l’on en croit DioDORE de Sicile ces travaux furent l’œuvre d’étrangers : « Ici n’a peiné aucun Egyptien », dit une inscription (Diodore, I, 56-58 ; voir cependant Hérodote, II, 124-128). Même des populations d’origine étrangère, qu’une émigration volontaire avait amenées en Egypte, furent astreintes à ce labeur forcé : on sait ce que la Bible raconte des Israélites, contraints à cuire des briques pour la construction de plusieurs villes, et soumis à la plus dure et même à la plus meurtrière servitude (Kxodc, i, 8-22 ; v, 6-20). Plus d’une fois cette oppression causa des révoltes, <Ians lesquelles les Egyptiens n’eurent pas toujours le dessus : V Exode raconte le départ eu masse des Israélites ; Diouore (1,.")G) parle du soulèvement victorieux d( ; (^11)1115 babyloniens ; Pline (.W//. Iiist., VI, -34) nouiuie une ville d’Etliiopie construite par des

« esclaves écliap[)és de rEgypte. Il s’agit probablement

-encore ici d’esclaves jjublics ; car, si la condition de ceux-ci était très [)énil)le, celle des esclaves domestiques jiaraît avoir été relativement douce. Joseph ne fut [toint maltraité, et qian(l il fut inculpé d’un crime, <[’i en d’autres pays eût appelé sur l’Iieureun cliàtiinenl terrible, son maître se contenta de le conduire <lans la prison où étaient eu fermés des accusés de flroit commun et des serviteurs royaux ((îeiièse, "xxxix, 20).Commedans toutes lescontrées de l’Orient, les eunuques furent noml^reux en Egypte, et l’on croit

les reconnaître dans les peintures : mais dans les textes il n’est pas toujours facile de distinguer quand ce mot désigne une honteuse servitude ou quand il signifie simplement une charge de cour : le maître de Joseph, Putiphar, cpii était marié, portait (Genèse, XXXIX, i) le titre cl’  « eunuque du roi et chef des soldats » (voir encore Wallox, t. I, p. 22-32).

2° L’esclavage chez les Juifs. — Comme toutes les nations de l’antiquité, le peuple d’Israël, à l’exemple des patriarches (Genèse, xvii, 23 ; xxiv, 61 ; xxix, 24, 29 ; xxxvir, 28 ; XXXIX, i), avaitadmis l’esclavage. Mais on l’y trouve adouci, tempéré, et fort différent de ce qu’il était ailleurs. Les articles du code d’Hammourabi relatifs aux esclaves sont tous écrits dans l’intérêt du maître (voir ci-dessus Coxdamix, article Babyloxe et la Bible, col. 363) ; les prescriptions de la loi mosaïque, au contraire, sont presque toutes protectrices de l’esclave. Sur ce point, au moins, on ne saurait prétendre que le législateur des Hébreux ait copié le vieux roi babylonien. Un Juif ne pouvait être l’esclave d’un autre Juif que pendant six ans {Exode, XXI, 2 ; Deutérononie, xv, 12 ; Lévitiqucuy.^’, 46-42), et même alors il était défendu i< de le réduire en servitude comme un esclave ; on devait le considérer comme un mercenaire ou un colon n (Lévitique, XXV, 39. 40). La septième année, il était rendu à la liberté, à moins que, la refusant, il se condamnât volontairement à la servitude perpétuelle (Exode, XXI, b-j ; Deutéronome, xv, 16-18). L’esclave étranger pouvait être conservé au delà de ce terme, mais une loi protectrice veillait sur sa personne. Le maître qui l’eût tué aurait été puni de mort ; une blessure, même légère, reçue de son maître, le rendait libre. Il pouvait se marier, fonder une famille. Si une fille esclave venait à toucher le cœur du maître, ce n’était pas comme concubine, mais comme épouse, qu’elle devait entrer dans sa couche. Le septième jour de chaque semaine, l’esclave se reposait. Les jours de fête, il devait s’asseoir au banquet à côté de son maître {Exode, XIX, 16 ; XXI, 3, 4- 20, 26 ; Deutéronome, xii, 18 ; XVI, 14 ; XXI, ii-13). L’esclave affranchi ne devait pas s’en aller les mains vides ; la loi ordonnait à son maître de lui donner des bestiaux, du blé. des fruits :

« Souviens-toi, disait-elle à ce dernier, que tu as été

toi-même esclave en Egypte et que le Seigneur t’a délivré. » Souvent la loi rappelle au maître cette servitude d’Egypte, dont le souvenir doit attendrir son cœur envers ses propres esclaves. Elle protège même l’esclave fugitif, par une prescription dont on ne trouverait l’analogue dans la législation d’aucun pays esclavagiste : « Vous ne livrerez pas à son maître l’esclave qui s’est réfugié près de aous, mais il habitera avec vous dans le lieu qui lui aura plu, il se reposera dans une de vos villes, ne l’ainigcz pas. » {/Jeu ter., xxiii, 15, 16.) Quel contraste avec le code d’IIammourabi, punissant de mort (§ 19) tout homme qui accueille un esclave fugitif !

Sans doute, à côté de ces miséricordieuses paroles, il serait facile de montrer, dans l’ancienne loi juive, quelques restes de la rigueur anticpie : plusieurs choses y sont écrites, selon l’expression de l’Evangile {Marc, X, 5), à cause de la dureté de cœur de ceux à qui s’adressait le législateur, ad duriliani cordis i’esiri.scripsit præceptuni illud. C’est ainsi qu’après avoir dit que le maître qui a fait périr son esclave est capable d’un crime. Moïse ajoute : « Si cependant l’esclave a survécu un jour ou deux aux mauvais traitements, le maître ne sera pas puni, parce qu’il est sa propriété. " (Exode, xxi, 21.) Il semble que, dans ce cas à peu près analogue aux « coups et blessures ayant occasionné la mort sans intention de la donner « , dont parle l’article 309 de notre code pénal,