Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/721

Cette page n’a pas encore été corrigée

1425

EPIGRAPHIE

142Ù

de son récit, et qu’avec un art sobre, mais très sur, il atteint aux qualités les plus hautes qui font l’historien. On a remarqué aussi cliez lui une sympathie réelle pour le monde gréco-romain : il connaît ses institutions, en parle, d’après une information personnelle indiscutable, avec une précision qui ne laisse rien à désirer et qui sullirait à inspirer confiance en un auteur aussi sérieux et aussi averti (voir ime liste des principaux détails de ce genre relevés dans les Actes, Harxack, Sitziingsbericlite d. k. pr. Ahad. d. JViss., IQ07, p. 3 ; 8, n. 2, et Die Apostelgeschichte. 1908. passim et p. 6/|, n. i). C’est donc au troisième évangile et aux Actes que nous emprunterons les quelques traits dont il s’agit de montrer l’exacte documentation. De l’évangile nous ne retiendrons que deiix faits : le recensement de Quirinius et les sjnchronismes par lesquels Luc date les débuts de la mission de Jean-Baptiste ; aux Actes nous emprunterons quelques épisodes du ministère de Paul. A défaut d’ouvrage plus à jour, qu’il sufllse d’indiquer un livre qui a bien mérité de l’exégèse archéologique du ouveau Testament, Le Xom-eaa Testament et les décou’ertes archéologiques modernes, par F. ViGOCROUx, 2* édit., 1896.

a) Recensement de Quirinius. — Les deux versets dans lesquels Luc fait allusion à un recensement général de l’empire, exécuté, en Judée, pendant la légation de Quirinius en Syrie, ont suscité une abondante littérature et provoqué des polémiques passionnées. Bibliographie dans Schierf.r, (Jesch. des Jiid. Volhes’-K I, p. 508-509. Voir également le résumé très clair que le P. A. Durand a donné de l’état de la question, L’Enfance de lésus-Christ, 1908, p. 165-172.

Du texte de Luc se dégagent trois faits très nettement allirmés : 1°) qu’il y eut un recensement général de l’empire sur l’ordre d’Auguste ; — 2") que ce recensement, mis en corrélation avec la naissance de J.-C, fut exécuté en Judée avant la mort d’Hérode ;

— 3°) qu’au moment où il eut lieu, Quirinius était légat de Syrie.

Sur chacun de ces trois points on a voulu prendre en défaut la véracité ou l’information de l’évangéliste. On peut considérer l’attaque de Schuerer (t. I, p. 5 10-543) conmie la somme de tout ce qui a été écrit contre l’exactitude de la tradition évangélique à cet égard. Ce n’est point le lieu de reprendre ici l’exposé des difficultés accumulées par le savant historien, encore moins d’entreprendre la tâche laborieuse de les discuter. On l’a fait bien souvent, et l’on trouvera la substance des réponses qui nu rilent d’être reteniu’S. dans les commentaiics (al ! ioli(iues ou simplement conservateurs. La réfutation la plus ingénieuse a été présentée par W. Rams.vv, U’as Christ born at Bethléem ? 3’éd., ujoô, p. 95-196 ; voir aussi la notice de M. ViGOUKOLx, Le yonveau Testament, liv. H, ch. I, et la dissertation d’A. Mayer, Die Schatzung hei Christi Gehurt in ihrer lieziehung zu Quirinius, 1908. Tout récemment W. Weijer (Xeitschrift f. neutest. Wissenscliaft, 1909, p. 307-319) essayait d’établir, en s’appuyant sur une critifque très poussée du récit de Josèphe, que les deux allusions de Luc (£"i’., II, 1-2 ; Acl., v, 37) se réfèrent à un recensement unique, opéré, sous la conduite de Quirinius, en l’an 4 av. J.-C. Cette thèse demeure encore trop hypothétique pour (c nous en prenions avantage ; il fallait cei>en<lant signaler cette tentative de réaction contre la conliance absolue que l’on accorde à Josèphe, fpiand il s’agit de s’en prendre aux Evangiles.

Il y a. parmi les didicultés qui sont opposées au ténu)ignage de Liu-, des arguments de convenance dont la valeur démonstralivo e>l mince ; la prcue

a silentio y joue un rôle capital, et l’on sait ce cju’elle vaut ; enfin les plus grosses objections s’appuient sur le récit de Josèphe. Notons seulement ici le témoignage de deux inscriptions qui sont venues faire l)rèche dans l’argument a silentio, ont diminué d’autant la ditliculté et provoqué un changement d’attitude de la part de quelques-uns des adversaires de la véracité de Luc.

On savait par Josèphe (les textes réunis par Sciilerer. p. 516, n.27, discutés par W. Weber, cf. supra) qu’après la déposition d’Archélaus, Quirinius, en l’an 6’7 de notre ère, fut ciiargé du recensement de la Judée, dès lors annexée à la Syrie. Que ces opérations se fussent étendues à toute la Syrie, Josèphe le donnait à entendre (Antiq., XYII, xiii, 5 ; XVin, I, i)- Cette indication sommaire se trouve heureusement mise hors de toute contestation par une inscription de Beyrouth, dont on avait suspecté l’authenticité, précisément en raison de son contenu, jusqu’à ce que l’original en ait été retrouvé à Venise CIL, III, 6687 = : Dessau, Inscr. lat. sel., 2083). C’est l’inscription funéraire d’un olTicier de second rang qui eut sa part dans les opérations du recensement ; il vaut la peine de reproduire ce texte, puisque aussi bien c’est un document important pour l’histoire du gomernement de Quirinius :

Q. Aemilius Q. F. Pal. Secundus [in] | castris diA Aug. s{iib] I P. Sulpi[c]io Quirinio legato] | C[a]esaris Srriæ honori | bus decoratus, p ?[a]efect. cohort. Aug. /, pr[a]efect. | coJiort. II Classicæ ; idem iussu Quirini censum egi Apamenæ ci<.’itatis mil lium homin. civium CA’VII : idem missu Quirini adi’ersus | Ituræos in Libano monte | castellum eorum cepi ; et ante militiem præfect. fahrum I delatus a duobus cas. ad æ | rarium, et in colonia quæstor, aedil. II, daunnir II, pontifexs. I Ibi positi sunt Q. Aemilius Q. F. Pal. | Secundus f. et Aemilia Cltia lib. | //. m. amplius h. n. s.

Observer que ce recensement n’a laissé aucune trace dans le monument d’Ancyre, qui n’énumère que 3 « census » (28 et 8 av. J.-C, ^4 J.-C).

Quoi qu’il en soit de la signification de ce document, la diniculté demeure. Si le recensement syropalestinien de 6/7 (cf. Act., v, 37) est un fait historique l)ien établi, tout cela n’a rien à voir, ce semble, avec le recensement général que Luc place avant la mort d’Hérode (4 av. J.-C., cf. Sciuerkr, I, p. 4 i 5, n. 167) et auquel il mêle la personnalité de Quirinius ; à moins que l’évangéliste n’ait antidaté d’une dizaine d’années les faits qu’il rapporte, pour les rattacher à la naissance de J.-C ? L’anachronisme vivement reproché à Luc reposait sur le fait historiquement certain de la légation de Quirinius en Syrie à partir de l’an 6 de notre ère, cf. Schiterer, I, p. 327 ; Prosopographia Imperii Romani, III, p. 287, n° 732. Par un heureux hasard, un fragment d’inscription, découvert en 1764 à Tivoli CIL, xiv, 3613 ; Dessau, Inscr. lat. se/., 918), et délinitiveuient expliciué par Mommsen, est venu entièrement disculper l’évangéliste et témoigner une

; fois de plus de la sûreté de son information. De la

pierre, il ne reste que la moitié inférieure, el la cassure a emporté le nom du personnage à qui le monument était dédié. Cepeiulant l’atlribulion de cette inscription à P. Siilpicius Quirinius a réuni les sulVrages des épigraiiliistes les plus qualiliés (Schiereh, I, p. 324, n. 32). Le grand intérêt de ce texte réside spécialement dans la dernière ligne, où il est dit du titulaire de la dédicace : legatus pr. pr.] dii Augusti iterum Svriam et Phœniren optinuit]. Cette « seconde » légation en Syrie est celle de l’an 6 « le notre ère ; quant à la première, dont l’existence peut se i)rouver par des cond)inaisons historiques indépendantes de l’inscription de Tivoli el que celle-ci vient corroborer.