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EPIGRAPIIIE

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et de riiistoiro. C’est île ce double point de vue que nous allons examiner Tutilité que rexcgcte peut tirer des inscriptions, soit pour ITtude du texte en lui-même, soit pour le commentaire historique et archéologique auquel il peut servir de base comme tout livre historique ancien. Il va de soi que la plupart des faits que nous aurons à consigner, surtout dans Texamen de la seconde question, concernent les livres du Nouveau Testament : cependant il n’y aura pas lieu d’exclure — notamment dans la première partie — les renseiirnements parallèles intéressant l’histoire du texte des Septante, qui fut, de tout temps, en usage dans TEglise. concurremment avec les livres nouveaux.

Deux catégories d’inscriptions ont une importance spéciale pour la philologie l)iblique : celles qui contiennent des extraits scripturaires. et celles, intiniment plus nombreuses, dont la comparaison avec le texte de l’Ecritiue peut éclairer certains problèmes soulevés par la critique verbale et l’histoire de la langue des Livres saints.

a) Citations biblique.". — Les documents lapidaires qui contiennent des extraits de la Bible sont plus nombreux quon ne le supposerait, îiotamment dans les pays de langue grecque et en Afrique. Cf. Wad-DiXGTOX, Inscriptions grecques et latines de la Syrie. index de J.-B. Chabot, p. 21 ; Palestine Exploration Fund, Quarterly Slatement. 1891. p. 183-184 ; W. K. Pkentice, AAE. p. 17 ; W. K. Prentice and E. Litt-MAXN. PAE, passini : G. Lefebvre. ReciteiL p. xxix ; P. Monceaux, Hist. littér.. t. I, p. 155-156 ; E. Diehl, Lateinische christliche Inschriften, n"" io-21 !.

On constate à première Aue l’abondance des emprunts aux Psaumes : dans les seules inscriptions de Syrie, on retrouve la trace d’une cinquantaine de Psaumes. Les citations souvent très brèves ne dépassent pas un ou deux versets ; mais il en est aussi de plus étendues. Ainsi une inscription de Chypre (iv’siècle) reproduit tout le ps. xiv (Bull, de corr. hellén., 181j6. p. 3^9-351) ; sur un rouleau de plomb provenant de Rhodes (m* ou iv* siècle), on a gravé le ps. Lxxx, moins les 3 derniers versets (Sitzungsber. d. k. pr. Ahad. d. If’iss. zu Berlin, 1898, p. 582 et suiv.) ; enfin, sur les parois d’une chambre funéraire de Kertsch, ornée de curieuses peintures, on lit, outre quelques versets des ps. xxvi et xci, le ps. xc en entier (i ?o « ). Qiiartalschrift, 1894, p. 49-8", 309-327). Le reste de l’Ancien Testament, moins approprié au but des graveurs, est aussi moins largement représenté ; cependant les citations n’en sont pas rares, surtout en Egypte et en Syrie. Le Nouveau Testament semble avoir joui, pour cet usage spécial, d’une moindre faveur que l’Ancien ; cependant les f|uatre Evangiles et quelques-unes des Epîtres de S. Paul ont fourni des légendes aux lapicides de Syrie, d’Egypte et d’Afrique. Voir les ouvrages cités plus haut.

On ne saurait méconnaître l’importance de ces citations bibliques, sûrement localisées et souvent exactement datées. Parfois, elles viendront, avec une autorité que ne sauraient avoir les manuscrits, exposés à toutes les corruptions inhérentes à une longue transmission, décider en faveur d’une leçon sur laquelle les codices étaient partagés. Tel est par exemple le cas de Luc, 11, 14 : trois inscriptions de la Sj-rie du Nord portent ï-ôiz(k au lieu de la leçon iiôcy.iyx couramment reçue. Le texte original du Gloria des anges annonçait donc, on peut le croire : « paix sur la terre, bonne volonté (de Dieu) sm- les hommes ». Cf. Recherches de science religieuse. 1(1910), p. 70-71. Les citations scripturaires épigrapliiques revendiquent encore à un autre titre leur place dans l’histoire du texte sacré. On sait quels problèmes sont

posés au sujet des recensions d’Hésycliius et de Lucien ; il est certain que l’examen des textes, conservés dans leur forme originale par les inscri[ » tions. pourra permettre d’ajouter quelques précisions à la délimitation de la sphère d’inlluence de ces recensions qui se partagèrent l’Orient. Cf. A. Deissmaxx, Philologus, LXIV, p. 473 et Licht lom Osten, p. 335.

Veut-on connaître la bible africaine, les sources sont de trois sortes : à côté des citations des auteurs ecclésiastiques et des fragments conservés par les manuscrits, figurent les inscriptions. Cf. Delattre, Les Citations bibliques dans l’épigraphie africaine {Comptes rendus du IIP congrès scient, internat, des catholiques, 2’sect., p. 210 suiv.) ; P. Moxceaux, Hist. littér., i, p. 99, 155-156. Récemment M. Moxceacx montrait (Rei de Philoh, 1909, p. 112-161, paS’sini) que, bien souvent, des retouches intentionnelles, apportées au texte sacré dans les légendes épigraphiques, trahissaient la main des donatistes.

Il n’y a pas jusqu’à l’exégèse qui ne puisse tirer pro fit des modestes versets, gravés de-ci de-là sur les monuments chrétiens des premiers âges. Une église de la Haute Syrie portait gravés sur les linteaux de ses multiples portes des versets des psaumes et deux extraits tlu Cantique (iv, i, 3. 4- 7 ; v, 2). Prextice et LiTTMANX. PAE, n"* 809-840. Si on tient compte du L-hoix spécial fait des versets des psaumes, gravés sur le même éditice, et qui tous ont un rapport étroit avec la « maison » du Seigneur, il n’est pas difficile de conclure que l’emprunt fait au Cantique s’inspircj du même symbolisme, et nous avons le droit d’en ! inférer le sens dans lequel on allégorisait alors, dans cette partie de l’Orient, les versets en question.

Enfin, de l’ensemjjle de ces textes scripturaires, classés par provenances, se dégage encore une utile conclusion. Nous constatons quels étaient, dans tels ou tels pajs, les livres saints que le peuple aimait à citer, parce qu’il les connaissait davantage ; quelles sentences, dans ces livres favoris, étaient les plus populaires. Ces renseignements ne sont pas sans importance pour l’histoire de la piété des foules. Cette piété a un caractère parfois touchant ; mais, plus souvent peut-être, n’est-ce pas le côté utilitaire qui l’emporte ? Deux inscriptions funéraires juives (u* ou i*’siècle av. J.-C), trouvées dans l’île de Rhénée, implorent la vengeance de Dieu contre les meurtriers inconnus de deux jeunes femmes ; le rédacteur de ces impréca^ tions s’est largement inspiré des livres saints et l’on sent visiblement qu’il attend des versets qu’il insère dans ses formules une efficace analogue à celle des philtres (Deissm.vxx, Licht…, p. 305-316). Les chré-j tiens ont souvent suivi les mêmes errements : l ps. LXXX inscrit sur la feuille de plomb de Rhode (cf. supra, col. 1419)semble être une amulette destinée " à protéger des vignobles : le Pater (Mat., vi, 9-13), tracé sur une terre cuite de Mégare. comme la correspondance apocrj-phe de Jésus et d’Abgar, gravée sur un linteau d’Ephèse. paraissent bien avoir aussi servi iVapotropaia, cf. Bull, de la Soc. des Antiquaires de France, 1901, p. 185-192. Faut-il en dire autant des nombreux versets bibliques gravés sur le linteau des portes ou des fenêtres dans les cités chrétiennes de la Haute Syrie ? Sans le moindre doute, répond M. Prentu :e (AAE, p. 25) : en fait. la question est plus complexe : il y a lieu de faire, là aussi, une part à la superstition, inséparable bien souvent de la vraie piété parmi les populations de christianisme récent ; mais on doit y reconnaître, au moins aussi souvent, des manifestations sincères d’une foi réelle et d’une dévotion spontanée, cf. Mélanges de la Faculté orientale (Beyrouth), III, 2. p. 721-725.

/) Points de comparaison pour la philologie néo-