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EPIGRAPHIE

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premiers sont-ils datés ? et par quels mojens pouvons-nous faire rentrer dans les cadres formés par les textes à date certaine ceux dont làge est indécis ?

Sur le premier point, il y a désaccord complet entre l’Orient et l’Occident. En Orient, que ce soit en Asie Mineure, en Syrie, en Egypte, dans la Grèce ou les lies, les chrétiens soucieux de chronologie ont eu recours, soit au cominit par années impériales, soit aux diverses ères en usage dans le milieu où ils vivaient. Ainsi, pour ne citer que deux exemples : en Syrie, les inscriptions chrétiennes emploieront, suivant les régions, Tère des Séleucides (3 12 av. J.-C.), celle d’Antioche (^g av. J.-C), celle de Bostra (106 J.-C.) et autres computs locaux ; en Egypte, par contre, la seule ère régionale usitée par les chrétiens est l’ère dioclétienne ou des martyrs (284 J.-C), combinée parfois avec celle des Sarrasins.

L’emploi des ères provinciales est plus rare en Occident ; on en trouve cependant des traces en Maurétanie et en Espagne. A Rome et en Gaule, ce sont les consulats ou les années de rois barbares. Francs et "NVisigoths, qui sont à peu près exclusivement employés. Le Blaxt, Recueil, p. lx ; de Rossi, Inscr. christ. U. IL, I, ji. iv à ci ; Le Blaxt, L’Epigraplne chrétienne, p. 1 2 sqq. A la fin du iv^ siècle ou au début du v’, il n’est pas rare de voir le nom du pape régnant prendre, dans les dédicaces d’édifices religieux, la place des noms consulaires et faire ainsi fonction d’éponyme ; mais l’usage ne s’étendit pas aux monuments funéraires. De Rossi, o/ ?. cit., 1, p. viii. Ce n’est pas le lieu d’entrer dans toutes les explications qu’entraînerait l’examen de la question des post-consulats, des différents cjcles, en particulier de la période indictionnelle : ces problèmes ont été discutés avec une maîtrise incontestée par J.-B. de Rossi (p. xvi-ci). Voir un résumé suftîsant dans Syxtus, Epigi-apltia, chap. II.

Les inscriptions datées, — que ce soit à Rome, en Gaule, en Afrique ou dans l’Orient de langue grecque, — sont loin d’être la majorité : à Rome, de Rossi comptait i.^oo textes datés contre près de 10.000 qui ne le sont pas. Du moins les inscriptions datées forment-elles un cadre assez nettement arrêté, des têtes de séries autour desquelles il est possible de grouper le gros des inscriptions dépourvues de mentions chronologiques.

Voici quels seront les indices dont la convergence aboutira au classement approximatif des textes d’âge indéterminé. Le Blaxt (Recueil, p. xviii sqq.) et de Rossi (Inscr. christ. U. R., i, p. cx-cxii) ont établi qu’il y a un double style épigraphique chrétien dont la ligne de démarcation est formée par la paix de l’Eglise ; l’un et l’autre, comme on le verra plus bas, a ses formules, et celles-ci indiqueront à peu près siirement si le texte à classer est antérieur ou postérieur à Constantin. Les symboles eux-mêmes (ancre, chrisme, colomlje, vase, i)oisson, croix de diverses formes) qui décorent les marbres, et ajoutent leur note mystique à la légende épigraphique ont leur histoire et nous sommes assez bien renseignés sur l’époque de leur apjiarition, de leur faveur et de leur abandon. Le Blaxt, Recueil, p. xvi ; A^om’. Recueil, p. Il ; L’Epigraphie chrétienne, p. 2 1-22. Leur présence ou leur absence fournira déjà un indice assez précis. On sait, par exemple, qu’en Gaule l’ancre est un des synd)oles chrétiens les plus anciens ; que la colombe apparaît en 878 et disparaît à partir de 63 1 ; que le poisson est usité de ! i-]% à 631 ; la croix, dans les épitaphes, de 448 à une date un peu postérieure à 585, etc. Ces indices viendraient-ils à manquer, les noms propres eux-mêmes sont là pour y suppléer dans une certaine mesure. Le Blaxt, Recueil, p. xxiii. Les chrétiens, en eflet, ont rompu assez vite a^e » l’usage

des tria nomina : après le m’siècle, le cognomen figure généralement seul dans les épitaphes, et il est très rare de le trouver précédé soit d’un gentilice, soit d’un prénom ; les noms des anciennes familles disparaissent de bonne heure de nos monuments, , les cognomina eux-mêmes sont d’une foriuation différente de celle de l’époque païenne ; des noms nou-Aeaux, tout imprégnés d’idées et de sentiments chrétiens, prennent naissance et se généralisent. Le Blaxt, L’Epigraphie chrétienne, p. i’6 ; de Rossi, Inscr. christ, r. R., 1, p. cxii-cxiv. Enfin un peu d’expérience et un commerce constant avec les monuments eux-mêmes permettent de tirer parti, a^ecune sîireté et une précision sufiisante, des indices plus vagues et plus délicats à manier fournis par la paléographie. Le Blaxt, L’Epigraphie chrétienne, p. 23-24 ; Paléographie des inscriptions latines du m" siècle à la fin du vu’, articles parus dans la Re^’. archéologique, 1896-1897. Ces diverses règles pratiques ont fait leurs preuves et, pour ne parler que de la Gaule, il y a bien peu de textes cjui aient mis en défaut la méthode et la sagacité de Le Blant.

5. Le Formulaire de l’Epigraphie chrétienne.

— Les formules, nous l’avons signalé en passant, sont un critère chronologique ; de plus, à les étudier, ^ nous apprendrons à dégager ce qu’il y a de spécifiquement chrétien dans les textes soumis à notre examen ; ce qui s’y rencontre à l’état permanent et se trouve être, s’il s’agit de sentences religieuses, l’expression soit des croyances, soit des aspirations du milieu chrétien de l’époque ; enfin, les traces de style plus personnel cpii trahissent une pensée, une àme individuelle. C’est de ces constatations générale » que les remarques de détail qui suivront dans le cours de cet article tireront lem- certitude ; aussi n"est-il pas hors de propos d’y insister.

C’est aux païens que les chrétiens ont emprunté le style lapidaire et ses formules. Les chrétiens les plus convaincus devaient, en effet, à la prudence de ne pas étaler, dans des inscriptions exposées à tous les regards, des nouveautés proscrites ou plus ou moins mal vues ; de plus, nombre de convertis avaient passé à la foi chrétienne avec tout un bagage de Aieilles idées, d’usages, de formules, de mots même qu’ils ne songeaient pas à désapprendre. De là, dans le style épigraj^hique chrétien, de longues survivances d’éléments païens, bien souvent d’ailleurs inofVensifs, conservés par la précaution des uns ou la routine obstinée des autres. L’une et l’autre cause, la première surtout, expliquent l’existence de ces inscriptions crypto-chrétiennes dont nous avons signalé la fréquence. A la seconde on attribuera spécialement la persistance, sous le nouveau régime, d’expressions qui rappellent les temps du paganisme^ tel par exemple le iJis Manihus, qui dut à l’oblitération de son sens primitif sa longue fortune ; telles encore certaines formules prophylactiques, certains souhaits aux morts, certains libellés d’épitaphes que les chrétiens syriens ne se faisaient pas scrupule d’emprunter à leurs voisins païens. (Sur le d. m. voir G. Gueevex, Die Siglen D. M. auf altchiistlichen Grabivschrif’ten u. ihre hedeutung, 1897 ; voir aussi l’interprétation mystique : donis meuwriæ spiritantium, que donnaient certains chrétiens africains des sigles d. m. s., cf. Bull, de la Soc. des Antiquaires de France, 1902, p. 224-226.) Parfois, on sent à un correctif discret lintention d’exorciser une formule avant de se l’approprier : à un défunt, ses parents païens adressaient la consolation fataliste : oùSdi. àO’y.vKzoi] les chrétiens d’Egypte corrigeaient : oJosiç

Si nous voulons entrer dans quelques détails, il