Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/709

Cette page n’a pas encore été corrigée

1401

ENTERREMENTS CIVILS

1402

La plus forte proportion de convois civils, en cette période de vingt ans, est autour de 1884. Elle reprend son accroissement en 1901.

Dans ces années d’agitations religieuses, a remarqué M. l’abbé Raffin, la guerre au catholicisme a tra-A ersé deux phases d’une acuité particulière. La première s’ouvre en 1879 avec le dépôt, par Jules Ferry, d’un projet de loi contre les congrégations. La mort de Gambetta. le 31 décembre 1882, et celle de Victor Hugo en 1 885, donnèrent lieu à deux grandes manifestations antireligieuses. La seconde phase date de 1901, avec le vote de la loi relative au contrat d’association, sous le ministère "NValdeck-Rousseau. En 1884, sur 53.078 enterrements, 40.725 seulement sont religieux. Ce sont les plus hauts chiffres que les convois civils aient jamais atteints encore.

Mais les violences gouvernementales ne créent, le plus souvent, que des mouvements ai-tiliciels d’opinion. A cette explosion de sentiments antireligieux succédera une période de détente, qui se traduit dans les statistiques des années suivantes. Détente légère dans les milieux gouvernementaux dont le sectarisme, tout continu qu’il soit, est un peu moins violent. Détente plus grande dans les esprits : la population parisienne, mobile et volontiers frondeuse, ne suit pas longtemps le gouvernement. La religion a bénéficié du mouvement d’opposition qui éclata à l’occasion des scandales du Panama (boulangisme, nationalisme).

Avec la recrudescence des mesures sectaires, la proportion des enterrements civils recommence à croîti’c en 1900.

K On peut conjecturer, dit M. l’alibé Raffîn, que, dui’ant quelques années, le mouvement ira s’accentuant. La poussée de 1900 dépasse en violence celle de 1880 et de l’article 7 ; et il est à craindre que ce mouvement n’influe profondément sur les destinées religieuses de la France et sur la fidélité aux pratiques du culte. Le gouvernement a exercé une pression sur les populations ; il a discrédité la religion, il a fait régner une sorte de terreur sur les instituteurs, les magistrats, les ofliciers, sur ceux qui aspirent à devenir fonctionnaires, et, en général, sur tous ceux qui peuvent compter sur ses faveurs. Dans un pays fortement centralisé comme le nôtre, c’est un grand noiul^re de catholiques qui se trouvent asservis, par des questions d’intérêt, aux directions gouvernementales. > ;

Les éléments à l’aide desquels ont été dressés les tableaux annuels relevés plus haut ont été fournis par l’administration des pompes funèbres, dépossédée au 31 décembre 1904 par l’administration municipale, sul)stituée aux fabriques, pour la direction et la surveillance des funérailles.

De 1904 à 190g voici le second tableau, signé du chef des travaux de la statistique municipale, à la date du 10 juin 1910 :

Convois civils Convois religieux l

En 1904 20 ji. 100 80 p. 100

— 190") 22 — 78 —

— 190(1 25 — 75 —

— 1907 25 — 7^ —

— 1908 26 — 7^ —

—’909 26 — i’a —

Les prévisions de M. rabl)é Raflln se réalisent, et au delà. La guerre de i)lus en plus violente à l’idée

1. A la difTérence du |)récédent, ce tableau donne le total des convois religieux pour les divers cultes, au lieu des seuls convois catholiques.

religieuse, la persécution contre les congrégations, l’expulsion de ces milliers de religieux et de religieuses c|ui exerçaient une action directe siu’les foules, portent leurs fruits.

Causes de la progression des enterrements civils.

— Le désarroi causé par ces mesures brutales, les excitations d’une ijresse licencieuse et impie, les scandales colportés avec une impunité croissante, l’influence grandissante du socialisme, fment encore accrus par des manœuvres perfides, comme la pression qu’exercent de louches intermédiaires, les

« régleurs », comme les rumeurs mensongères à profusion

répandues que, désormais, il n’y aura plus de funérailles gratuites à l’église.

Dans ces cinq dernières années, s’est donc accentuée la progression sensible des enterrements civils, conforme aux vraisemblances, et qui était justement redoutée.

On doit conclure que l’abstention des pratiques religieuses, et en particulier des funérailles religieuses tient bien moins à une libre évolution des opinions qu’aux manœuvres antilibérales d’un parti qui exploite avec d’autant plus d’empressement les haines religieuses qu’il né doit son pouvoir tju’à l’appui des sociétés secrètes animées d’un esprit sectaire.

Répartition d’après les milieux sociaux. — Si l’on examine comment se répai’tissent les enterrements religieux et civils dans les milieux riches et les milieux pauvres de la capitale, on constate que les convois civils se recrutent surtout dans les milieux pauvres. Avant de tirer du gTand nombre des convois civils une indication à l’égard de l’état religieux des milieux pauvi-es, observons que les décédés des hôpitaux de Paris appartiennent au service gratuit ; et l’on sait, de reste, combien l’Assistance publique, à Paris, est imprégnée d’esprit laïque, pour ne pas dire jacobin. Tous les prêtres qui ont quelque connaissance des hôpitaux citeraient des exemples de malades qui aiu*aient désiré les appeler, ou qui même les ont fait apj)eler, et ensuite ont eu des funérailles civiles, parce que la famille n’était pas là pour intervenir. Les enterrements civils à Paris, de 1882 à igoS, atteignent le chiftre tristement formidable de 225.595, soit une mojenne de 10.000 iiar an. Ce chiflre, la population ouvrière le fournit presque à elle seule. Le total des décès annuels à Paris, rappelons-le, est d’environ 53. 000.

Depuis 1890, le chifl"re des convois civils chez les classes pauvres tend à descendre ; il a une tendance à monter chez les classes riches. On peut en conclure que le respect humain religieux s’atténue, et aussi que certains milieux, justju’ici plus réfractaires à l’action antireligieuse, se laissent entamer. Nous croirions facilement que ces nouvelles recrues se font surtout dans le monde ])olitique et dans le monde arriviste de la finance. Et pour le monde politique, en particulier, il semble bien que l’Eglise et l’idée religieuse n’ont qu’à gagner à la sincérité des funérailles. C’est un sujet de scandale pour les âmes croyantes, qui ont aussi quelque droit à ce que l’on tienne compte de leur délicatesse, de voir installer comme triomphalement au pied de l’autel, à la place où elles prient, à la place qui recevra un jour leur humble dépouille, tel ministre, tel politicien qui aura fait sa carrière de la persécution religieuse.

Les arrondissements du centre, qui forment le vieux Paris, qui, avecleurs petits commerçants, ont la plus forte pi-oportion de Parisiens nés à Paris, ont peu varié au sujet des funérailles religieuses. Lamoyenne des convois civils se tient autour de 10 p. 100. C’est le milieu le plus indépendant d’influences diverses,