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ENFANCE (CRIMINALITÉ DE L)

1372’d2.SliÇ), soi.3.0Ç)2. r>(Reiue philanthropique, amiée18ç)(), p. 386-38 ;.)

M. Jules JoLLY, avocat à la Cour d’appel de Paris, qui conclut à une augmentation réelle de la criminalité juvénile, sous la condition cque l’on ait la loyauté de tenir compte des ordonnances de non-lieu et des afTaires classées, a relevé, dans un rapport sur les causes de la criminalité de Tenfance, l’augmentation des suicides et de la i-écidive : « Il y a vingt ans, la proportion des récidivistes des deux sexes envoyés une ou plusieurs fois en correction n’était que de 1 1 "/„ pour les garçons et de 9 °/o pour les filles. En 1901, cette proportion a été de 16 "/„ pour les garçons et de 14V « P*^^^’les filles. » (Reiie pénitentiaire, livr. de mai 1904.)

M. La VISSE, aujourd’hui directeur de l’Ecole normale supérieure, a jiorlé ce jugement d’ensemble sur l’œuvre scolaire accomplie : « Nous avons créé des milliers d’écoles, avoue-t-il, mais nous avons oublié l’éducation. Tout est organisé pour fabriquer des diplômes ; mais ni l’école n’est un milieu moral, ni le collège, encore moins les Facultés. » — La Correspondance générale de l’Instruction publique imprime en toutes lettres : « Lacriminalité, qui augmente chaque année, progresse d’une façon surtout inquiétante chez les enfants… Le suicide, plus encore que les délits, prouve une démoralisation croissante de l’enfance. »

2° Statistiques. — La criminalité juvénile se détermine par les crimes, les délits et les suicides des mineurs de seize et de vingt et un ans. Chacun des éléments de cette étude comporte des tableaux qui appelleront quelques développements. Ces renseignements ofliciels sont éclairés par d’intéressants aveux -échappés des rapports des gardes des sceaux sur le compte général de la justice criminelle, de 1900, 1902, 1900 et 1907.

A. — Crimes

j

.CCUSES AGES DE

TOTAL

ANNÉES

MOINS

DE 16 ANS

l6 A 20 AXS

KES ACC SES AU-DESSOUS DE 21 ANS

OBSERVATIONS

1900..

20

G02

62 ;

Les lacunes du présent ta 1901..

24

570

294

bleau proviéQnent de ce que

1902.. i

564

les statisiiques

1903.

20

544

564

n’ont pas encore adopté une mé jl904..

577

thoile uniforme .<=ur la division

.1905..

1 i

612

entre ces deuxj âges. 1

Délits

PREVENUS ÂGÉS DE

TOTAL

j

ANNEES

— i

-— " - DES PREVENUS

AC-DESSOUS

DE 16 AKS

DE ai ANS

DE 21 ANS

1 1

1890..

7.381

28.455

35.836

11891..

6.927

29.400

36.336

1892..

7.148

3l.223

38.371

1893..

6.898

21.882

38.780

11894..

6.901

32.317

39.218

1895..

6.640

80.763

37.403

1896..

6.673

30.430

37.003

1897..

6.480

31.540

38.020

1898..

6.882

30.208

37.090

1899..

ô.381

30.981

36.362

1900..

4.565

29.270

33.835

1901..

5.006

29.351

34.357

1902..

4.067

31.o59

35.626

1903..

4.470

26.531

3 I. 00 I

! 1904..

4.316

27.967

32.283

11905..

1

3.901

30.853

34.804

Approfondissant un peu ce i)oint, nous relevons, dans le tableau ci-après, la marche ascendante des délits correctionnels de 1901 à 1900.

C. — Délits correctionnels

A.NNEES

.MINEURS DE l6 A 21 ANS

POURSUIVIS

DEVANT LES TRIBUNAUX CORRECTIONNELS

1901

1 1902

26.209 27.234 26.53l 27.967

30.853

! 19C3

1 1904

I 1905

Il convient d’observer, au sujet du tableau B, que, si, depuis 1895, les statistiques donnent des chiffres moins élevés, c’est parce que la répression s’est absolument affaiblie et énervée, et non parce que les mœurs se son-t améliorées. C’est parce que les magistrats ont reçu le mot d’ordre : « Ne poursuivez plus ! » car ils auraient trop à faire. C’est parce que le gouvernement, effrayé de l’impression que pouvaient faire sur l’opinion républicaine les résultats lamentables de l’enseignement qu’il a imposé au pays, a recommandé aux parquets de poursuivre le moins possible les jeunes gens. (Rapports du ministre de la Justice Vallk — compte général de la justice criminelle en 1900 et 1904. — du ministre de la justice Chavmié — même compte général en igo5, — du ministre de la justice Gcyot-Dessaigxe — même compte général en 1907.)

Depuis 1895, en effet, l’énervement de la répression s’accentue chaque jour. On a pu suivre, jusqu’à cette date, la marche ascendante de la criminalité juvénile : elle était Aisible.DeiJuislors, elle est réelle, quoique non visible, par la raison que l’on ne poursuit plus les enfants. Après le aoI, les délits les plus habituels aux enfants sont certainement le vagabondage et la mendicité. Or, ils ont déjà bénéficié très largement du système nouveau (loi du 19 avril 1898) et des circulaires des 31 mai et 31 décembre 1898, dans lesquelles ordre était donné à la police et aux parquets d’apporter un très grand « discernement’et un esprit « largement humanitaire » dans les arrestations de vagabonds. D’après les comptes généraux, ces arrestations et les poursuites quelles entraînent ont diminué sensiblement et, pour ainsi dire, instantanément. (Rapport de M. Vallé, garde des sceaux, p. xliii, sur l’année 1900.)

Après avoir déclaré qu’en réalité sur 100 enfants dénoncés en rgoS, 92 ont échappé à toute répression effective, le garde des sceaux, M. Guyot-Dessaigne, renouvelait les mêmes explications sur les classements sans suite d’alfaires intéressant les mineurs, et il en faisait honneur à la « bienveillance réfléchie des magistrats «. (Rapport de M. Guvot-Dessaigne, garde des sceaux, du 5 mars 1907, sur l’année 1900.) Le garde des sceaux de 1907 ne risque même plus les quelques réserves, pour tant bien timides, du garde des sceaux de 1902.

La multiplicité des non-lieu, d’une part, l’ordre d’arrêter les poursuites, d’autre part, encouragent les lial)itudes malsaines de la jeunesse dévoyée, autant qu’elles découragent la A’igilance de la police. Telle est la conclusion logique que dégagent le bon sens et la morale, sans se laisser impressionner par les ronflantes périodes dans lesquelles l’administration de la justice noie des vérités gênantes.

Les suicides constituent le troisième élément de la criminalité juvénile. — La moyenne des suicides