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années, tout autre chose, et, entre les mains d’OsxAVALi), souvent d’accord dans ses conclusions avec Duhem, elle est devenue le mot de ralliement des adversaires de tout mécanisme. Ostwald iiroclame la réalité de l’énerjïie, « qu’on doit regarder comme un objet », et conteste à la notion de matière l’importance que nos habitudes d’esprit lui ont attribuée : la matière n’est pour lui que le support de l’énergie de mouvement. Ses articles et ses ouvrages, comme les beaux ouvrages sur la logique des sciences de M. Duliem, abondent en aperçus nouveaux et intéressants. Mais ils tombent, selon nous, dans l’excès, en niant la fécondité de l’atomisme, et en proclamant la faillite du mécanisme (l’ehenvindung des wissenschaftliclien Materialismiis, disait Ostwald dans un discours retentissant à Liibeck, en 1895). Il est, sans doute, légitime d’attacher, soit dans l’enseignement, soit dans la recherche, une imi^ortance prépondérante aux concepts synthétiques, comme celui d’énergie, qui établissent des relations certaines entre les parties de la science les plus éloignées, tout en respectant leur autonomie. Mais l’idée cartésienne, sous sa forme très générale de réduction à l unité des phénomènes physiques, reste un idéal dont la science, en délinitive, se rapproche et qui peut être encore pour ses progrès ultérieurs, comme pour ses progrès passés, un principe directeur d’une extraordinaire puissance. A condition de se débarrasser des formules étroites du cartésianisme intransigeant, cette idée générale reste utile, et trouve une justification dans les découvertes de la fin du xix’siècle et du début du xx (explication électromagnétique de la lumière, étude sur l’ionisation des gaz). La légitimité de la méthode d’exposition éners ; étique et du point de vue énergétique ne doit pas faire accepter sans réserve toutes les critiques de certains savants « énergétistes » contre l’inutilité ou l’illégitimité des théories explicatives.

Bibliographie. — Sur l’énergie, on pourrait consulter des ouvrages innombrables. On trouvera des citations étendues des fondateurs de la science de l’énergie, et des renseignements historiques, dans les livres suivants : Balfour-Stewart, J.a conservation de l’énergie ; Paris, Germer-Baillière, 18-0. — B. Brunhes, La dégradation de l’énergie : Paris, Flammarion, 1908. — AV. Ostwald, L’énergie (traduction Philippi) ; Félix Alcan, 19 10.

B. Bruxhes.


ENFANCE (CRIMINALITÉ DE L’). — La criminalité de l’enfance appelle quelques développements. Ils sont justifiés par l’étendue et la gravité d’un mal qui s’accroît en de redoutables proportions.

Pour être décisive, la présente documentation portera de préférence sur les générations de 1890 à 1906. En eflet, les premiers élèves sortis des moules de l’école publique, qui date de 1882, sont devenus, en 1890, des mineurs de quinze ans. Les générations qui se sont succédé de 1890 à 1906 assoient une démonstration qui, avec la dernière statistique du ministère de la justice, publiée en mars 1907, s’arrête à cette année 1906. Etendue sur cette période, elle permet de juger de l’état moral du jeune âge, que l’on ne saurait équitablement apprécier, si l’on ne suivait le mineur de seize ans dans l’adolescent sorti de lui.

Quelque nombreux que soient les enchevêtrements qu’apportent les conditions de la vie présente dans ce sujet délicat et complexe, quelles que soient les obscurités et lacunes, parfois voulues, qu’y ajoute la statistique, un fait indéniable le domine : cette période de 1890-1905 correspond, de toute évidence, à

l’installation, au développement, à l’épanouissement de l’école laïque ; l’arbre sera donc jugé par ses fruits.

I. Portée morale du problème. — II. Sa progression.

— III. Ses causes. — IV. Ses remèdes.

I. Portée morale du problème. — L’Académie des sciences morales et ijulitiques, émue d’un péril contre lequel on ne saurait trop prémunir le pays, atteint dans ses forces vives, avait, dans sa section de morale, choisi le sujet de concours suivant pour le prix du budget de 1908 : Des causes et des remèdes de la criminalité croissante de l’adolescence. La production de vingt-six mémoires fut la réponse.

Les chiffres suivants, extraits du rapport sur le concours de 1908, présenté par M. Henri Joly, en justifient amplement l’opportunité. Citons. «. Eu 1841, l’ensemble des délits des mineurs n’atteignait pas tout à fait 13.500. — En 1851, il dépassait 21.000. — En 1872, il arrivait à 18.000, pour atteindre 36. 000 en 1 8g6. — En 1 89 1, il semble qu’il y ait un temps d’arrêt et même une légère diuiinution, puisque la mojenne des années 1902 à 1906 est d’environ 35. 000 ; mais ce n’est ici qu’une apparence, que les renseignements les plus officiels nous contraignent de dissiper.

« En premier lieu, ce sont là des chiffres absolus.

Or, la population juvénile a baissé. Nous n’avons pas Itesoin de multiplier ici les chiffres ; nous savons tous combien notre natalité faililit d’année en année. Contentons-nous de rappeler que dans le groupe masculin, par exemple, le noml)re des jeunes gens inscrits sur les listes de tirage au sort a, de 1897 à igo5, diminué de 16.898.

« En second lieu, nous devons signaler un changement

de méthode dans l’établisscjnent des comptes. Au lieu de compter les jugements rendus, on ne compte plus que les délinquants jugés dans l’année. Il en résulte que tel délinquant dont on comptait, il y a quelques années encore, les récidives souvent nombreuses ou les méfaits accumulés en quelques jours, quekpiefois en quelques heures, ne figure plus dans l’année que pour une unité.

« En troisième lieu, les rapjiorts mêmes des Gardes

des sceaux nous ont appris que des instructions nouvelles envoyées par la Chancellerie aux tribunaux avaient recommandé d’user de la plus grande indulgence, non seulement dans la répression, mais dans la poursuite, et de renvoyer les enfants indemnes, toutes les fois que la chose serait possible (voir les introductions aux rapports pour 1902 et 1908). Il en résulte deux ordres de mesures qui peuvent être approuvées avec réserves ou sans réserves (sur ce point la discussion reste ouverte), mais qui ont fait artiticielleuicnt baisser le nombre des adolescents figuiant jusque-là dans les statistiques officielles.

« Les parquets les plus chargés, dit textuellement

le ministre (dans son rapport sur l’année 1902, p. xxi) se sont déterminés à classer l)ien des affaires de moindre importance, « à seule fin d’éviter Tencombrement. » « Je ne connais pas actuellement, ajoutait-il, le nombre de ces classements ; mais, estimant que cette donnée ne doit pas rester ignorée, j’ai pris d’ores et déjà les mesures nécessaires pour que tous les parquets me fassent connaître dans l’avenir le nombre et la nature de ces classements sans suite intéressant les mineurs de seize ans. » — Cette statistique supplémentaire n’a pas été publiée, elle n’est donc pas venue grossir les totaux ; mais elle a été faite, et Aotre rapporteur a pu se procurer le dernier chiffre qu’elle a enregistré en une seule année : le chiffre de 4-626.

<( Enfin, les autorités administratives les plus com-