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ENERGIE

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montreraient qu’on n’est pas oblige d’invoquer une dérogation au second principe pour rendre compte de la récupération d’énergie chimique libre que produit la décomposition de l’acide carbonique et la fixation de charbon par la matière verte des feuilles soumise à la lumière solaire.

En résumé, toutes les fois que l’on a expérimenté sur un système fermé comprenant des êtres vivants, on a trouvé que le premier principe (conservation) étaitapplical)le à de pareils systèmes, la précision de l’expérience dans ces cas ditliciles étant forcément moindre cpie dans celui des expériences purement physiques. Par ailleurs lapplication du principe de la conservation à l’être vivant a conduit a des conséquences intéressantes, jusqu’ici toujours vérifiées. — En ce qui concerne le second principe (dégradation), l’être vivant ne fournit pas le moyen de le « tourner ». Il peut ralentir la dégradation de l’énergie : il ne paraît, en aucun cas, pomoir réaliser une régénération d’énergie de cjualité supérieure (mécanique ou chimique ) aux dépensd’énergiedégradée, sans dégradation compensatrice.

Au j)oint de vue des transformations de l’énergie, on peut caractériser l’action de l’iiomme sur la nature, qui peut être bienfaisante ou malfaisante. Cette action ne peut s’exercer que dans les limites imposées par les deux lois de la science de l’énergie. L’homme ne peut ni créer de l’énergie de rien. — ce qui serait contraire au premier principe, et réaliserait le mouvement perpétuel, au sens ancien du mot, au sens donné à cette expression jusqu’au XIX* siècle, — ni transformer de l’énergie de qualité inférieure en énergie de qualité supérieure, ce que l’on ferait si l’on pouvait prendre de la chaleur d’un milieu à température uniforme pour en tirer du travail mécanique : atlirmer que l’on n’y peut parvenir, c’est allirmer l’impossibilité du mouvement perpétuel de seconde espèce, au sens que donnent à ce mot Clausius et Thomson, c’est proclamer en_ définitive le second principe de la science de l’énergie. Mais l’homme, impuissant à créer l’énergie et même à en empêcher la dégradation, peut, suivant ce qu’il fait, ralentir ou accélérer cette dégradation de l’énergie dans la nature. Car il peut faire en sorte que les transformations spontanées de l’énergie soient accompagnées de transformations de sens inverse qui les compensent en partie ; par exemple, il peut capter l’énergie mécanique des torrents, au lieu de la laisser se dégrader, et la forcer à mouvoir des turbines qui produisent de l’énergie électrique et permettent ainsi le transport de l’énergie mécanique à distance. Il peut, au contraire, favoriser lui-même la dégradation spontanée, et abattre jusqu’aux barrières naturelles qui la ralentissent : c’est ce qu’on fait en brûlant sans compter du bois et du charbon, en s’altaquant à la réserve d’énergie chimique libre accumulée dans l’intérieur de notre planète, ou encore en détruisant les forêts dont le feuillage décomposait l’acide carbonique de l’atmosphère et fixait le chai-bon — compensation insuflisante mais réelle à la dégradation d’énergie qui accompagne la chute des rayons solaires sur notre terre froide. Cette dernière action est malfaisante, la première est bienfaisante. L’industrie pourrait être définie : l’effort humain contre la dégradation naturelle de l’énergie. Si l’industrie favorise la dégradation, elle n’est plus civilisatrice ; elle devient dé^-astatrice {Raubwi’rtschaft, disent les Allemands). Sans prétendre déduire de prémisses expérimentales des règles morales qui en dépassent la ])ortéc, on ne peut s’empêcher de noter l’accord de ces idées avec la doctrine qui impose à l’homme des devoirs vis-à-vis des choses et de la nature, et qui lui dénie le droit

de faire de sa propriété un usage qui soit de « l’abus ».

VII. La portée des principes de la science de l’énergie. — Il ne faut pas oublier que les deux grandes lois de la science de l’énergie n’ont été établies, — et même n’ont une signification, — que dans le cas de systèmes matériels limités. Elles ont été parfois appliquées à l’ensemble de l’univers matériel ; de là la première formule, la plus connue : « L’énergie de l’univers demeure constante » — et une seconde formule, dans l’énoncé de laquelle Clausius faisait intervenir l’entropie, mais d’où il est préférable d’éliminer cette notion ditlicile, en disant simplement avec lord Kelvin qu’il y a « dans l’univers une tendance à la dissipation — ou à la dégradation — de l’énergie ». — Sil’onadmettait que l’univers physique est actuellement infini, il serait difficile d’attribuer à ces formules un sens précis, surtout, il faut le dire, à la première formule, relative à « l’énergie de l’univers », et aussi à celui des énoncés de la seconde formule qui fait intervenir « l’entropie de l’univers » ; même alors, il semble au contraire que la seconde formule, énoncée à la manière de Thomson, garderait la signification d’une indication générale sur le sens des phénomènes. On peut dire, dans tous les cas, que le premier des devix principes nous apprend que, dans un système matériel livré à lui-même, quelque chose demeure ; et le second des deux principes nous apprend que, dans le même système, quelque chose s’use et se détruit. L’erreur commune consiste à négliger la dernière considération et à prendre la grandeur qui se conserve pour la grandeur qui nous intéresse, pour la « capacité de travail » du système matériel, alors que lénergie, correctement définie, est tout autre chose.

L’oubli de la seconde idée, et la considération exclusive de l’idée de conservation, a été le fait de philosophes de tendances très différentes. L’idée de la d (’gradation a choqué certains esprits pour qui le spiritualisme impliqué l’idée d’un Dieu, non seulement créateur, mais conservateur, dans le sens étroit du mot. Elle choque, plus encore, ceux qui, au contraire, dans la prétendue « permanence de la force », veulent Aoir la preuve que le monde physique a en lui-même sa raison d’être et la garantie de son éternité : aussi est-il arrivé à quelques-uns des représentants du matérialisme, ou du monisme, de nier purement et simplement le second principe de la science de la chaleur (Hæckel). C’est là manifestement une attitude anti-scientifique.

D’autres se sont bornés à essayer de restreindre la portée du principe de la dégradation de l’énergie. On a cru un moment trouver dans les phénomènes, récemment découverts, de radioactivité, le moyen d’échapper aux prises de la loi. L’atome radioactif se dissocie, se « dématérialise », et se résout en particules dont certaines semblent être de l’électricité pure, sans aucun support matériel. Nous assistons » d’avitre part, à la régénération de certains atomes aux dépens de corpuscules libérés d’atomes différents ; j)ar un processus analogue à celui dont les nébvileuses se condensent en étoiles. N’y a-t-il pas dans le spectacle de ces phénomènes inverses la preuve que la « dissolution » des astres, et de la matière en général, peut être suivie et précédée d’un stade d’agglutination des atomes et des molécules, et que l’univers peut ainsi osciller sans fin entre deux états, l’un d’extrême concentration, l’autre d’extrême dissolution ? — Cette conception n’est que le rajeunissement d’une idée plus ou moins consciemment développée par un certain nombre de penseurs (par exemple. Spencer).

Il faut noter toutefois que les phénomènes, connus