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ENERGIE

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la valeur du système matériel. Sadi Carxot dabord, dans ses Réflexions sur la puissance motrice du feu (i 82O’P"is Clausius et lord Kelvix (Sir W. Thomson) ont élaboré la loi qui marque les conditions restrictives auxquelles l’énergie caloriliquepout être transformée en énergie mécanique, tandis que l’énergie mécanique iieut être toujours et intégralement transformée en énergie calorifique. C’est cette loi qui constitue le principe de Carnot, et qui, généralisée, apprend dans quel sens se font toutes les transformations de l’énergie, et a été nommée loi de la dissipation ou de la dégradation de l énergie.

Tandis qu’il suffit de choquer une pierre contre une autre pour produire de la chaleur en dépensant du mouvement, ni l’antiquité ni le moyen âge n’ont su résoudre le i)roblème inverse : mettre en mouvement une machine à élever des fardeaux ou une pompe, moyennant une dépense de combustible.

Il faut arriver jusqu’à Denis Papin pour trouver, dans la machine à vapeur, une véritable machine à feu, fonctionnant rég-ulièrement. S’il y a équivalence entre la chaleur et le travail, entre une grande calorie et un travail de ^25 kilogrammètres, il n’est nullement équivalent d’avoir à sa disposition 426 kilogrammètres ou d’avoir à sa disposition une calorie. Un projectile en mouvement, un wagon lancé sur une voie, possèdent de l’énergie mécanique : en recevant le projectile dans une cuve pleine d’eau, en arrêtant le Aagon avec un frein, on absorbe sous forme de chaleiu* l’intégralité de l’énergie mécanique qu’ils avaient reçue. D’une source de chaleur qui fournit une calorie on ne peut jamais, au contraire, tirer qu’une fraction, toujours assez faible, du travail mécanique équivalent : nos machines à vapeur ne transforment jamais en travail plus de 20 à 15 pour 100 de la chaleur que dépense la chaudière. Le reste (les 80 pour 100 ou 85 pour 100) ne se perd pas, mais demeure inutilisé. La grande part de la chaleur de la chaudière passe dans le condenseur ; elle s’en A’a dans l’atmosphère avec la vapeur et la fumée, comme c’est le cas dans la locomotive : c’est de l’énergie gaspillée. Si ce gaspillage peut être quelque peu réduit par les perfectionnements de construction, il ne saurait être, en aucun cas, évité. Cette restriction, apportée à la libre transformation de la chaleur en travail, ne doit pas être attribuée à des imperfections de nos machines : elle tient à la nature même des choses.

Ainsi la chaleur est, comme le travail mécaniqvie, de l’énergie ; mais c’est de l’énergie de qualité inférieure. L’exemple des machines hydrauliques, qui ne fonctionnent que grâce à une dinérence de niveau, avait amené Carnot à poser en lui que dans toute machine thermique il r a chute de température ; il n’y a pas transformation de chaleur en tra^’ail sans l’emploi de deux sources à des températures différentes. Une source de chaleur qui est à une température plus élevée qu’une autre versera de la chaleur de qualité supérieure ; mais, pour élevée que puisse être la température de la source, la chaleur qu’elle verse ne laissera pas d’être de l’énergie de qualité inférieure à l’énergie mécaniqiuî. On peut dire tjue les modifications qui sont naturelles sont celles qui, sans altérer jamais la quantité d’énergie, la changent en une énergie de qualité inférieure. La chute de la chaleur, fqui tombe d’un corps ]>lus chauvi sur un cori)s plus froid, est un exemple de transformation naturelle ; et de môme la transformation de travail mécanique en chaleur. Les transformations inverses, Iransforuiation de chaleur eu travail ou transport de chaleur d’un corps froid sur un corps chaud, sont des transformations artiliciellcs. L’expiMlcnci-nous apprend que ces transformations artificielles ne

se réalisent jamais d’elles-mêmes ; elles ne peuvent s’accomplir que moyennant la réalisation simultanée d’une transformation naturelle au moins équivalente. Telle est la forme sous lac^uelle Clausius a énoncé le principe de Carnot.

Si les transformations artificielles exigent toujours une transformation naturelle corrélative, la réciproque n’est pas vraie. Une transformation naturelle n’a pas besoin d’être compensée. Toute seule et d elleluême, la chaleur tombe des corps chauds aux corps froids ; toute seule et d’elle-iuême, l’énergie mécanique tombe à l’état inférieur d’énergie calorifique. Un système de corps matériels, abandonné à lui-même, présentera toujours, au bout du compte, un excès de transformations naturelles non compensées. Pour employer un langage moins scientifique, ce système tend vers un état final où tout mouvement visible disparaît pour faire place à une chaleur qui se répartit uniformément, assurant en tous les points une rigoureuse égalité de température ; repos, égalité de température, telles sont les conditions finales que réalisent progressivement les transformations spontanées. Si c’est là l’état final réservé à un monde matériel limité, il est clair que ce sera pour lui, à plus ou moins longue échéance, la mort pure et simple : sans mouvement, sans inégalités de température, nul rayonnement, nulle vie possible. Dans ce monde éteint et mort, il y aurait pourtant la même somme d’énergie totale qu’aux premiers jours de son existence. Seulement cette énergie serait passée tout entière à l’état d’énergie inutilisable.

On ne saurait, sans se heurter à des difficultés métaphysiques, affirmer que ce résultat s’applique tel quel à l’univers entier.

Il y a des personnes quoi C|u’il en soit, qui se sont interdit d’avance le droit de faire leurs réserves sui" l’extension du princii)e de Carnot à l’ensemble de l’univers. Ce sont les personnes qui n’ont aucun scrupule à énoncer, pour l’univers, le principe de la conservation de la matière ou celui de la conservation de l’énergie. Dans la mesure où il est vrai de dire que l’énergie se conserve, il est vrai de dire aussi que cette énergie se dégrade, et que l’énergie utilisable se perd. Et de même que les phénomènes dont notre petite planète ou notre système solaire est le théâtre suftisent à nous donner un exemple et une illustration du principe de la conservation de l’énergie, de même, et plus nettement encore, ils nous permettent de prendre sur le fait, dans un cas particulier, la dégradation de l’énergie.

La plus grande partie de la chaleur versée par le soleil à notre planète sert tout simplement à la réchaull’er et à la préserver, pour quelque temps du moins, du refroidissement que subirait, livrée à elle-même, la terre abandonnée au rayonnement nocturne. La chute de cette chaleur, tombant de la température du soleil à la lempératvire de la terre, est une transformation naturelle, qui rend possible la transformation d’une part de la chaleur solaire en énergie mécanique : les grands courants atmosphériques et marins ont leur première raison d’être dans réchauffement des régions tropicales par rapport aux régions tempérées ou polaires ; ils sont eux-mêmes la cause de l’afllux constant d’eau sur les chaînes de nuintagnes : en retombant à la mer, cette eau nous donne, sous forme de courants rapides ou de cascades susceptibles de mouvoir nos turbines et nos roues hydrauliqvies, la plus inq)ortante source naturelle d’énergie mécanique. La radiation solaire, en tombant sur les plantes vertes, leur permet de décomposer l’acide carbonique de l’air, pour en rejeter l’oxygène et en extraire le charbon : elle crée ainsi dans les végétaux une réserve d’énergie chimique qu’une allu-