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ELECTIONS EPISCOPALES

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reculé ni devant le meurtre, ni devant les séditions, ni devant les attaques à main armée, c’est ce que les chroniqueurs ne manquent pas de nous raconter. Que cet évincement ait porté de bons fruits, la chose est incontestable. On pourrait dresser une longue liste des inconvénients que comportait la consultation du populaire, facile à égarer, à corrompre ou à flatter. A Orléans, l’élu, déplaisant au peuple, est assassiné lors de la prise de possession de son siège. Malgré l’opposition du clergé, Renaud de Martigné, personnage aussi peu recommandable que possible, l’idole d’une foule qu’il a grassement payée, gouverne vingt ans l’église d’Angers…

Aux xu* et xiii’siècles le pouvoir royal ne se désintéresse pas des élections épiscopales : il continue à autoriser la tenue du collège électoral et, si l’élu lui agrée, il conlirme le décret d’élection et permet qu’on procède à la consécration. Toutefois, son ingérence dans les nominations d’évêques n’est plus caractérisée parles abus que les âges précédents avaient connus ; elle n’est ni envahissante, ni injuste.

Si l’élection tombe tout entière aux mains des chanoines, elle est minutieusement réglée : elle peut avoir lieu de trois façons : par compromis, par scrutin, par inspiration, selon que le collège électoral s’en remet au choix de deux ou trois des électeurs, préfère exprimer lui-même son vote ou accepter la candidature d’un prélat dont le nom est sm- toutes les lèvres. Si bien réglé que soit le mode d’élection des évêques, il laisse povirtant subsister la possibilité d’intrigues au sein même des chapitres cathédraux, de compétitions elfrayantes, de capitulations peu honorables de la part des élus et non exemptes de simonie, de schismes longs et désastreux en cas de mésintelligence survenant entre les électeurs, de vacances de sièges prolongées au détriment du bien des âmes et de la bonne gestion des menses. En partie pour remédier à ces inconvénients, le Saint-Siège commence dès le xii’siècle à s’immiscer dans les élections, à nommer directement les évêques ou à les conlirmer dans leurs cliarges. Au xiii’siècle, le nombre des prélats institués par les papes devient de plus en plus considérable ; au XIV’siècle, depuis Clément V jusqu’à la soustraction d’obédience à Benoit XIII (1898), les papes d’Avignon se réservent le droit de pourvoir à la presque totalité des évêchés français et l’exercent effectivement, ainsi que le témoigne copieusement et surabondamment la Ilierarchia cathoUca Medii Aevi, Munster, 1898, dressée par le P. K. Eubel d’après les Archives du Vatican. Le principe d’élection iiroclamé jadis par les conciles disparaît complètement. Les chapitres cathédraux se hasardent-ils à procéder à une élection, leurs élus sont rejetés par les Papes qui nomment des candidats de leur choix, ou sont contirmés en dignité après que leurs élections ont été cassées. Les résistances au Saint-Siège sont vaines ; la centralisation de l’Eglise est tellement avancée qu’elles ne peuvent être d’aucune efficacité.

Si lu Papauté anéantit les droits des chapitres, elle s’entend amicalement avec ceux-ci ; elle agrée volontiers le nom du candidat qu’ils lui soumettent avec respect, quand cela lui est loisible. Bien souvent, si elle ne tient pas compte des préférences canoniales, c’est que celles-ci sont battues en brèche par le roi qui désigne son candidat par le moyen d’ambassadeurs, de courriers ou de lettres, dont une adressée par Charles VI à Benoît XIII, que je publiai naguère {Une Lettre close inédite de Charles VI, dans le Moyen Age, 1906, p. 301-303), peut servir de modèle. En pratique, au xive siècle, il existe comme une sorte de concordat tacite entre les Papes, d’une part, et, de l’avitre, les pouvoirs publics, les grands du

royaume, les cc^latcurs ordinaires et les corps constitués, comme les Universités.

On a incriminé beaucoup la conduite des papes d’Avignon en matière d’élection ; l’Eglise gallicane leur a durement reproché leur ingérence dans la gestion des fonctions épiscopales ; des plaintes acerbes ont été maintes fois fornuilées par les écrivains qui depuis Guillaume Duuand de Mcnde jusqu’à la phalange des universitaires de Paris, lors du Grand Schisme d’Occident, n’ont cessé de réclamer le retour à l’ancienne discipline usitée dans l’Eglise au xiii^ siècle. Il convient d’affirmer que les nominations directes par le Saint-Siège furent un bienfait pour l’Eglise, un remède réel aux maux provoqués par les élections épiscopales. A Constance, pour ne citer qu’un exemple, du 19 août 1 3 18 au i" octobre 1322, le siège demeure vacant, faute d’entente entre les chanoines. Ailleurs, les membres des chapitres, profondément divisés entre eux. ne reculent pas devant la perspective d’affliger leur église de schismes. En Gascogne, par leurs appels continuels à la cour de Rome, les chapitres ont attiré l’attention de la papauté sur la situation déplorable des églises privées de pasteurs et dont la vacance durait parfois cinq ou six ans. (A. Clergeac, Les nominations épiscopales en Gascogne aux xiii’et xiv° siècles dans Bévue de Gascogne, 1906, p. 49-57, 145-160.) Somme toute, si le Saint-Siège confisque le droit de nommer les évêques au détriment des chapitres, ceux-ci sont responsables de la déchéance à laquelle ils sont réduits, parce que la discorde règne dans leur sein à l’état endémique, des abus variés vicient trop fréquemment les élections et la décadence de l’autorité des métropolitains s’accuse de plus en plus.

On a encore reproché aux papes de n’avoir capté le droit de pourvoir aux évêcliés que dans un but liscal. Quoi qu’il en soit de ce reproche, les frais de provision papale étaient de beaucoup inférieurs à ceux d’une élection qui entraînait une procédure longue, compliquée et fort coûteuse, et qui trop souvent occasionnait des procès interminables.

Sources. — Les registres des papes des xixi’et xiv" siècles, publiés par l’Ecole française de Rome ; Jaffé-Potthast, Regesta Pontificum Romanorum, Berlin, 1871-1874 ; P. Pressuti, Regesta Ilonorii Papæ ///, Rome, 1888 ; Regestuni démentis Papæ V, Rome, 18851888 ; Héfélé, op. cit., t. VIII-IX.

Bibliographie. — J. Doizé, L’élection épiscopale et les chapitres cathédraux au xiii^ siècle, dans les Etudes, t. CIX (1906), p. G27-656 ; J. M. Caffrey, Irish episcopal élections in the niiddle âges, dans The Irish theological Quarterly, t. II, p. 203-218 ; A. Cartellieri, Regesta episcoporum Constantiensium, Innsbruck, 1894-1902 ; B. Monod, L’Eglise et LEtut au^W^ siècle. L’élection épiscopale de Beauvais de 1100 à llOù. Etienne de Garlande et Galon. Paris, 1904 ; A. Gottlob, Die Servitientaxe im 13. Jahrhundert. Stuttgart, 1908 ; C. H. Haskins, Knightseryice in Xormandy in the eleventh century dans English historical Revien ; t. XXII (1907), p- 630649 ; E. Roland, Les chanoines et les élections épiscopales du xi° au xiV siècle. Etude sur la restauration, révolution, la décadence du pouvoir capitulaire, Aurillac, 1909 ; Der Traktat des Laurentiusde Somercote, Kanonikus von Chichester, Hier die Vornahme von Bischofsnahlen (1254), Weimar, 1907 ; P. Viollet, Les élections ecclésiastiques au Moyen Age d’après Guillaume de Mandagout, dans Bévue catholique des Eglises, t. IV (1907), p. 65-91. (M. Viollet donne le résumé d’un excellent formulaire de l’électevu- au xiii^ siècle, composé avant 1 300 par Guillaume de Mandagot et intitulé : Practica