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EGYPTE

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régne sur l’Egypte ancienne comme sur la Cb aidée et sur l’Assyrie.

Ce polythéisme n’était certainement pas l’idolâtrie grossière qui s’arrête aux statues de bois et de pierre, il s’adresse babituellement à des dieux suprasensibles supposés intelligents et puissants, mais ])ien souvent aussi il s’attache aux éléments visibles et en premier lieu au soleil. N était-ce pas le culte du soleil matériel qu’AméTiophisIV avait voulu imposer à tousses sujets ? Sans doute, on donne à l’astre des attributs supérieurs, divins, la vie. l’intelligence, l’omniscience, la toute-puissance, on en fait le créateur et le maître de toutes choses, mais ces attributs, on ne parvient pas toujours à les dégager de la matière, et on les conçoit diiricilement réabsés ailleurs que dans cet astre, si beau, si brillant, si bienfaisant, cet astre qui, pour l’Egyptien, est la merveille du monde visible, et qui semble ne rien avoir au-dessus de lui. L’idolâtrie, sans caractériser la religion égyptienne, en est pourtant un des traits secondaires.

Lueurs monothéistes. — Ces deux points importants, ces deux empreintes de l’erreur étant hors de doute, recherchons si dans toute cette religion, que vécurent plusieurs millions d’hommes, ne jaillit jamais l’étincelle de vérité, si dans ces ténèbres épaisses ne brilla jamais l’éclair qui découvre le vrai Dieu, recherchons si les théologiens ne s’élevèrent pas à la conception d’un Dieu unique, infini, immatériel, s’ils n’énoncèrent pas des principes qui logiquement menaient au monothéisme. Pour qui lit les textes sans parti pris, il ne peut y avoir aucun doute dans l’afTirmative. Voici un extrait d’un hymne à Amon :

Le dieu auguste, le maître de tous les dieux, Amoii Râ, l’àme auguste qui fut au commencement, le grand dieu qui vit de vérité, le dieu du premier cycle qui a enfanté les dieux des autres cycles et par qui sont tous les dieux, le un uniquo qui a fait tout ce qui exisle quand la terre a couimencé d’être à la création, aux enfantements mystérieux, aux formes innombrables, et dont on ne peut savoir l’accroissemeut… maiire souverain de 1 être, tout ce qui est exi. « te jiarce f[u il est, et quand il a commencé d’être, rien n’éloit que lui ; dès la première aube de la création, il était di’-jà le disque solaire, prince des splendeurs et des radiaiicos, celui dont rap[)arition donne vie à tous les hommes. (D’a[)rès Navii.le, op. lauei.j p.’23.)

On dit aussi d’Amon Kà :

Il ordonna, et les dieux naquii’ent. Les hommes sortirent de ses yeux et les dieux sortii-ent de sa bouche. Il est celui qui fit l’herbe pour les troupeaux et l’arbre fruitier pour les hommes ; celui qui croc ce dont vivent les poissons dans le fleuve et les oiseaux sous le ciel, celui qui met le soutlle flans l’œuf, nourrit le fils du ver, et produit la substance des moucherons ainsi que des vers et des

f)uces ; celui qui fait ce qui est nécessaire aux souris dans eurs trous et qui nourrit les oiseaux sur tous les arbres. C’est par am.our pour lui que vient le Nil, lui, le doux, le’bien-aimé, et à son leior les hommes vivent. El ce chef de tous les dieux a cependant le ca-ur ouvei-t à celui « pii l’invoque. Il protège le crainti f contre l’audacieux,.ussi est-il aimé et vénéré de tout ce qui existe, si liant soit le ciel, si vaste la terre, si profonde la mer. Les dieux s’inclinent devant ta majesté et exultent leur créateur’. Ils sont en allégresse à 1 approche de celui qui les a engendrés : sois loué, disent les fauves, sois huié, dit le désert. Ta))eauté conipiiert les ccrui’s. (D’après Adolf Eh.m.vn, La religion égij[)ticnne, traduction ^’idal, p. 87, 88.)

Malgré beaucoup d’incohérences, est-ce qu’il ne ressort pas de ce tablca>i la ligme d’nn Etre suprême qui a tout créé, toutes les choses et tous les dieux, d’un Etre « (ue tout adore, même les dieux ? N’en fallait-il pas conclure que lui seul méritait les adorations des hommes ? Nomhreux sont les hymnes qui répètent les mêmes idées, sous les mêmes formes. Nulle part, certes, on ne dit qu’il n’y a qu’un seul vrai

Dieu et que tous les autres sont faux, mais ces autres sont rœu% re d’un premier, et ce premier est seitl, seul non seulement dans chaque ville en particulier, à Memphis, à Thèbes, mais seul sur toute la surface de l’Egypte, seul au ciel. C’est le même qui est partout sous dilTérents noms. « Il est l’Amon qui réside en toutes choses, ce dieu vénéré cjui était dès le commencement. C’est d’après ses desseins qu’existe la terre. Il est Phlah, le plus grand des dieux, celui qui devient un vieillard et qui se rajeunit comme un enfant, dans une durée éternelle. » (D’après Naville, op. laud., p. 125.) Ailleurs le même dieu est identifié avec Atoum d’Héliopolis. avec Thoth d’Hermopolis.

Voici une profession de foi. curieuse et significative, inscrite sur un cercueil de la xxii= dynastie et mise dans la bouche d’un défunt nommé Pétamon :

« Je suis un qui devient deux, je suis deux qui devient

quatre, je suis cjuatre qui devient huit, je suis un après celui-là, je suis Khoprl dans Hait-berhorou, je suis Osiris dans Khouit, je suis Hàpi engendré de Phtah, je suis ce créateur Rà père de Shou ! » (G. Mas-PERO, Recueil de Tvasaux, vol. XXIII, igoi, p. 196.) Malgré cette haute conception de la divinité, les Egyptiens restèrent pratiquement polythéistes, ils conservèrent dans leur olympe toute une armée de dieux auxquels ils élevèrent des temples, dressèrent des statues, offrirent des sacrifices. Comme les autres pa’iens de l’antiquité ils ont mérité les reproches de l’Apôtre. (Rom., 11, 21.)

Quant à leurs sentiments religieux, la fermeté de leurs convictions, leur respect de la divinité, leur confiance en elle, la spontanéité de leurs hommages, l’empressement à faire leurs otïrandes, leur fidélité aux cérémonies sacrées, aux pratiques cultuelles, en un mot l’observation effective de la religion, tout cela nous seml)le animé de la plus grande loyauté et de la plus profonde sincérité. C’est le ton général de toute leur littérature religieuse ; à peine peut-on y relever un ou deux textes qui trahissent le doute et l’indifférence et qui invitent à jouir de la vie présente et de ses plaisirs sans s’occuper de l’avenir.

4. Légende disis et d’Osiris. — Parmi les nombreuses légendes qui germèrent autour des dieux, aucune n’eut plus de succès que celle d’Osiris et d’Isis. Nous ne pouvons l’omettre ici, car elle remplit la religion égyptienne et elle est le fondement des croyances sur la vie future. Celle légende est racontée par Plutauque dans son De Iside et Osiride mais elle se trouve en détail sur les monuments égyptiens les plus anciens.

Osiris, fils d’Aloum lia, avait pour femme Isis. Il gouverna autrefois la terre, après Rà, son père, et enseigna aux honnnes la doctrine du bien et la pratique de la Acrlu. C’était le meilleur de tous les rois ; il rendit son peuple heureux, lui procura tous les biens de la terre el fil régner partout la paix et la justice. Or, Sel. frère d’Osiris, poussé par la jalousie ou par un autre motif que la légende ne dit pas, résolut de le renverser el de le mettre à mort. La fidèle Isis, au courant de ce projet criminel, réussit pour un lenii>s à déjouer les trames de Sel ; mais le rusé compétiteur finit i)ar triompher, il s’enij)ara d’Osiris, le mit en pièces et jeta ses débris à la mer ou aux quatre vents duciel. Isis, dépouillée delous ses droits, humiliée, éplorée, se mil, la douleur dans l’àme, à rechercher les restes d’Osiris, et elle n’eut de repos (pu’lors(pi’elle les eut trouvés. Alois s’agenouillant avec sa sœur Nephth} s, elle exhala sa plainte : « Viens à ta demeure, viens à ta demeure, ô dieu On ! viens à ta demeiue, toi qui n’asi)as d’ennemis. O beladolesccnl, viens à ta demeure où tu me verras ! Je suis ta sanir que tu aimes, lu ne dois pas l’écarter de moi.