Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/669

Cette page n’a pas encore été corrigée

1321

EGYPTE

1322

Nous avons cependant plusieurs documents écrits en grec, tels que les récits d’HÉRODOTE, de Diodore de Sicile, et par-dessus tout le « De Iside et Osiride ' » de Plutarque. Mais ces auteurs nous sont en réalité de peu de secours. Ce qu’ils nous racontent, c’est ce qu’ils ont entendu raconter eux-mêmes en Egypte ou ailleurs, traditions, légendes recueillies et transmises sans examen. Ces légendes reflètent sans doute les crojances populaires de cette époque, mais que nous appVennent-elles siu- les temps anciens ? Lorsque Hérodote visitait l’Egypte, vers ^bo, la religion égyptienne était à son déclin, il y avait plus de mille ans qu’elle avait atteint l’apogée de son développement, et plus de trois mille qu’elle avait des prêtres et des temples. Pour ces âges lointains, seuls les documents anciens de l’Egypte peuvent nous fournir des renseignements certains. Ces documents sont de deux sortes : les inscriptions, dessins et talileaux gravés sur les tombeaux, les pyramides et les temples, et les papyrus qui sont les livres d’autrefois. Ces débris s'échelonnent im peu sur toutes les époques depuis l’ancien empire jusqu'à la conversion de l’Egypte au christianisme, mais avec des alternatives de rareté et d’abondance. C’est sous l’ancien empire et le nouvel empire qu’ils sont le plus nomlireux, et c’est aussi de ces deux périodes cpi’il sera question dans cette étude. Aussi bien, c’est alors, avec les plus grands des Pharaons, avec les constructeurs de pyramides, Chépliren, Chéops. Ounas, Pépi, avec les célèbres conciuérants, Touthmès III. Séti I", Ramsès II, que la pensée religieuse de l’Egypte ancienne se manifeste avec plus de précision et plus d’ampieur. Evidemment nous lîe donnons ici qu’un aperçu général, et nous renvoyons aux ouvrages spéciaux pour une étude plus complète.

2. Caractères généraux de la religion égyptienne. — Les Egyptiens, comme tous les peuples de l’antiquité, étaient souverainement religieux. On l’a remarqué depuis longtemps, tous les monuments qu’ils nous ont laissés sont des temples ou des tombeaux, des temples pour le culte des dieux, des tombeaux pour le culte des morts. Ces deux idées, la divinité, la vie d’outre-tombe, semblent avoir domine toute leur vie et al)sorbé le meilleur de leur existence. C’est sous leur influence qu’ils ont entrepris et exécuté ces travaux gigantesques qui ont l)ravé le temps et qui font l'étonnement des générations. Quant à leurs demeures particulières, aux habitations des princes, aux palais des rois, il n’en reste rien ou presque rien ; c'était pour eux des lieux de passage, des hôtelleries qu’on hal)ite quelques jovu-s et qu’il faut quitter bientôt : ils ne s’en occupaient <jue dans la mesure du nécessaire. Et parmi les papyrus qui sont parvenus jusqu'à nous, le plus grand nombre, pour ne pas dire la totalité, traitent de sujets religieux, ou concernant la religion ; ce sont des récits sur les dieux, des hymnes, et surtout des renseignements ^ur la vie future, des fornuiies, des prières à l’usage des défunts. Il y a donc une religion égyptienne. Quels sont les caractères distinctifs de cette religion ? On peut les réduire à deux principaux : c’est une religion de la nature, c’est une religion composite.

Et d’abord c’est une religion de la nature et p ;  ; rdessus tout une religion solaire, non pas en ce sens que les Egyptiens aient adoré le soleil ou la lune, le ciel ou la terre, ou leur grand fleuve, le Nil, ils n'étaient ni sabéistes. ni panthéistes, mais en ce sens que, mises à part les idées abstraites, tout ce qu’il y a dans leur religion de synd)olcs, d’emblèmes, de figures et d’images est emprunté aux éléments dii monde visible égyptien. Ainsi, il y a un dieusuprcme.

un dieu créateur, ce dieu se confond avec le soleil, de telle sorte qu’il est souvcnt impossible de distinguer, dans les hymnes, s’il s’agit de l’astre matériel ou de la divinité. Le soleil toujours radieux, toujours vainqueur, se levant et se couchant toujours aux mêmes points, est pour eux l’image la plus parfaite de la divinité. On se le représente dans une barque, le jour traversant glorieux l’Océan céleste, gouvernant les hommes et leur distribuant la vie, la nuit voguant sur un fleuve inconnu et mystérieux, et revenant d’Occident en Orient, à l’endroit où il doit renaître au monde supérieur, après avoir réjiandu sur les morts la lumière et la joie.

Les divinités de second ordre, qui exercent une certaine influence sur le monde et les hommes, mais avec dépentlance du dieu solaire, ont pour emblème la lune. Pour les déesses, c’est le tirmanient étoile, la terre ; pour un dieu qii se distinguera par sa bonté envers les hommes, Osiris, c’est le Nil, le père de l’Egypte, pour d’autres divinités, c’est l’eau, le désert, etc. Les Egyptiens se sont-ils arrêtés à ces éléments matériels et n’ont-ils pas atteint l’invisible, le spirituel ? Il n’y a là aucun doute, comme on le verra plus loin. Mis en éveil par les phénomènes sensibles et guides par un esprit naturellement droit, ils se sont élevés, et dès l’origine, à une notion assez pure de la divinité.

Un autre caractère distinctif de la religion égyptienne, c’est quelle est un mélange de plusieurs systèmes différents, cpi’elle n’est pas une dans la rigueur du terme, surtout à l’origine. Vers 4000, avant que Menés eût établi l’unité politique de l’Egypte, chaque tribu avait ses dieux, son temple, ses prêtres, son culte, ses croyances. Plus tard, quand l’Egypte entière obéit à un seul chef, les tribus, lixées dans leurs nomes respectifs, continuèrent à garder leur autonomie religieuse. Cependant, avec la fusion politique et commerciale, se lit aussi peu à peu la fusion des croyances et du culte. De tous les éléments préexistants, il se forma bientôt une religion à peu près commune à toute l’Egypte. On avait d’abord des groupes isolés, un grand nombre de cours souveraines et indépendantes les unes des autres, avec la centralisation politique, on arriva, par la force des choses, à établir des relations entre ces groiq^es, on finit même par les réunir tous en un seul et même Eden national. De là cette armée de dieux et de déesses qui pciqilent le panthéon égyptien. Il y en avait plus de soixante qui recevaient un culte particulier en différentes localités, sans compter leur escorte de divinités inférieures. Cependant, il inqiorte de le noter, la multiplicité n’est qu’apparente, elle n’est que de surface ; elle n’est pas réelle, c’est une multiplicité d’appellations divines, non de dieux. Le dieu suprême, le dieu créateur, s’apj elle Atoum à Héliopolis, Phtah à Memphis, Thot à Ilermopolisen moyenne Egypte. Amon à Thèbes. Horus à Edfon.Khnoum à Eléphantine ; mais si on les examinede près.on reconnaît aisément que ces divinités ont partout la même nature, les mêmes attributs, les mêmes [ « lopriétés, le même rôle, qu’elles ne diffèrent que dans leur forme extérieure et dans quelques traits accidentels. C’est donc au fond le même dieu sous différentes dénominations. Et cela, les Egyptiens eux-mêmes l’avaient remarqué. Les adorateurs d’un dieu di terminé prétendaient fiue ce dieu réunissait en lui toutes les autres divinités. Pour les TliObains, le grand.mon était At(umi d’Héliopolis. Phtah de Menqdiis. Thot d’Hermoj)olis, il était tous les dieux à la fois, ou plutôt il était le seul dieu véritable, réunissant en lui toutes les prérogati es divines.

Le même amalgame d’idées se remarque dans les crovanccs sur l’homme et la vie future, et là. semble-