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ÉGLISE (QUESTION DES NOTES)

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luent pour quelqu’un qui met en doute cette immauté de Pierre et des successeurs de Pierre, pour quelqu’un qui est né dans l’une des communions dissidentes et qui hésite a u sujet des titres mêmes de l’Eglise de Rome. Les « notes » doivent permelti"e à ce chrétien de cheminer sans faire fausse route, ei de partir des principes qu’il admet déjà pour reconnaître l’institution perpétuelledu Christ làoù il ne la trouvait pas encore. Telle est la position classique et très légitime duprohlème des « notes ».

Or, lexpérience le prouve : pour les chrétiens appartenant à une autre communion chrétienne que l’Eglise de Rome, la romanité de celle-ci est très loin de se présenter connue un titre de créance, comme une marque (aisément discernable) de légitimité. Bien au contraire, la primauté pontificale, la succession romaine de l’apôtre Pierre est (en vertu d’un préjugé tenace de milieu et d’éducation) regardée, chez les dissidents, connne une usurpation, ou comme une fiction mensongèi*e, ou, du moins, comme une prétention contestable et mal fondée. La romanité de l’Eglise sera donc, en fait, plutôt un ol)stacle qu’un argument aux yeux de l’ensemble des chrétiens non catholiques.

Voilà pourquoi, discutant le problème des « notes », nous nous gardons d’y introduire une « note » de romanité, ou encore d’introduire l’élément de romanité dansle concept initial de l’unité delà catholicité, de Vapostolicilé. Pour que la discussion devienne possible et fructueuse, nous croyonsqu’il faut partir de concepts admis sans équivoque par les membres de toutes les Eglises hiérarchiques. Et la conclusion sera en faveur de l’Eglise catholique romaine, non pas parce qu’elle est romaine, mais parce qu’elle seule possède vraiment les caractères reconnus par les dissidents eux-mêmes comme distinctifs de la véritable Eglise du Christ.

Reste maintenant à décrire chacune des quatre

« notes » devenues classiques ; reste à montrer en

quoi elles constituent des propriétés essentielles et des iJropriétés visibles de l’Eglise. Quant à leur valeur négative ou positive, comparative ou absolue, nous devrons l’étudier plus loin, à propos des applications et des conclusions qu’il faudra en déduire. Actuellement, nous ne cherchons qu’à en déterminer exactement le « concept ».

En jjremier lieu, nous placerons la sainteté, qui est un critère d’ordre « moral » ; après quoi, viendront les trois autres u notes », qui sont un critère d’ordre « juridique » : l’apostolicité, qui regarde la succession dans la hiérarchie ; l’unité Aisible et la catholicité visible, qui apportent des garanties de légitimité à la succession hiérarchique.

h) La Sainteté

( « ) Qu’est-ce que la Sainteté ? — La sainteté, en tant que « note » de l’Eglise, peut se définir dans les termes suivants : Transcendance de la vertu morale, existant d’une manii’re continue dans l’Eglise du Christ, au nom même des principes que cette Eglise professe.

Il y a donc un double élément à distinguer : sainteté des principes de l’Eglise et sainteté des membres de l’Eglise. En d’autres termes : que la transcendance de la vertu morale existe, d’une manière continue, dans l’Eglise ; et qu’elle y existe parce que l’Eglise l’enseigne et la recommande à ses fidèles. Bref, que cette transcendance apparaisse comme un trésor caractéristique et un bien social de l’Eglise.

Qu’appelons-nous : transcendance de la vertu morale : ’— C’est l’existence des vertus supérieures chez un bon nombre, et des vertus héroïques chez quelques-uns : surtout lorsque de telles vertus morales se

manifestent avec continuité dans la même société de chrétiens.

Aux yeux de tout observateur équitable, au jugement de toute conscience droite, pareil ensemble de Aertus dépasse manifestement les forces morales de la nature humaine. Il faut donc y reconnaître cette transcendance morale qu’on appelle : la « sainteté ». L’expérience générale permet de reconnaître, sans trop d’effort, des degrés inégaux, des étages difl’érents de vertus morales : par exemple, vertu commune, vertu supérieure, vertu héroïque.

La Aerlu commune est identique à l’a honnêteté » : elle consiste dans la fidélité aux obligations extérieures et courantes de la morale ; notamment aux devoirs de famille et aux préceptes de la justice. — La vertu supérieure dépasse de beaucoup la simple

« honnêteté » du monde : elle comporte une moralité

plus haute, plus sévère, plus excellente ; notamment la victoire sur les passions mauvaises, le désintéressement j)ersonnel, le zèle généreux pour le bien. — La vertu héroïque monte encore beaucoup plus haut : elle consiste à pratiquer lamour de Dieu ou du prochain par les sacrifices les plus durs et les plus constants, par les actions les plus pénibles et les plus redoutables à la nature.

L’acquisition et la conservation de la vertu commune n’est pas sans un rapport étroit, manifeste même, a^ec la pratique du christianisme : néanmoins ce n’est pas la vertu commune cpi’il faut faire entrer en ligne de compte à propos de la « sainteté » de l’Eglise. Chez un bon nombre d’hommes, et surtout en certaines conditions de milieu, la vertu commune, V’( honnêteté » du monde, n’est pas une chose qui dépasse (avec évidence) les forces morales de la nature humaine, et qui accuse (au dehors) une intervention extraordinaire de Dieu.

Bien plus, les forces morales de la nature humaine expliqueront (peut-être), chez quelques âmes généreuses et hautes, l’état permanent àe^ertu supérieure, sinon de vertu héroïque. Elles expliqueront, au moins, beaucoup d’actes transitoires du déAouement ou d’héroïsme, surtout dans les circonstances qui exaltent les plus nobles sentiments du cœur humain.

Toutefois, l’on sera en face d’une transcendance morale qui dépasse manifestement les forces de la nature humaine, lorsque l’on constatera l’état permanent de vertu supérieure chez un bon nombre d’àmes, et non pas seulement chez quelques-unes ; lorsque l’on constatera la vertu héroïque comme l’état permanent de plusieurs âmes, et non pas seulement comme une exception rare ou transitoire ; lorsque l’on constatera cet ensemble de vertus supérieures et même héroïques existant, d’une manière continue, dans telle société religieuse, à travers toutes les époques (mênie les plus critiques) de son histoire ; et enfin lorsque l’on constatera que cet ensemble de vertus existe grâce à l’enseignement et à l’influence de la société religieuse elle-même où tant de vertus s’épanouissent.

Alors, la sainteté apparaîtra comme le bien social de cette même communauté chrétienne ; on possédera le critère « moral » de la véritable Eglise du Christ. Ce sera la « note » de sainteté. « Note » d’autant plus précieuse qu’elle est discernable (dans son caractère essentiel) même poiu- ceux qui n’ont pas étudié. En eifet, on la découvre, en pratique, moins par l’érudition, moins par la raison spéculative, que par un autre instrument qui, celui-là, ne trompe guère : la conscience morale.’N'^oilà ce que nous entendons par la sainteté. Mais possède-t-elle bien les deux conditions requises pour toute « note » de l’Eglise : est-elle propriété essentielle, propriété i’/iv7’/e de la véritable Eglise du Christ ?