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ÉGLISE (QUESTION DES NOTES)

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déclare admettre la dhinité de Jésus-Christ connue un dogme fondamental du christianisme. Et pourtant, si l’on prononce le même mot, l’on signiûe deux choses totalement différentes : divinité réelle et divinité (ictive. C’est la substance même du concept qui est en jeu.

Pour terminer la controverse, l’unique autoritédoit être l’Ecriture sainte. Mais, précisément, chacun des deux adversaires affirmera que son interprétation de lEcriture sainte est la plus satisfaisante ; chacun des deux apportera des arguments : et sur le seul terrain des textes, aucune solution ne pourra s’imposer avec pleine certitude, avec évidence péremptoire.

La raison en apparaît profonde. îS’ous ne sommes plus en face de vérités purement rationnelles ou de faits expérimentalement observés, comme lorsque nous recherchions les fondements historiques ou philosophiques du christianisme. Nous ne sommes plus en face de choses proportionnées aux aptitudes normales de la nature humaine. Car, maintenant, nous sommes en face de mystères divins, qui dépassent, et qui dépasseront toujours, les lumières de notre intelligence. Nous sommes dans un domaine de vérités si hautes et si déconcertantes que des formules analogues à celles de l’Ecriture sainte demeurent passibles d’interprétations métaphoriques et atténuées, qui ne peuvent être déclarées absolument inadmissibles ou improbables, si l’on ne possède aucun moyen de contrôle en dehors des textes eux-mêmes.

Incontestablement, le sens naturel des textes sci-ipturaires, au sujet de la divinité du Christ, est bien celui d’une divinité au sens propre du terme, comportant la consubstantialité avec le Père. Mais pareille doctrine reste si mystérieuse, et, répétons le mot, si déconcertante pour l’intelligence humaine, que l’on ne peut (absolument parlant) refuser quelque probabilité à l’opinion de ceux qui ne voudraient voir, dans ces mêmes textes, que l’expression hyperbolique d’une excellence privilégiée, d’une transcendance surhumaine, d’une « divinité » au sens large et figuré.

Cette échappatoire n’existe pas pour nous, catholiques, parce que nous ne considérons jamais les textes dogmatiques en les séparant de la Tradition

« inhésive », de la pensée de l’Eglise catholique sur

leur portée véritable : pensée de l’Eglise qui les accomjîagne et les éclaire constamment ; pensée de l’Eglise que nous savons être pourvue d’infaillibilité (dans son accord moralement unanime). La Tradition « inhésive » et infaillible ne peimiet aucun doute sur le vrai sens des textes scripturaires quiénoncent les dogmes de notre foi. — Mais, avec les protestants orthodoxes, nous restons sur le terrain unique des textes considérés en eux-mêmes, indépendamment de tout commentaire infaillible. Voilà pourquoi des interprétations très divergentes, quant à la substance même des concepts, demeurent possibles à propos de tous les passages de l’Ecriture qui expriment des vérités

« mystérieuses ».

La secte unitarienne, la plus radicale de toutes, pourra invoquer des interprétations qui ne seront pas absurdes, en faveur de ses croyances doctrinales. Elle pourra entendre la divinité du Sauveur dans un sens tout métaphorique ; elle pourra entendre l’invocation trinitaire du Père et du Fils et du Saint-Esprit comme une formule symbolique, rapprochant l’envojé divin qui a sauvé le monde, Jésus-Christ, et la vertu divine qui agit dans les âmes, l’Esprit-Saint, de l’unique Personne divine, qui est le Père céleste. La secte unitarienne elle-même pourra donc prétendre être en règle.

Bref, par l’Ecriture toute seule, on ne peut résoudre avec pleine certitude, ni la question du nombre, ni la question du concept des articles fondamentaux : I

et, par conséquent, les articles fondamentaux ne peuvent être un signe distinctif, une « note » de la véritable Eglise.

N’insistons plus sur le premier aspect du critère protestant : l’exacte prédication de l’Evangile. Cette règle ne permet d’exclure efficacement aucune des multiples confessions chrétiennes.

h) L’administration correcte des sacrements

(a) Remarques préjudicielles. — Par « les sacrements », quels rites chrétiens faut-il entendre ?

— D’après les protestants orthodoxes, on doit entendre exclusivement le baptême et l’eucharistie.

On pourrait demander pourquoi est omis tel ou tel des cinq autres rites chrétiens que les catholiques désignent sous le nom de sacrements. Certains d’entre eux, par exemple l’imposition des mains pour conférer le Saint-Esprit, ne semblent pas dépourvus de témoignages scripturaires.

Et, d’autre part, l’Ecriture étant admise pour unique source doctrinale, ne devrait-on pas compter comme l’un des sacrements de la Loi nouvelle la cérémonie du lavement des pieds : qui, dans le texte évangélique, paraît être une institution permanente du Christ et le signe sensible, efficace, de la sanctitication intérieure ?

Le principe de l’administration correcte des sacrements, appliqué d’une manière exclusive au baptême et à l’eucharistie, occasionne donc facilement plus d’une remarque préjudicielle. Ici encore, l’Ecritui’e laisse pendantes bien des questions.

(jî) Le Baptême. — L’Antiquité chrétienne, assurément, ne s’est pas doutée que l’administration correcte du baptême fût un signe distinctif de la véritable Eglise. En effet, depuis le iv" siècle, au moins, on reconnut presque unanimement que le baptême conféré par les hérétiques était valide, et, par suite, ne devait pas être réitéré, dès lors qu’il avait été donné selon la formule trinitaire. C’était admettre nettement que l’administration correcte du baptême pouvait exister, et même existait, en dehors de la véritable Eglise, en dehors de la communion catholique, dans plusieurs sectes illégitimes et illicites, hérétiques et schismatiques. Premier indice peu favorable à l’opinion qui nous occupe ;

En second lieu, comment lixer, d’après l’Ecriture toute seule, quelle formule est requise pour l’administration correcte du baptême : ^ Baptême au nom du Pèi-e et du Fils et du Saint-Esprit ? Baptême au nom du Seigneur Jésus ? C’est la validité même du rite qui est en cause.

Le livre des Actes des apôtres semblerait indiquer la formule au « nom du Seigneur Jésus) comme employée constamment et à juste titre par les disciples immédiats de Jésus-Christ lui-même. En revanche, la finale de saint Matthieu, corroborée par un passage des Actes (Matth., xxviii, getvct., xix, 2-5), semblerait davantage authentiquer l’emploi de la formule

« au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit ».

Malgré la probabilité majeure de la seconde solution, aucune des deux réponses ne paraît s’imposer, d’une manière évidente, par les seuls textes de l’Ecriture et indépendamment de toute autre autorité. Or, pareil doute retire à la « note » proposée le plus clair de sa valeur.

Sans avoir besoin de recourir aux difficultés que soulève la signification doctrinale de la formule trinitaire et du dogme qu’elle énonce, on prouve donc aisément que l’administration correcte du baptême est loin d’être une « note » de la véritable Eglise, un signe extérieur et distinctif. qvii permette de la reconnaître, ou qui permette d’exclure efficacement les sectes usurpatrices de son nom et de son titre.