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ÉGLISE (QUESTION DES NOTES)


une excellente « noie » négative. Si une société religieuse n’admet pas l’existence historique ou la mission divine de Jésus-Christ, personne au monde ne prétendra qu’elle puisse être la véritable Eglise du Christ. Si une société religieuse n’admet pas l’existence de l’âme humaine et du devoir moral ; si elle n’admet pas l’existence de Dieu, personnel et transcendant, pareille aberration, en matière de philosophie et de religion naturelle, suffira pleinement à montrer que ce n’est pas la véritable Eglise du Christ. Nul besoin d’insister.

Mais cette remarque n’est d’aucune utilité povir la controverse qui nous occupe présentement. Les seuls hommes qui, tout en se prétendant chrétiens, contestent les fondements historiques ou philosophiques du christianisme, sont des protestants libéraux ou des catholiques modernistes. Ils ne forment pas de groupements visibles et distincts, revendiquant le titre de « véritable Eglise de Jésus-Christ » ; mais ils continuent d’appartenir aux diverses communions chrétiennes, même aux plus hiérarchiques, dont ils réinterpr’etent à leur manière les croyances doctrinales. Ce qui est à débattre, avec de tels adversaires, c’est la nature et la valeur de la connaissance relisieiise. et non pas l’identité de la véritable Eglise du Christ. La discussion concernant l’identité de la véritable Eglise du Christ, la controverse des articles fondamentaux ne se pose qu’entre catholiques et protestants orthodoxes, c’est-à-dire entre chrétiens qui sont en parfait accord sur les fondements histori(/iies et philosophiques de leur religion, et dont tout le désaccord porte sur les f/oc^/v/ies et les institutions contenues dans le message divin de Jésus-Christ.

Par conséquent, la « note « négative cjue fournirait l’examen des fondements historiques ou philosophiques du christianisme ne doit pas nous retenir plus longtemps. Elle est en dehors de la question.

Dans la deuxième acception du terme, les articles fondamentaux seraient les dogmes révélés qui sont, plus que tous les autres, nécessaires au salut. C’est une notion très claire. Mais catholiques et protestants reconnaissent, a^ec une égale franchise, qu’on ne peut trouver là un signe extérieur et distinctif de la véritable Eglise. Car il faudrait, d’abord, que la liste des croyances indispensables au salut éternel flit notoire et à l’abri de toute contestation sérieuse entre chrétiens. Or cette liste est très diversement rédigée dans les diverses comnmnions chrétiennes, et, s’il y a quelque unanimité entre elles à cet égard, c’est pour avouer que la question est difficile et mystérieuse. Donc la profession des croyances nécessaires au salut, considérées comme articles fondamentaux du christianisme, ne saurait être une

« note » de la véiitable Eglise.

Dans la troisième acception du terme, les articles fondamentaux seraient les dogmes les plus importants, les doctrines caractéristiques et capitales du christianisme. Et tel est bien le sens qu’ont en vue les protestants orthodoxes, quand il s’agit des

« notes » de l’Eglise. Au premier abord, cette règle

peut paraître admissible. Mais, lorsqu’on l’examine de plus près, on constate qu’elle est étrangement décevante. Pour que les articles fondamentaux puissent nous donner une « note », au moins négative, de la véritable Eglise du Christ, il faut que l’Ecriture sainte, à elle seule, résohe d’une manière bien certaine la double question suivante :

Quelles sont, exactement, les doctrines caractéristi <iues et capitales du christianisme ? (Question de nomlire.)

Quel est le sens précis que l’on doit attribuer à chacune d’entre elles ? (Question de concept.)

Or, indépendamment d’une autorité enseignante,

reconnue au préalable et qui soit en mesure de lever tous les doutes, on est dans l’impossibilité manifeste de fovirnir une réponse bien certaine et incontes-table à la première question et surtout à la seconde.

D’abord, la question de nombre. Quelles sont, exactement, les doctrines caractéristiques et capitales du christianisme ? — Pour déterminer la réponse de l’Ecriture sainte, on fait appel à deux critères : a le

« témoignage du sens chrétien et celui de la science
« indépendante » (Jalaguier, De l’Eglise, p. 316) ;

puis on apporte la meilleure Aolonté du monde à fixer la liste des dogmes fondamentaux. Mais la preuve manifeste de l’insuflîsance du double critère, c’est la diversité même des solutions. Diversité entre telle Eglise protestante et telle autre Eglise protestante. Diversité, dans la même Eglise protestante, quel qu’en soit le nom, entre la croyance admise à telle époque et la ci-oyance admise à telle autre époque. Diversité, dans la même Eglise protestante, à la même époque, entre tel docteur « orthodoxe » et tel autre docteur pareillement « orthodoxe ». Bref, c’est XowieV Histoire des Variations qu’il faudrait reprendre et compléter ici. Or la diversité des listes, leur longueur manifestement inégale est de la plus désastreuse conséquence. Le problème consiste à énumérer exactement les articles fondamentaux, les doctrines caractéristiques et capitales du christianisme, les croyances distinctives des Eglises chrétiennes dignes de ce nom. Toute erreur dans l’établissement de la liste faussera la méthode et son application. Que l’on énumère parmi les articles fondamentaux des articles qui ne le sont pas réellement, et l’on exclut, à tort, du nombi-e des Eglises légitimes, certaines Eglises qui (d’après le principe de la méthode) ne devraient pas être exclues. Au contraire, que l’on omette de compter parmi les articles fondamentaux des ai’ticles qui le sont réellement, et l’on comprend, à tort, parmi les Eglises légitimes, certaines Eglises qui (d’après le principe de la méthode) mériteraient l’exclusion. Par suite, les’.ariations multiples et continuelles que présente la liste des articles jondamentaux, chez les protestants orthodoxes, malgré le « témoignage du sens (. chrétien et celui de la science indépendante », rend insoluble la qviestion de nombre, puisqu’elle rend impossible l’exacte cnunu’ration des doctrines caractéristiques et capitales du christianisme. On ne peut donc, par la seule Ecriture sainte, déterminer r/i’ec certitude les croyances qui feraient vraiment discerner les Eglises légitimes des Eglises illégitimes et illicites.

Mais la question de concept paraît encore plus insoluble. Voilà un dogme de foi que, par hypothèse, tous les protestants orthodoxes sont d’accord pour tompler parmi les articles fondamentaux : par exemple, la divinité de Jésus-Christ. Que signifie, au juste, ce terme : « divinité » ?. quoirevient cette aMirmation : « Jésus-Christ est Dieu » ? Nous ne parlons pas du détail des interprétations théologiques du mystère, mais bien de la substance même du concept. Alors, tel protestant orthodoxe me répond : u Jésus-Christ est Dieu au sens jiropre du terme ; il iv est égal et eonsubstantiel au Père ; c’estla seconde i, Personne de la Trinité divine. » (Cf. notanuucnl Jalaguier, />e l’Eglise, p. 306.) Mais tel autre protestant orthodoxe et conservateur me répond : .. Jésus-Christ est Dieu au sens large et métaphoriquc ^aadlvinité consiste dans une intimité merveil « leuse avec le Père céleste ; intimité qui élève Jésus-Clirist bien au-dessus de toute créature et qui l’as.. simile vraiment à Dieu même. » (Cf. notamment liovoN, Théologie du.ous-cau Testament, Lausanne, 1902, in-8’, pp. 503-510.) De part et d’autre, on