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ÉGLISE (QUESTION DES NOTES)

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Or, la i)rédication exacte de l’Evangile et l’administration correcte des sacrements sont, à coup sûr, des propriétés essentielles de la véritable Eglise ; mais non pas des propriétés bien visibles, non pas des choses plus apparentes et plus faciles à reconnaître que la vérité même de l’Eglise.

Donc, ce ne sont pas des « notes », des signes extérieurs, qui permettent de discerner légitimement la véritable Eglise du Christ en tant que telle.

Voilà toute notre argumentation au sujet du critère protestant.

Examinons, à cet égard, l’une et l’autre propriété de l’Eglise que les protestants orthodoxes considèrent comme des « notes ».

a) L’exacte prédication de l’Evangile

(y.) L’ensemble de la doctrine. — Si l’on veut parler de la prédication exacte de l’Evangile quant à la totalité des dogmes, il est hors de doute que ce n’est pas là ime chose plus apparente et plus facile à reconnaître que la vérité même de l’Eglise.

Aux yeux des protestants orthodoxes comme aux yeux des catholiques, le christianisme possède un ensemble de doctrines, à la fois multiples, complexes, mystérieuses, dont l’identification (très délicate) exige une enquête longue et difficile. Rien de moins simple à vérifier que l’orthodoxie complète des croyances d’une Eglise sur la totalité de la Révélation chrétienne, depuis la Trinité, l’Incarnation, la Rédemption, jusqu’à la grâce, aux vertus, au culte religieux, aux sacrements, aux fins dernières.

Saint Irénée, dans le troisième livre ^rfverswi/me/’eses, Tertullien, dans le livre des Prescriptions, saint Augustin, dans c De utilitate credendi, ont éloquemment mis en relief combien il est impossible d’être fixé avec pleine certitude sur un pareil ensemble de doctrines, à moins d’invoquer l’autorité (préalablement reconnue) de la véritable Eglise.

Du reste, l’objection est si évidente que les protestants orthodoxes n’osent guère proposer pour u note » de l’Eglise l’exacte prédication de l’Evangile quant à la totalité des dogmes. Ils parlent plus volontiers de l’exacte prédication de l’Evangile quant aux articles fondamentaux ; c’est-à-dire, comme nous l’avons rappelé plus haut, quant aux doctrines, peu nombreuses, qui sont les plus certaines, les plus obvies, les plus capitales dans l’Evangile du Christ. Les articles fondamentaux constitueraient donc une « note » bien visible, un vrai signe d’identité pour les confessions chrétiennes dignes de ce nom.

Cette théorie fameuse des articles fondamentaux exige un examen plus attentif. D’abord, peut-on distinguer, dans le christianisme, des articles qui soient fondamentaux et des articles qui ne le soient pas ? Ensuite, les articles fondamentaux peuvent-ils vraiment fournir une k note » de l’Eglise ?

(/3) Y a-t-il des « articles fondamentaux » ? — Le terme d’articles fondamentaux peut être pris dans trois acceptions principales.

Première acception : les articles fondamentaux seraient, non pas des dogmes, jugés (à un titre quelconque ) plus importants que les autres articles de foi, mais bien les fondements philosophiques et historiques du christianisme, c’est-à-dire les vérités d’ordre naturel qui, logiquement, doivent être reconnues avant qu’on puisse admettre le contenu lui-même de la Révélation chrétienne. L’existence de Dieu et de l’àme, la moralité ou la responsabilité humaine, la possibilité d’une révélation objective et de signes divins pour la faire authentiquement discerner, la réalité historique de Jésus-Christ et des miracles qui attestent la divine autorité de son message, tels sont les fondements philosophiques et histo riques du christianisme, et tels sont, en un premier sens, les articles fondamentaux.

Deuxième acception : les articles fondamentaux seraient les dogmes révélés qui sont, plus que tous les autres, nécessaires au salut. Quand il s’agit de préparer à la grâce du baptême un adulte non instruit des vérités chrétiennes, et quand, d’autre part, le péril est grave et le temps presse, on doit évidemment réduire à la mesure indispensable les doctrines en faveur desquelles on réclamera une adhésion distincte. Or les quelques vérités constituant le minimum exigible en pareil cas pourront être appelées articles fondamentaux. De même, les quelques vérités (encore moins nombreuses et plus élémentaires) que doit connaître un adulte, en cas d’ignorance invincible de la Révélation chrétienne, pour obtenir (sous l’action de la grâce) la régénération intéi-ieure. C’est donc au point de vue de la nécessité pour le salut éternel que l’on distingue (ici) des articles fondamentaux dans le christianisme.

Troisième acception : les articles fondamentaux seraient comme les pierres d’assise de l’édifice doctrinal. En effet, dans l’économie des croyances chrétiennes, dans la structure logique de la doctrine, certaines vérités (par exemple : la Trinité, l’Incarnation, la Rédemption et quelques autres) ont une importance telle que, si on les supposait inexistantes, le christianisme perdrait sa physionomie distinctive, lechristianisme cesserait d’être lui-même. Au contraire, d’autres vérités révélées pourraient être supposées inexistantes, sans que l’aspect général du christianisme fut notablement modifié. La structure logique de la doctrine était, à coup sûr, la même chez saint Thomas d’Aquin que chez les catholiques de nos jours : et pourtant saint Thomas d’Aquin n’admettait pas l’Inimaculée-Conception de la Vierge Marie, alors que nous y croj’ons aujourd’hui comme à un dogme de foi. Il existe donc des vérités révélées qui ne sont pas fondamentales dans le christianisme. Les articles fondamentaux seraient ceux-là seuls dont la disparition équivaudrait à la destruction même de tout l’édifice.

Ajoutons immédiatement qu’aux yeux des protestants orthodoxes comme aux nôtres, cette distinction ne A aut que pour la structure logique des croyances, et nullement pour leur obligation et leur certitude. Une vérité qui est authentiquement révélée de Dieu. mais qui n’est pas un dogme fondamental, n’est, à covip sûr, ni moins obligatoire ni moins certaine que les dogmes les plus fondamentaux. Dans l’un et l’autre cas, le titre de l’obligation et de la certitude est pareillement l’autorité même de Dieu révélateur. Mais les protestants orthodoxes pensent que la réalité du fait de la Révélation est chose manifeste et indubitable pour les articles fondamentaux, alors qu’elle serait moins claire et moins apparente pour les articles non fondamentaux. Donc un désaccord demeurerait possible et légitime, au sujet des articles non fondamentaux : domaine où l’Ecriture ne fournit que des probabilités, des approximations ; tandis que l’accord serait nécessairement unanime, entre chrétiens dignes de ce nom, au sujet des doctrines caractéristiques et capitales du christianisme, au sujet des articles fondamentaux : domaine où l’Ecriture n’autorise aucun doute raisonnable (Jalaguier, De l’Eglise, pp. 287-320).

Telles sont les acceptions diverses que comporte le terme, un peu ambigu, d’articles fondamentaux.

(/) Les « articles fondamentaux » peuvent-ils vraiment fournir une « note » de l’Eglise ? — Dans la première acception du terme (fondements philosophiques et historiques du christianisme), il est indubitable que les articles fondamentaux constitueraient