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EGLISE (CHRETIENTE PRIMITIVE)

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dans la Palestine, mais encore dans la Syrie et la Cilicie. De fait, on applique ce décret à Antioche et en Asie-Mineure, tout aussi bien qu’à Jérusalem. Indice notable d’unité dans le gouvernement ecclésiastique (Act., XV, 22-3 1, 4 » ; xvr, 4) I’Chez les Galales, Eglise fondée par saint Paul, on reconnaît l’autorité de Pierre et des apôtres de Jérusalem. Les judaïsants abusent de ce fait contre l’autorité de Paul. Et celui-ci, pour maintenir ses droits, expose la collégialité qui (par désignation divine) le rapproche des autres chefs de l’Eglise dans le ministère de l’Evangile et le gouvernement des fidèles {Gal., i, 17-2/^ ; II, i-io).

Chez les Corinthiens, autre Eglise fondée par saint Paul, on reconnaît pareillement l’autorité des autres apôtres et surtout de Pierre. Là encore, quelques chrétiens abusent du nom de Pierre pour résister à Paul (I Cor., i^ 12). Là encore, Paul doit revendiquer, sur les fidèles de Corinthe, un pouvoir identique à celui des autres chefs de l’Eglise (I Cor., ix, 1, 0 ; II Cor., XI, 5, 22-33 ; xii, ii-13).

Chez les Romains, dans une Eglise qu’il n’a pas fondée, qu’il n’a pas même encore visitée, saint Paul évite prudemment de se mêler au détail des questions intérieures ; mais enseigne avec pleine autorité la doctrine qu’il faut tenir sur le grand problème de la justification. C’est au nom de sa mission divine et apostolique, au nom des droits qu’elle lui confère sur toutes les Eglises, que Paul agit de la sorte (Rom., I, 5-1 6 ; XV, 15-33).

L’apôtre Pierre donne avec autorité ses instructions aux Eglises de Pont, de Galatie, de Cappadoce, (l’Asie, de Bithynie, dont plusieurs au moins ont été fondées par Paul et non par Pierre (I Petr., i, i).

Même remarque pour l’Epître de saint Jacques aux fidèles dispersés des douze tribus (Jac, i, i), et pour 1 Epître de saint Jean aux.sept Eglises de l’Apocalypse (Apoc, II et m).

Bref, les documents laissent apercevoir l’autorité collective de tout le collège apostolique sur toutes les Eglises locales à la fois ; en d’autres termes, sur l’Eglise universelle. Ainsi apparaît, dans la chrétienté primitive, l’unité sociale, l’unité du régime extérieur.

(/) La primauté de Pierre. — Nous reviendrons plus loin sur ce même sujet dans l’article Pierre. Contentons-nous d’observer ici que les douze premiers chapitres des Actes reconnaissent manifestement à l’apôtre Pierre un rôle hors de pair dans l’Eglise chrétienne : tout au moins la présidence du collège apostolique. D’autre part, le reste du Nouveau Testament ne contient aucun fait qui soit vraiment exclusif de la primauté de Pierre. Les Epîtres contiennent même certains indices positifs qui concordent avec cette primauté de Pierre, après comme avant la dispersion des apôtres. Ceci posé, la présidence permanente d’un seul chef sur le collège apostolique vient encore accentuer l’unité du régime extérieur dans l’Eglise universelle.

Donc nous étions bien en droit de définir ainsi l’unité du corps social de l’Eglise, pendant le ministère des apôtres à travers le monde gréco-romain : l’ensemble des fraternités cliréticnnes, — l’Eglise du Christ, — ne constitue pas une simple unité idéale, d’ordre purement spirituel et mystique ; mais elle constitue, en outre, une véritable unité sociale, résultant de la communauté de régime extérieur.

c) Succession apostolique

Ce problème doit être étudié avec détail dans l’article Episcopat (Origine de /’). Nous n’avons à en considérer ici que le seul aspect indispensable à notre sujet. Pour faire connaître l’Eglise hiérarchique pendant le ministère universel des apôtres, nous devons

étaljlir que la juridiction spirituelle n’était pas considérée comme un privilège exclusivement spécial aux apôtres eux-mêmes et devant disparaître avec eux. Nous devons établir, au contraire, que cette juridiction était reconnue pour transmissible : qu’elle pouvait être déléguée à des représentants ou à des successeurs des apôtres.

(a) Double genre de fonctions.

Chez les apôtres. — Nous avons distingué plus haut(col.1240)un double rôle chez les apôtres : » celui’< de fondateurs et celui de pasteurs dans l’Eglise du

« Christ. Au rôle de fondateurs, se rattachait tout
« un ensemble de privilèges extraordinaires qui, 
« regardant la prédication initiale et le premier établissement

du christianisme, devaient disparaître

« avec la personne même des apôtres. Au rôle de
« pasteurs, correspondaient une autorité enseignante, 
« une fonction gouvernante qui devaient durer, 
« comme l’Eglise elle-même, jusqu’à la consommation
« des siècles, et donc se transmettre par voie de succession

perpétuelle. »

La succession apostolique, dont il nous reste à parler, se rapporte donc uniquement au rôle pastoral, à l’enseignement et au gouvernement des Eglises chrétiennes, et non pas aux prérogatives exceptionnelles, charismatiques et miraculeuses qui concernaient la fondation même du christianisme.

Chez les notables des premières Eglises chrétiennes. — Tout le monde est d’accord pour distinguer deux sortes de fonctions dans les premières Eglises chrétiennes : fonctions charismatiques et fonctions humainement déléguées.

Les fonctions charismatiques provenaient d’une communication immédiate et sensible de Dieu lui-même, par illumination ou inspiration miraculeuse. Nous n’avons pas à nous en occuper ici (cf. I Cor., xii, 10, 28, 30 ; XIV, 5, 13, 26-28 ; Rom., xii, 6-8 ; Ephes., IV, 1 1).

Les fonctions humainement déléguées provenaient d’une désignation faite par les apôtres eux-mêmes, ou encore d’une désignation faite par la communauté avec approbation des apôtres (cf. Act., xiv, 22). Les titulaires de ces fonctions portent des appellations diverses (cf. I Thess., v, 12 et Rom., xii, 8 ; I Tim., V, l’j ; Hebr., xiii, 7, 17, 24). Les appellations les plus communes sont celles d’i-niT/.or.oi eide -pîzQùT-poi ; pour le ministère inférieur, otozovît.

Le problème à résoudre est le suivant : les fonctions /i « ; « rt/ « e/71eH/c ?é/f’i, M e’es sont-elles exclusivement relatives à l’administration extérieure et temporelle des communautés chrétiennes ? L’enseignement religieux, le gouvernement spirituel des mêmes communautés ne serait-il pas le monopole des fonctions charismatiques ?


Nos adversaires, malgré l’extrême diversité de leurs systèmes, sont unanimes à répondre par l’affirmative. D’après eux tous, l’enseignement religieux et le gouvernement spirituel appartenaient, dans les Eglises, aux seuls hommes inspirés, aux seuls bénéficiaires de charismes divins et surnaturels. La prérogative de ces hommes était exactement du même ordre que la prérogative merveilleuse qui était reconnue aux apôtres. Quant aux titulaires des fonctions humainement délégués, c’étaient des administrateurs temporels (des conseillers de fabrique), n’ayant rien de commun avec le ministère spirituel et religieux. — Donc, d’après nos adversaires, il n’y avait pas, et il ne pouvait pas y avoir, de successeurs des apôtres. En efl’et, le ministère spirituel et religieux aurait appartenu exclusivement à des hommes inspirés, comme l’étaient les apôtres eux-mêmes, et qui tenaient leurs pouvoirs d’une communication immédiate et sensible de l’Esprit divin. On