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ÉGLISE (CHRÉTIENTÉ PRIMITIVE)


l’Eglise, par le baptême, ces païens non circoncis (_Act., X, /54-48). Conclusion des faits : la volonté divine était clairement exprimée ; la communauté chrétienne devait s’ouvrir même aux gentils (Act., XI, 18).

Qu’on ne s’y méprenne pas. La nouveauté qui apparaît ici n’est pas l’extension de l’Evangile du Christ ou du « royaume de Dieu » à tous les peuples de la terre. Cette doctrine avait été précédemment affirmée bien des fois par les apôtres ; de même qu’elle était claii’ement contenue dans l’Evangile ; de même qu’elle se trouvait déjà dans les prophéties messianiques de l’Ancien Testament. Mais ce que les apôtres n’avaient pas encore bien discerné, ce que plusieurs de leiu"s disciples n’admii-ent qu’avec peine, c’est que les gentils, c’est que tous les peuples de la terre devraient parvenir au baptême, devraient entrer dans l’Eglise chrétienne, sans passer par le judaïsme, sans rece^’oir la circoncision.

Peu de temps après le baptême du centurion Corneille, va commencer l’apostolat des gentils, des incirconcis : à Antioche, à Chypre, et dans tout le sud de la province romaine de Galatie (Act., xi, 1930 ; XIII, XIV, XV, i). Dès lors, l’Eglise chrétienne est composée, en partie, d’hommes qui étaient et qui restent parfaitement étrangers au judaïsme et à la circoncision. Entre l’Eglise chrétienne et la Synagogue juive, la séparation devient apparente et formelle, quoiqu’elle ne soit pas encore totalement consommée.

(ô) Mesures de transition. — Tant que vécut la génération contemporaine des apôtres, tant que Jérusalem resta debout, un problème pratique se posa dans l’Eglise chrétienne. Comment accorder, dans une fraternité de chaque jour, les chrétiens venus du judaïsme et souvent très attachés aux observances mosaïques, avec les chrétiens venus du paganisme et nullement habitués à ces mêmes observances ? — La question était délicate.

Une première règle fut maintenue à l’abri de toute contestation : le rite de la circoncision ne devait pas être imposé aux chrétiens convertis du paganisme. Les conférences de Jérusalem tranchèrent définitivement ce point de doctrine, que les judaïsants avaient essayé de remettre en doute (Gal., ii, i-io ; Act., xv, i-31 ; XXI, 25).

Un second principe prévalut peu à peu, au moins en dehors de Jérusalem : la circoncision et autres observances juives n’étaient plus obligatoires, même pour les chrétiens venus du judaïsme. En effet, la loi évaugélique apportait complètement, à elle seule, les moyens de salut ; la loi mosa’ique n’avait été qu’une préparation et une figure : elle venait de trouver enfin son accomplissement dans l’œuvre du Christ ; désormais, c’était l’Eglise chrétienne qui était le véritable Israël de Dieu. Tel sera l’enseignement caractéristique de saint Paul, spécialement aux Galates et aux Romains. Déjà saint Pierre, aux conférences même de Jérusalem, professe équivalemment la même doctrine (Act., xv, 7-11). Il en résultait que les apôtres, non seulement pouvaient, mais devaient s’affranchir des observances juives, lorsque les besoins de leur ministère les y invitaient. Saint Paul en fit publiquement la remarque à saint Pierre, lorsque celui-ci, par crainte des judaïsants, cessa pour un temps de s’asseoir à la même table que les chrétiens de la gentilité. Ce fut là le célèbre « différend d’Antioche » (Gal., 11, ii-15).

D’autre part, beaucoup de chrétiens de la circoncision demeurant fidèles aux observances mosaïques, par esprit de pieuse tradition, il fallait respecter et ménager leurs susceptibilités ; il fallait obtenir des chrétiens venus du paganisme qu’ils s’abstinssent de

ce qui choquerait trop vivement leurs frères venus du judaïsme. Les conférences de Jérusalem (au moins d’après l’interprétation la plus commune et la plus plausible de ce j^assage des Actes) portèrent un décret pour les communautés où les chrétiens de la circoncision étaient, en grand nombre, mêlés aux chrétiens de la gentilité : Palestine, Syrie, Cilicie. DanscesEglises, les chrétiens non circoncis devaient s’abstenir des viandes immolées aux idoles, de la viande des animaux suffoqués, des aliments ou breuvages contenant du sang, et, en dernier lieu, de la

« fornication >, terme qui pourrait bien signifier les

mariages entre parents par affinité, aux degrés que les païens pratiquaient souvent et que prohibait le Lévitique (xviii). Par cette mesure, les chefs de la communauté chrétienne épargnaient aux chrétiens circoncis beaucoup de souillures légales et d’occasions de scrupules.

Chez les Corinthiens (I Cor., viii) et chez les Romains (xiv), une direction analogue, inspirée jiar la même raison de charité, semble avoir existé pour la manducation des viandes immolées aux idoles. — Cette mesure de prudence ne doit pas être confondue avec l’interdiction grave de participer au repas de communion des sacrifices païens, sous peine d’idolâtrie (I Cor., x).

Saint Paul lui-même fit aux observances mosaïques toutes les concessions personnelles qui, sans détriment du plus grand bien, pouvaient lui inspirer la piété ou la charité ou certaines convenances du ministère apostolique (^cL, XVI, 13 ; xviii, 18 ; xx, 6). Il agit surtout de la sorte envcrs la communauté, exclusivement juive, des chrétiens de Jérusalem (Act., XXI, 20-27).

Telles furent les mesures de transition qui atténuèrent l’effet apparent de la rupture entre l’Eglise chrétienne et la S3’nagogue juIac. Lorsque Jérusalem se trouva détruite (70) ; lorsque les communautés judaïsantes, qui ne devinrent pas hétérodoxes et schismatiqups. ne formèrent plus un élément appréciable dans l’Eglise du Christ ; lorsque la première génération venue du judaïsme se fut progressiA^ement éteinte, le cas de conscience dont nous avons parlé disparut peu à peu. Les mesures de transition tombèrent en désuétude. La séparation était consommée entre christianisme et judaïsme.

Dès la première heure, toutefois, cette même séparation avait existé virtuellement ; et, au bout de quelques années, elle était devenue apparente et formelle.

Donc l’Eglise de Jérusalem et de Palestine possédait un caractère autonome, demème qu’un caractère organique. En un mot, nous retrouvons l’Eglise hiérarchique dans la chrétienté la plus primitive.

C. L’Eglise pendant le ministère universel des apôtres

Pendant une douzaine d’années, l’Eglise de Jérusalem et de Palestine constituait, à elle seule, toute la chrétienté. Vint ensuite le ministère universel des apôtres, et l’on compta bientôt des communautés chrétiennes dans un grand nombre de provinces du monde gréco-romain, particulièrement autour du bassin oriental de la Méditerranée. Durant cette seconde période, la plus brillante, de l’âge apostolique, la chrétienté formait-elle vraiment une Église hiérarchique, avec les caractères du catholicisme ?

Trois problèmes méritent d’être considérés Le premier intéresse chaque Eglise locale : c’est la. juridiction apostolique. Le second intéresse tout l’ensemble de la chrétienté : c’est l’unité du corps social. Enfin