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EGLISE (CHRETIENTE PRIMITIVE)

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lité doctrinale. Ainsi organisée, l’Eglise devra perpétuer ici-l » as l’œuvre de Jésus-Christ et porter, à travers le monde, le message du « royaume ». Telle nous apparaît YEglise hiérarchique dans VEvangile.

Il ne faut donc pas confondre l’Eglise du Christ avec le « royaume de Dieu «. L’Eglise est quelque chose du « royaume » ; elle n’est pas tout le i royaume ». Le concept évangélique du « royaume » est beaucoup plus large et plus compréhensif que le simple concept d’une communauté hiérarchique établie en ce monde. Le « royaume » est, sans doute, extérieur et social ; mais il est également intérieur et spirituel. Le

« royaume » est chose actuelle et terrestre ; mais il

est également chose à venir et céleste. En un mot, le

« royaume de Dieu », c’est l’œuvre entière de la

Providence divine, pour conduire les hommes à leur fin éternelle ; c’est l’œuvre entière de Jésus-Christ Rédempteur ; c’est fo « fe l épopée du salut.

b) L’Eglise et les divers aspects du « royaume ».

— k) Le’( rojaume de Dieu » est le grain de sénevé qui doit donner naissance à un grand arbuste, plus élevé que toutes les autres plantes du jardin ; c’est encore le champ du père de famille, où grandissent, entremêlés ensemble, le bon grain et l’ivraie ; c’est encore le cortège nuptial, où marchent côte à côte les vierges sages et les Aierges folles ; c’est encore la vigne féconde, qui sera enlevée sous peu aux vignerons homicides, les Juifs, et confiée bientôt à une équipe de meilleurs ouvriers, les gentils Dans toutes les descriptions de ce genre, le « royaume de Dieu » est considéré sous un aspect extérieur et social, parmi les conditions mêmes de la vie présente. A ce premier point de vue, le « royaume de Dieu » est exactement la même chose que l’Eglise du Christ.

fi) Le « royaume de Dieu » est, d’autre part, le trésor caché ou la perle précieuse, qu’il faut acquérir en se dépouillant de tout le reste ; c’est encore un ferment mystérieux, qui, par son travail intérieur, doit transformer et faire lever toute la pâte ; c’est encore une doctrine spirituelle, qui nous apprend à aimer Dieu comme notre Père, à aimer tous les hommes comme nos frères, même s’ils sont étrangers à notre race, même s’ils sont nos ennemis et nos persécuteurs. Dans toutes les descriptions de ce genre, le « royaume de Dieu » est considéré sous un aspect intérieur et spirituel, c’est-à-dire comme existant au fond des cœurs. A ce point de vue, le « royaume de Dieu » est autre chose que l’Eglise du Christ, que la communauté visible et hiérarchique des chrétiens. Le

« royaume de Dieu » devient alors la sanctification

des âmes en Jésus-Christ.

/) Le « royaume de Dieu », c’est enfin le banquet de l’éternité, qui aura lieu après la séparation définitive des bons et des méchants, lorsque l’Epoux introduira dans la béatitude plénière et glorieuse tout le cortège de ses élus. Dans les descriptions de ce genre, le « royaume de Dieu » est considéré sous son aspect eschatologique et céleste. A ce dernier point de vue, le « royaume de Dieu » est encore autre chose que l’Eglise de Dieu, que la communauté visible et hiérarchique des chrétiens d’ici-bas. Le

« royaume de Dieu » devient alors la félicité du

siècle à venir.

S) On peut donner au mot Eglise une acception élargie, un sens plus mystique. On peut, en effet, comprendre sous ce terme, non plus seulement la communauté visible et hiérarchique des chrétiens, mais encore l’âme invisible de ce même co/ps social : âme qui est constituée par la justice intérieure, âme à laquelle participent tous les hommes en état de grâce. On peut, de plus, comprendre sous le terme Eglise, non plus seulement la comumnauté visible et hiérarchique, militante aujourd’hui sur la terre ; mais encore l’ensemble des âmes justes qui forment l’Eglise souffrante du purgatoire et l’Eglise triomphante du ciel. Dans cette acception très étendue, l’Eglise devient, sous tous les rapports, une seule et même chose avec le royaume de Dieu. A la fois « corps » et « âme », l’Eglise vérifie non moins l’aspect intérieur et spirituel que l’aspect extérieur et social du

« royaume ». A la fois chose présente et chose à

Aenir, l’Eglise vérifie non moins l’aspect eschatologique et céleste que l’aspect actuel et terrestre du

« royaume ».Bref, l’Eglise, au sens large, c’est tout

le « royaume de Dieu ».

Mais cette acception élargie, ce sens mystique du mot Eglise ne répondent pas à la notion communément comprise et usitée parmi les hommes. Aupoint de vue apologétique, nous devons nous en tenir au sens ordinaire du terme, et considérer l’Eglise qui apparaît dans l histoire. Sous ce rapport, l’Eglise est uniquement la communauté visible et hiérarchique des chrétiens d’ici-bas. Elle vérifie donc l’aspect extérieur et social, mais non pas l’aspect intérieur et spirituel, moins encore l’aspect eschatologique et céleste, du « royaume de Dieu ».

Jésus-Christ insinuait déjà la distinction entre le petit troupeau de ses disciples (l’Eglise visible) et le rovawme deDieu : « Ne craignez pas, petit troupeau,

« car il a plu à votre Père de vous donner le royaume. » 

{Luc, xir, 32.)

c) Le rapport de l’Eglise du Christ au « royaume de Bien ».

« ) Perpétuant ici-bas le ministère du Christ, 

l’Eglise hiérarchique coras/17ue le k royaume de Dieu », sous son aspect extérieur et social.

; 3) Opérant ici-bas la sanctification des âmes, 

l’Eglise hiérarchique / ?rocf/re le « royaume de Dieu », sous son aspect intérieur et spirituel.

/) Accomplissant ici-bas lœuvre du salut, l’Eglise hiérarchique prépare le « royaume de Dieu », sous, son aspect eschatologique et céleste,


II. — L’Eglise hiérarchique dans la chrétienté primitive

Division de la matière :

A. Le problème de l’âge a précatholique » du christianisme.

B. L’Eglise de Jérusalem et de Palestine.

C. L’Eglise pendant le ministère universel des apôtres.

D. L’Eglise pendant la. période « subapostolique ».

E. Conclusion : le fait catholique,

A. Le problème de l’âge « précatholique » du christianisme

a) Position générale des adversaires

Les critiques protestants et rationalistes croient pouvoir signaler un abîme entre Jésus-Christ et l’Eglise hiérarchique. La chrétienté primitive, au temps des apôtres et des premières générations qui suivirent, n’aurait jjossédé ni organisation hiérarchique ni unité sociale et visible. Elle n’aurait connu que l’enthousiasme évangélique, la ferveur mj’sticjue, la religion de l’Esprit. Des circonstances accidentelles auraient amené progressivement le christianisme à se hiérarchiser, à s’unifier, à devenir une religion d’autorité. Il aurait alors, par une fiction légendaire plus ou moins conscientCj essaj’é de rattacher au Christ et aux apôtres ses institutions hiérarchiques et catholiques. Mais ce serait en vain : car, entre Jésus-Christ et l’éiioque où l’organisation hiérarchique et catholique apparaît constituée,

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