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EGLISE (DANS L’EVANGILE

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siècles, et donc se transmettre par voie de succession perpétuelle. Nous verrons en quel sens les évêques catholiques devinrent légitimement les successeurs des apôtres (quant au ministère pastoral) ; nous verrons comment l’histoire de la première antiquité chrétienne explique et détermine ici la portée des textes évangéliques.

Déjà, ces textes viennent de nous montrer le collège des Douze investi, par Jésus ressuscité, d’un 7Hrto’/s<ère enseignant et dinejiiridictlon gouvernante, tpii seront transmissibles par voie de succession perpétuelle.

e) La primauté de Pierre. — Cette question doit être traitée avec quelque ampleur à l’article Pierre. Contentons-nous donc, pour le moment, d’énumérer les textes évangéliques touchant la primauté de saint Pierre dans l’Eglise du Christ.

D’abord, le Tu es Pet rus (Matth., xvi, iS, 19) : Pierre sera le fondement de lEglise, et de l’Eglise en tant qu’elle est impérissable ; Pierre possédera les clefs du royaume ; Pierre aura un pouvoir suiîérieur de lier et délier par sentence efficace.

Puis vient le Confirma fratres tuos (Luc, xxii, 31, 82) : Pierre devra confirmer ses frères, car le Christ a prié pour que sa foi ne défaille pas.

Enfin c’est le Pasce oves meas (Joan.. xxi, 15-17) : Pierre est constitué pasteur suprême, devant régir le troupeau tout entier de Jésus-Christ.

De ces difYérents textes, il résulte (comme nous le verrons) que l’apôtre Pierre obtient, dans l’Eglise du Christ, un véritable principal, quant au « magistère » enseignant et quant à la « juridiction » gouvernante. Ce principal, qui est présenté par l’Evangile comme nécessairek la communauté chrétienne, est également transmissible ^Avxoeà^ succession perpétuelle.

Donc : la hiérarchie constituée par Jésus-Christ apparaît clairement à l’historien, dans l’Evangile. Pour enseigner et pour gouverner ici-bas la société visible des fidèles du « Royaume », le Sauveur a créé c pouvoir permanent des apôtres et de leurs successeurs, avec le principal permanent de Pierre et des successeurs de Pierre. Jésus-Christ a donc pourvu son Eglise d’une hiérarchie perpétuelle, qui doit rester dépositaire de l’autorité religieuse parmi les hommes, et qui doit assurer en ce monde le service de l’Evangile.

E. L’infaillibilité de la hiérarchie enseignante

a) Position du problème. — Dans la notion catholique de l’Eglise, l’infaillibilité du magistère est un élément capital. C’est l’infaillibilité qui donne un caractère absolu aux définitions ecclésiastiques, c’est en vertu de l’infaillibilité que lEglise iuq)ose aux consciences d’admettre sans réserve que telle doctrine est vraie et que telle doctrine est fausse. L’infaillibilité doctrinale est-elle donc bien, d’après l’Evangile, une prérogative que le Christ ait réellement conférée à son Eglise ? (Xous [)arlons ici de l’infaillibilité générale du magistère ecclésiastique et non pas de l’infaillibililé spéciale du Ponlife romain.) — Avant de répondre à la question, il nous faut donner un triple éclaircissement préliminaire : v^ concept de rinfaillibilitc ; — jS) objection protestante contre l’infaillibilité ; — y) interprétation moderniste de l’infaillibililé.

V.) Concept (le l’infaillibilité. — L’infaillibilité doctrinale est, non pas la simple absence d’erreur (inerrantia facti), mais la préservation, divinement garantie, contre la possibilité même de l’erreur (inerrantia juris). Le magistère ecclésiastique sera donc infaillible, même sans révélation nouvelle, ii une action particulière de Dieu l’aisis^e dans son enseignement, le

maintient dans la vérité, le préserve toujours de proposer comme vraie aucune doctrine fausse, ou encore de proposer comme objet de son enseignement une matière qui échapperait à son mandat légitime et à sa compétence. Par le fait même que le magistère possédera l’infaillibilité, par le fait même qu’il entendra exercer cette prérogative, la doctrine enseignée par lui s’imposera dès lors comme indubitablement vraie à la conscience de tout croyant. La doctrine, en effet, d’un magistère infaillible devra être admise comme véritable, pour la seule raison que ce magistère l’affirme, puisque le magistère est, dans son enseignement, préservé de la possibilité même de l’erreur, puisque le magistère ne peut, dans son enseignement, proposer autre chose que la vérité même.

, 5) Objection protestante contre l’infaillibilité. — N’admettant pas l’existence d’une hiérarchie perpétuelle et enseignante, instituée par le Christ, les protestants (même orthodoxes) ne sauraient évidemment admettre l’infaillibilité de cette hiérarchie. En outre, ils prétendent (à tort, comme on le verra plus loin) que la croyance catholique à l’infaillibilité de l’Eglise ne trouve aucun fondement sérieux dans l’Evangile, et que nous devons surtout recourir à un argument spéculatif des plus contestables. D’après eux, en effet, nous raisonnerions ainsi : « La conservation

« de la vérité religieuse dans l’Eglise chrétienne
« réclame que le magistère doctrinal soit infaillible ; 
« donc il est hors de doute que Dieu garantit l’infaillibilité

au magistère de son Eglise ; cela doit être,

« donc cela est. « Argument ruineux, déclare avec

insistance le professeur Jalaguier :

« Les voies de Dieu ne se jugent pas ainsi… Lorsqu’elles

brisent incessamment les prétendues démonstiations ontologiques dans l’ordre naturel, que vaut l’a priori dans l’ordre surnaturel ? Quand reconnaitra-t-oii simplement, ])leinement, universellement, que, dans les questions de fait, la preuve de fait est, sinon la seule légitime, dn moins la seule décisive… Il faut, d tes-vous, pour la réalisation du plan divin, une règle supérieure, une autorité vivante et infaillible. — Oui, selon vous ; mais le faut-il selon Dieu.’Cela entre-t-il dans l’ordre de son gouvernement moral, dans ses desseins envers ses créatures libres el responsables ? Cola est-il conforme à la marolie générale de sa Providence.’Cela est-il d’accord avec la grande loi de l’épreuve, qui s’étend à la rccberclic de la vérité comme à la pratitpie de la vertu ?… Dieu nous offre sa parole et sa grâce pour l’œuvre de la foi et pour liruvre de la sanctification. Il y a identité entre l’épreuve morale et 1 épreuve religieuse. Ce sont, des deux pai’ts, mêmes secours, parce que ce sont mêmes devoirs et mêmes dangers ; des deux parts, nous sommes à la fois conduits de Dieu et laissés entre les mains de notre propre conseil. On ne voit pas, en effet, pourcpioi nous aurions été emj>échés, par une institution spéciale, de tomber dans l’erreur plut.’it que de tomber dans le mal… » (De l’Eglise, ])p. 230, 2 : ^.) « De plus, si, de la convenance, de l’utilité, de la nécessité présumée d’une dispensation divine, on j)ouvait conclure à sa réalité, où cela mènerait-il ?… N aurait-il pas été bon, n’aurait-il pas été, ce semble, conforme aux vues de la céleste miséricorde, que le Sauveur vint immédiatement ajirès la chute, — que les hommes ne fussent pas abandonnés à l’erreur et au mal durant quatre mille ans, — que la révélation leur fût donnée en même temps il tous, — qu’elle se montrât si éclatante d évidence que nul n’en pùl méconnaître le caractère ni le contenu divin ? Pourtant rien de tout cola n’a eu liou. Quel fondement resto-t-il donc à rar^rumeiitation qui nous occupe, quelle certitude et quelle valeur au principe sur lequel elle repose ?)" [Ibid., p. 238.)

/) Interprétation moderniste de l’infaillibilité. — l.i’s UKxlernistcs admettent l’existens’e de l’infailliliililé dans l’Eglise du Christ. Mais ils explicpient la nature de ce privilège conformément à leur système doctrinal ; c’est-à-dire en harmonie avec leur conception immanentiste de la révélation divine. (Cf. plus