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ÉGLISE (DANS L’EVANGILE)

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Ces textes affirment l’imminence delà (in du monde, l’imminence de la Parousie, ou de la manifestation glorieuse du « royaume ». (Matth., x, 28 ; xvi, 28 ; XXIII, ’6& et 39 ; XXIV, 34 ; xxvi, 29 et 64 ; et les passages pai-allèles.) Or, de pareils textes sont évidemment incompatibles avcc la croyance à un « royaume ^> qui ne serait pas purement et exclusivement eschatologique ; avec la croyance à un « royaume » qui comporterait une première durée dans les conditions mêmes de la vie présente. Donc les deux séries de textes, la série eschatologicque et la série non eschatologique, ne peuvent exprimer authentiquement la parole et la pensée du Christ. L’une des deux est historique et primitive. L’autre est rédactionnelle et ultérieure. Mais laquelle doit être considérée comme historique et primitive ? laquelle doit être considérée comme rédactionnelle et ultérieure ? — Il est hors de doute que la série eschatologique, la série des textes affirmant rimminence de la lin du monde, ne peut avoir été imaginée postérieurement au Christ. On n’aura certes pas attribué gratuitement au Sauveur des paroles et des prévisions manifestement démenties par les faits survenus depuis lors. Il faut donc conclure que la série eschatologique est historique et primitive. Quant à la série non-eschatologique, il est bien facile de comprendre qu’elle aura été ultérieurement élaborée pour mieux accorder l’Evangile du salut avec les circonstances dans lesquelles se développait le christianisme.

Tout ce raisonnement aura de la valeur, s’il est bien certain que plusieurs textes de nos Evangiles synoptiques affirment avec netteté l’inmiinence de la fin du monde, l’imminence du jugement eschatologique. Mais tout le raisonnement s’écroulera comme un château de cartes si les textes en question comportent une exégèse plausible qui soit autre que l’imminence du jugement eschatologique. En elTet, d’après les règles fondamentales de la critique historique, il ne faut pas admettre sans nécessité manifeste qu’une

« contradiction irréductible » existe entre plusieurs

textes également garantis et provenant de la même source digne de foi. Dans le cas présent, on doit exiger, en faveur de la « contradiction irréductible », une preuve d’autant plus péremptoire que les conséquences deviendraient plus risquées : c’est, en effet, une opération « risquée », au seul point de vue historique et rationnel, que de pratiquer une large découpure dans un écrit narratif aussi clair, aussi cohérent, aussi proche des faits, que nos Evangiles synoptiques.

La contradiction est-elle donc irréductible entre la série non eschatologique des textes de l’Evangile et la série qu’on nous présente pour eschaloiogiciue ? En d’autres termes, les textes de la série eschatologique ont-ils pour seule explication raisonnable l’imminence de la lin du monde, la proximité du jugement eschatologique ? — Nous répondons <[ue la contradiction n’est pas irréductible, et que les textes de la série eschatologique admellent d’autres explications raisonnables que la proximité tin dernier jour. Nous ajoutons même que l’interju-élalion eschalologicuus’impose d’autant moins clairement qu’il s’agit de textes regardant l’avenir, et que, d’après une loi bien connue du langage pro|)hétique, les textes de ce genre présentent toujours quelque chose d’vnigmatiquc et de mystérieux. Dès lors, nul motif n’existera plus de révoquer en doute l’historicité des nombreux textes de l’Evangile où le a royaume de Dieu » est présenté comnu’comjiortant une première période dans les conditions mêmes de la vie présente.

Quelles sont donc, au juste, les explications plausibles (pii permellent (le résoudre autrement que par la proximité du dernier jour les textes d’apparence

eschatologique ? — Une réponse complète doit venir plus loin, dans l’article Fix du monde (Prophétie du Christ sur la). Il faut, par conséquent, nous limiter ici à des indications très sommaires,

a) Dans le grand discours eschatologique, la parole fameuse : « Je vous le dis en mérité : cette génération ne passera pas avant que toutes ces choses ne s’accomplissent » (Marc, XIII, 30 ; Matth., xxiv, 34 ; Luc, XXI, 82) paraît viser la chute de Jérusalem et la ruine du peuple juif : catastrophe dont fut témoin la génération contemporaine de Jésus-Christ. Cette exégèse est, croyons-nous, d’autant plus vraisemblable que le grand discours eschatologique annonce deux catastrophes : l’une, qui regarde le Temple de Jérusalem et à laquelle on poui-ra encore échapper (Marc., XIII, 6-18 ; il/a ?/A., xxiv, 4-20 ou 25 ; Luc., XXI, 8-24) ; l’autre qui regarde l’humanité entière et à laquelle personne au monde ne pourra plus échapper. (Marc, XIII, 19-2’j ; Matth., xxiv, 21 ou 26-31 ; Luc, XXI, 26-28.) S. Luc souligne la distinction. (Luc, XXI, 24.) Vient ensuite une double indication de circonstances : d’abord, une échéance prochaine, que précéderont des signes déterminés, du vivant de la génération présente ; voilsi qui correspond à la pre7nière catastrophe, k la chute du Temple (Marc, xiii, 28-3] ; Matth., xxiv, 32-35 ; Zhc, xxi, 29-33) ; puis, c’est une échéance ultérieure, que nul ne pourra prévoir, et dojit l’époque reste absolument mystérieuse ; voilà qui correspond à a.deuxi('u>e catastrophe, c’est-à-dire à la fin du inonde et au jugement eschatologique. (J/arc., xiii, 32-3^ ; J/rt////., XXIV, 36-42 ; Zac., xxi, 34-36.) — Cf. Lagraxge, Revue biblique, année 1906, pp. 382-4 1 1

/5) Les textes ciui déclarent prochaine la venue du Fils de V Homme sur les nuées du ciel (Marc., y.Tv, 6 1, 62 ; Matth., y.^vi, 63, 64 ; Luc, xxiii, 67-70 ; cf..)/arc., ix, i [græce] ; Matth.. xvi, 28 ; Luc, ix, 27 ; cf. Matth., x, 28) paraissent viser l’essor merveilleux du règne messianique (de l’Evangile de Jésus) par la vertu d’enhaut. C’est, en effet, une allusion évidente au livre de Daniel (vu, 13). Or ce fragment apocalyptique, chez Daniel, n’est pas une prophétie spéciale du jugement dernier, mais le symbole du règne de Dieu, en tant que royaume de sainteté. Après les quatre empires du paganisme oriental, voici l’empire des saints. Les quatre empires infidèles étaient représentés par quatre animaux monstrueux, surgissant de la terre ; nvs l’empire des saints, œuvre de la Providence divine, est inauguré par un l’ils de lILomme, descendant des deux. Le royaume de sainteté sera-t-il purement et exclusivement eschatologique, ou bien comportera-t-il, avant sa consommation glorieuse, une première période, moins parfaite, dans les conditions de la vie présente ? — Cette question ne peut pas être résolue par le symbole prophétique de Daniel. Avec ou sansla fin dumonde, ce mystérieux symbole trouvera son exacte réalisation quand le « règne de Dieu » se manifestera comme un « royaume de sainteté », qui ne reposera pas sur les forces terrestres, mais sur la puissance divine. Jésus-Christ applitpiant à lui-même et à sou œuvre messianique le symbole de Daniel, on doit entendre du Ciirist et île son truvre tout ce que signifie clairement la venue du Fils de l’Homme : et, à vrai dire, c’est chose facile. On devra, en outre, interpréter conformémenl à la prédication même du Sauveur les éléments qui demeuraient obscurs et indéterminés dans le passage de Daniel : notamment le rapport du « royaume des saints » avec l’eschatologie. Donc, — sans entrer dans les explications et applications spéciales à eliacun des difTérenls textes, — nous pouvons rendre compte en ces termes des passages où Jésus déclare imminente la venue du l’ils de l’Homme sur les nuées du ciel :