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ÉGLISE (DANS L’ÉYANGJLE)

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cl’.ez les rabbins, le monde à t’en/r comporte la rétribution définitive des justes et des pécheurs. Dans les apocalypses comme chez les rabbins, le messianisme regarde généralement l’avenir d’Israël en ce monde, parmi les conditions de la vie présente.

La différence capitale, au point de vue qui nous occupe, entre la littérature apocalyptique et la littérature rabbinique, porte sur la valeur religieuse du messianisme. Dans les apocalypses, le temps messianique n’a pas de relation particulière avec le salut si^irituel, avec la sainteté des âmes. Dans le rabbinisme, il en va tout autrement. Par suite, le règne de Dieu, d’après les auteurs apocalyptiques, se vérifie surtout dans le « monde à venir » ; il est presque uniquement

« eschatologique ». Mais, d’après les rabbins, 

le règne de Dieu se vérifie à la fois dans le monde présent et dans le monde à venir ; il est « messianique » avant d’être « eschatologique ».

On voit donc s’il est juste d’attribuer, en vertu de la croyance « commune » des contemporains de Jésus, un caractère purement et exclusivement eschatologique au a règne de Dieu », au « royaume de Dieu » dans l’Evangile. Le Christ annonçait le « royaume de Dieu » et prétendait accomplir ainsi l’espérance u messianique » d’Israël. Or la notion de royaume de Dieu n’était pas réservée au monde à venir, et la notion de messianisme ne s’entendait que du monde présent.

Voyons maintenant si Jésus-Christ aurait corrigé, à cet égard, la croyance du monde juif, et s’il aurait prêché un mess/an/sme « o « ^ea^(, transcendant, eschatologique. Quelles conditions, quels caractères, le Sauveur, dans l’Evangile, a-t-il donc attribués au

« royaume de Dieu » ? Scraient-ce des conditions, 

seraient-ce des caractères incompatibles avec la vie présente et se rapportant exclusivement au a monde à venir » ?

U) Les conditions extérieures de la vie présente.

— Jésus-Christ présente le « rojaume de Dieu » comme déjà /nai/gure’iiar la prédication de lEAangilc, comme devant croître et grandir, comme dcvant passer des Juifs aux gentils. Or tout cela se rapporte aux conditions extérieures de la vie présente et ne saurait être appliqué aux conditions du monde à venir.

RoyRume déjà inauguré. (^Mattli., si, 12-15 elLuc., XVI, 16 ; Matth., xii, 28 ; Luc, xvii, 20 et 21.)

Royaume qui doit grandir. Grain de sénevé. {Marc, IV, 30-32 : Matth., xiii, 31-33 ; Luc, xni ; 13-19.) Croissance i)ar la diffusion de la parole de Dieu à travers le monde, (il/orc, iii, 13-19 ; vi, ’j-13 ; xiii, 9 et io ; xiv, 9 ; XVI, 15 ; Matth., x, xxiv, i^ ; xxvi, 13 ; xxviii, 19 ; Luc., VI, 12-18 ; IX, 1-6 ; x, 1-20 ; xxiv, 47 ; Joan., IV, 21-24 ; x, 16 ; xii, 20-a3.)

Royaume qui doit passer aux gentils. Parabole des vignerons homicides. (Marc., xii, 1-12 ; Matth., xxi, 33-46 ; Luc, xx, 9-19.) Parabole des invités au festin. (Matth., XXII, 2-10 ; Luc, xiv, 16-24.) Temps des nations. (Z, i ; f., xxi, 24. Cf. ^1/a/<A., viii, 10-12.) Y joindre la plupart des textes précédemment cités, au sujet de la dift’usion de la ijai’ole de Dieu à travers toutes les nations.

De ces divers textes, il résulte que le « royaume de Dieu », avant d’atteindre sa consommation glorieuse dans le monde à venir, comporte une première période, moins parfaite, dans les conditions extérieures de la vie présente. Donc le « royaume de Dieu », selon l’Evangile, n’est pas purement et exclusivement eschatologique.

c) Les conditions morales delavie présente. — Jésus-Christ présente le « royaume de Dieu » comme admettant le mélange des bons et des méchants, la distinction des riches et des pauvres, le mérite et le démérite par la qualité des œuvres. Or tout cela se rapporte

évidemment aux conditions de la vie présente et ne saurait être appliqué aux conditions du monde à venir.

Mélange des bons et des méchants. Parabole du bon grain et de la zizanie. (Matth., xiii, 24-30 et 36-43.) pai-abole du filet. (Matth., xiii, 47-50.) Parabole des vierges sages et des vierges folles. (Matth., xxv, i-13.) Existence des persécutions. (Matth., y, 1 0-1 2 et Luc., xi, 20-26 ; Matth.. X, 14-39 et Luc, x, 10-16 ; Marc., xiii, 5-13 ; Matth., xxiv, 4-13 ; Luc., xxi, 8-19 ; Joan., xvi, 1-4 et 33.) Attitude que les bons devront prendre en face des méchants. (Matth., v, 38-4" et Luc. vi, 27-36.) Moyen de discerner les faux prophètes. (Matth., vii,

l5-20.)

Distinction des riches et des pauvres. Il y a toujours, ici-bas, des pauvres, que les riches devront assister. (Marc, xiv, 7 et Matth, , xxvi, 11.) Excellence de la pauvreté volontaire ; périls et devoirs de la richesse. (Matth., v, 3-^ et Luc., vi, 20-55 ; Matth.. VI, 2-4 et 19-34 ; Marc, x, 18-31 ; Matth., xix, 16-30 ; Luc, XVIII, 18-30. Cf. Luc, xvi, 19-31.)

Mérite et démérite par la qualité des œuvres. L’époque de l’activité féconde est la période terrestre du « royaume de Dieu » : le jugement eschatologique fixera le sort éternel de chacun d’après ses œuvres. (Marcïs., 34-38 ; Matth., xvi, 24-27 ; Luc. ix, 23-26. Cf. Matth.. xxv, 3-46.)

La période terrestre et militante du « royaume de Dieu », période inaugurée par la prédication même de l’Evangile, et qui doit durer jusqu’au retour glorieux du SauA eur, est une période d’épreuve ; peut-être de longue épreuve. — Pai’abole des serviteurs. (Marc., XIII, 34-3^ ; Matth., xxiv, 43-51 ; Luc, xii, 89-46.) Parabole des vierges sages et des vierges folles (Matth., xxv, i-13.) Parabole des talents. (Matth-, xxv, 12-27 ^^ Luc, xix, 12-27.) Possibilité d’un intervalle prolongé entre la vie mortelle du Christ et le jugement eschatologique.

Voilà pourquoi le Christ promulgue tout un code nouveau de perfection mprale, et ce code évangélique, il le met en parallèle avec le code mosaïque. (Matth., v, VI, vii ; Luc., VI, 20-49.) ^^ ^^^ parallélisme donne l’impression que la Nouvelle Alliance, comme naguère l’Ancienne Alliance, doit durer en ce inonde toute une série de siècles.

(Voir, plus loin, les articles Messianisme et Prophé TISME.)

Concluons dans les mêmes termes que pour le précédent argument. De ces divers textes, il résulte que le « royaume de Dieu », avant d’atteindre sa consommation glorieuse dans le monde à venir, comporte une première période, moins parfaite, dans les conditions morales de la vie présente. Donc le « royaume de Dieu », selon l’Evangile, n’est pas purement et exclusivement eschatologique.

d) L’historicité des te.rtes. — D’après les partisans du système eschatologique, les textes qui viennent d’être énumérés comportent légitimement l’interprétation que nous leur avons donnée. Mais ces textes évangéliques, dans leur formule actuelle, n’exprimeraient ni les paroles ni les pensées véritables de Jésus-Christ lui-même. L’Evangile primitif aurait été purement et exclusivement eschatologique. Ce serait un travail anonyme de la conscience chrétienne qui aurait peuàpeu corrigé, transposé les enseignements du Sauveur, et qui am-ait harmonisé, avec un monde qui durait, des paroles prononcées pour un monde censé près de finir. Nos Evangiles synoptiques auraient fixé le résultat de cette transformation des textes.

Pourquoi donc une hjpothèse aussi radicale ? — Parce que, répondent les partisans du sj stème eschatologique, plusieurs textes subsistent, dansnosEvtmgiles synoptiques, pour attesterla tradition primitive.