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DUEL

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aux esclaves et aux gladiateurs, à des hommes de rien. Qui encore peut juger mieux le A-rai courage que les grands capitaines ? Le duc de Guise, l’intrépide défenseur de Metz contre Cliarles-Quint, menaça les querelleurs (c’est-à-dire les bretteurs, les duellistes) d’avoir le poing coupé. Le grand Frédéric n’admit jamais que le duel put servir à exciter le courage de ses officiers. Apprenait-iluneprovocation entre deux officiers, il les faisait combattre jusqu’à ce que l’un tombât ; l’autre était pendu. Napoléon déclarait :

« Je n’ai jamais compté sur un duelliste pour une

action d’éclat. >' Et dans le Mémorial de Sainte-Hélène on lit : « Le duel est bien souvent le courage de celui qui n’en a pas… Le plus terrible spadassin que j"ai connu était le plus mauvais soldat de mon armée. Il se serait battu volontiers chaque matin avant le déjeuner, mais plus volontiers encore il se serait caché dans un fourgon pendant une bataille rangée. » (EsTKVE, p. 369). Le duel, augmenter le coui-age ! Mais il autorise une foule de lâchetés. On voit des hommes se taire honteusement devant les pires infamies, dans la crainte de s’attirer une provocation, pousser leur prudence à des limites avilissantes pour ne pas risquer d’avoir un duel. Dans la marine française, la mode du duel n’existe pas. Les officiers anglais, japonais, turcs, ne se battent pas. Dira-t-on que nos marins le cèdent en courage à nos soldats, ou nierat-on la bravoure dans le combat, l’intrépidité, on pourrait presque dire, l’insensibilité des officiers de ces nations en face du danger ?

Si le courage ne gagne pas au duel, il est permis de croire que la courtoisie n’y gagne pas davantage, que a tel il est dans la société, tel le duel est à l’armée, n’ayant pas son pareil pour rendre les caractères ombrageux, pointilleux, vindicatifs, entretenir la fausse délicatesse, l’insolence et la rancune, pousser aux fanfaronnades, aux lirimades, ennoblir les calomnies, les effronteries, les abus de force, susciter les animosités et les rendre incurables », (Estève, p. 381.)On ne voit pas en quoi la bonne camaraderie, lesprit de corps, la généreuse émulation de dévouement et de sacrifice, qualités maîtresses dliommes cjui doivent être prêts à marcher la main dans la main jjour le service de leur patrie, pourraient gagner à cette pratique du duel qui, pour un oui ouun non, pour la plus futile querelle, les oblige à venir sur le terrain l’épée à la main et chercher à s’arracher une vie si précieuse pour la ])atrie.

Il est inutile, semble-t-il, d’apporter des arguments pour condamner le duel entre soldats. Il faudrait vraiment se faire une étrange illusion pour y voir un exercice de bravoure et une leçon d’honneur, de respect de soi et de bonne camaraderie. Qu’on voie ces deux braves garçons, pour une misérable querelle, qui devait se terminer par quelques horions, mais qu’on a grossie à plaisir et transformée en affaire d’honneur, venir, sous la menace de punitions gra-Aes, qu’on leur infligerait contre tout droit, échanger <pielques coups d’une arme dont ils ne savent pas se servir, sous l’œil d’un maître d’escrime chargé de transformer cet exercice périlleux en une ridicule parade ! Belle école de courage, alors qu’on prétend même supprimer le danger qui seul pourrait justifier les éloges qu’on lui donne ! Et si, connue il arrive parfois malgré les précautions prises, la maladresse, plutôt querhal)ilcté, cause un accident sérieux, voici un pauvre ouvrier ou agricullcur privé pour la Aie tle la faculté de se livrer au travail, Aoici la patrie privée d’un défenseur. Comment justifier ceux qui, pour une vétille, au lieu de punir celui qui a tort, sans même se préoccuper de le rechercher, ont lancé l’un contre l’autre deux hommes qui devaient rester unis et travailler de concert au salut de leur pays ?

Parmi les propositions condamnées par Bexott XIV, deux se rapportent au duel militaire, et le réprou-A-ent absolument ;

Prop. I. Le militaire qui, s’il refuse de proposer ou d’accepter le dueUs expose à passer pour un homme peureux, pusillanime, m-^prisahle, incapable de remplir les emplois militaires, et â être privé de l’office qui le fait vii’re lui et les siens, ou à devoir renoncer à l’espoir d un avancement mérité et dû à ses services, est exempt de faute et échappe à toute peine, soit qu’il propose, soit qu’il accepte le duel.

Prop. 3. N’encourt pas les peines ecclésiastiques portées contre les duellistes, l’officier qui accepte le duel sous la crainte grave de perdre sa réputation ou son emploi. Denzinger-BanuAA^art, Encliir. 1 491-1493 (1343-1345).

Les ministres de la guerre et de la marine d’Italie se sont honorés en signant, au mois de novembre 1908, un décret, dû sans doute à l’infiuence des ligues antidtiellistes. Sans supprimer complètement le duel entre militaires, il marque un progrès réel dans cette Aoie.

Les représentants des parties doivent tout tenter pour obtenir une réconciliation. L’accepter est pour rofi"enseur et l’offensé un dcvoir dicté par « le sentiment de l’honneur bien compris et des liens qui unissent entre eux les membres de la grande famille militaire dans la communauté d’une fin supérieure ». Reconnaître aA’ec loyauté ses torts, accepter aA’ec la même loyauté la main que a-ous tend l’adversaire, est un acte généreux, une manifestation des sentiments de fraternité et de solidarité qui font la force de l’armée. Si les efforts des mandataires échouent, on dcvra recourir à un jury d’honneur dont la composition est réglée par le décret, lequel, après aA’oir pris connaissance de la cause, rendra son Aerdict auquel les parties ne pourront se soustraire sans un grave manquement à la discipline militaire. Ce A’erdict sera — ou une déclaration que la querelle était sans fondement ; — ou un procès-Acrbal de conciliation ; — ou enfin une déclaration de non-intervention du jury dans la querelle. Cette déclaration pourra être prononcée dans les cas « où les faits seront de nature à i-endre éA’idente la convcnance que les parties restent libres de trancher leur dilYérend lomme bon leur semblera, sous la responsabilité de leurs actes au regard des règlements militaires et des lois pénales ». (Cf. Civiltà Cattolica, anno LIX, J908, Aol. IV, pp. 492-493.)

Appendice II. Le duel dans les Universités allemandes. — Dans les statuts des associations d’étudiants des Universités allemandes, il est ordinairement réglé que nul ne sera admis à en faire l)artie comme membre effectif, s’il n’a prouvé sa bravoure par un certain nombre de duels. Dans ces duels, appelés « Mensurenn (mesures), les armes sont ordinairement des couteaux assez courts, aA’ec lesquels les adversaires cherchent à s’atteindre et à se l)lesser au Aisage, les autres parties du corps étant garanties de numière à éviter de graves blessures. Les partisans de cette coutume y Aoient un exercice très propre à maintenir l’esprit chevaleresque, à développer la noblesse de caractère, et l’honneur personnel : d’ailleurs ni haine, ni vengeance n’entrent en jeu, il n’est même pas question d’honneur à réparer ; ce sont deux camarades, les meilleurs amis du monde peut- être, qui se livrent à cet exercice comme à un sport quelconque et se rendent même ainsi un excellent service en s’ouvrant mutuellement les jiorles de l’association. Aussi la « Realencyklopâdic fiir protcstanlische Theoloi^ie und Kirche, art. Ziveikampf )’, qui condamne résolument le duel et loue

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