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DROIT DIVIN DES ROIS

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traduit « la saincte Escripture en langue vulgaire ». Le crédit de Pierre du Chàtel, évêque de Tulle, le sauva, et il recou-vTa sa liberté ; mais on brûla treize <le ses ouvrages. L’arrêt du Parlement est du 14 février 1543.

De retour à Lyon, un nouvel esclandre le fît encore arrêter ; et cette fois, il réussit à s'échapper, et se réfugia en Piémont, où il composa son Second Enfer. Ses épîlres étaient dédiées au duc d’Orléans, au cardinal de Lorraine, à la duchesse d’Estampes, à la reine de Navarre, « la seule Minerve de France ». Pour son malheur, il voulut revenir à Lyon imprimer encore quelques livres de doctrine très douteuse. Il fut appréhendé, conduit à Paris, déclaré hérétique le 5 novembre 1544 pai' la faculté de théologie, et condamné deux ans après par le Parlement à être brûlé vif.

On lui reprocliait de nier l’immortalité de l'àme, et on incriminait cette traduction d’un dialogue de Platon, arrangé par lui : « Après la mort, tu ne seras rien du tout. « Autrefois, il avait écrit dans une épilre à son ami Cottereau (Carm.l, 15. 1533) :

Ne mortis hotre spicida, quæ dahit Sensu carere, vel melioribus

Locis tegi, et statu esse læto,

Elysii est nisi spes inanis.

Assui'ément la peine était dure. Mais Dolet ne fut pas condamné sur ces seuls textes. Il avait depuis ([uinze ans attaqué constamment les hommes et les institutions. Il s'était plu à violer les lois de son pays. Cinq fois poursuivi, ayant un meurtre sur la conscience, de l)ienveillantes influences l’avaient délivré. En dernier lieu, François I" lui avait accordé, enjuin 1543, une lettre de rémission, signée àVillersCotlerets, confirmée le " août suivant et imposée en quelque sorte au Parlement, par laquelle il lui eflaçait toutes ses accusations, y compris celle de l’homicide de Conipaing, « à la condition qu’il abjvirera ses erreurs ». (Catalogue des actes de François /", t. IV, p. 460, 4 ; 8 et 503.) Il ne tint compte d’aucun avertissement. Intelligent, instruit, ayant étudié les lois, il savait de plus, par expérience, à quoi il s’exposait. Tous les gouvernements condamnaient alors l’hérésie, ou l’attaque aux croyances religieuses professées par l’universalité. C'était dans les habitudes d’un temps où on ne connaissait pas la tolérance. Il fallait suivre la religion du prince, ou du moins ne pas la battre en brèche. La Réforme commençait ; et, dans toute l’Europe, on la combattait par les mêmes moyens.

Plus tard, les protestants appliquèrent ces mêmes lois aux catholi(pu’s. là où ils furent les plus forts. En Angleterre, Elisabeth et Jacques I" en usèrent non moins (hiremcnt contre les Puritains. C’est peut-être en France qu’on trouve chez les soiivcrains le plus dexemi » Ies de modération et d’indulgence. Etienne Dohl ne ])eut être nommé un martyr : il n’avait aucune foi ; il ne défendait aucune croyance ; c'était un sceptitpie, un frondeur et un rebelle. On l’appela relaps dans son temps ; aujourd’hui, on l’appellerait seulement récidiviste. On ne trouve pas dans les livres ou mémoires de l'époipie une réclamation ou même une pitié pour sa condamnation dernière.

— On | » cut consuitci' sur lui un ouvrage intéressant de M. Ricliard Copliy Christic (Et. Dolet, London, Macniillan, 1880). cl une biljliographie très conq)léte des écrits de Dolet, dans l'édition française remaniée, traduction C.Stryicnski, in-8'Fischbacher, 1886. — Le Procès d Etienne Dolet, par A. Taillandier. Paris, 1836, in-B ».— Un article, relativement modéré.

dans la nouvelle édition de la France Prolestante t. V (1885).

Comte G. Baguexault de Pcchesse.


DROIT DIVIN DES ROIS. — L’Eglise a été fréquemment accusée de reconnaître au pouvoir des i-ois une origine non humaine, mais divine, et conséquemment d’enseigner que jamais, pom- aucun motif, un peuple n’a le droit de désobéir à son souverain ou de rejeter son joug, les actes et la personne du souverain n'étant justiciables que de Dieu. Pour avoir une idée nette des doctrines de l’Eglise en cette matière, il faut distinguer ce qui est communément admis par ses docteurs, ce qui est librement discuté entre les diverses écoles, ce qui, bien qu’enseigné pai- certains théologiens catholiques, est repoussé par la grande majorité d’entre eux.

Avant tout, mettons à part im certain nombre de laits miraculeux où quelque envoyé de Dieu, juo-e, prophète, dictateur, roi, tel que Moïse, Samuel, Saûl] David, reçoit immédiatement de Dieu un pouvoir politique dont le caractère est évidemment surnaturel dans son origine et son but. Observons toutefois qu’au témoignage de l’histoire sainte ce pouvoir n’est ni nécessairement infaillible, ni toujours inamissible : il a ses limites, ses restrictions, ses lois supérieures tiu’il est tenu de respecter, ses devoirs qu’il est tenu de remplir. Il suffit de se rappeler l’exemple de Saiil.

Mettons aussi à part le pouvoir sacerdotal, conféré miraculeusement ou non par Dieu à quelques personnages revêtus ou non d’un pouvoir politique ; car dans l’Ancien Testament, nous voyons des pontifesrois, tels que Melchisédech et probablement les premiers chefs de tribus, les premiers princes de la terre ; et nous voyons, dans le Nouveau, les Souverains Pontifes investis d’un pouvoir temporel, en vertu de leur charge pontificale et des faits historiques qui ont providentiellement amené la fondation du domaine territorial du Saint-Siège. — Nous ne parlerons donc que de la puissance civile, politique, qui fait les rois et les dynasties royales, les chefs tenqîorels des peuples et des principautés terrestres.

1° Si l’on entend que le pouvoir civil, quelque forme qu’il revête, dérive de Dieu, au moins médiatement et comme source première, le droit divin, non seulement des rois, mais de tous les gouvernenu’nfs légitimes est pour le chrétien une vérité de foi. « Par moi régnent les rois et commandent les princes > ; , dit le Seigneur. (Pro^ : , VIII, 15, 16.) — '< Pas de pouvoir qui ne soit de Dieu », dit S. Paul. Et il ajoute dans le même passage : a Désobéir au prince, c’est désobéir à l’ordre établi de Dieu même. » (Hom., xiii, i, 2.) Et cela, que le prince soit infidèle, hérétique ou orthodoxe, i)ourvu que son pouvoir soit légitime- les Pères de l’Eglise ont appliqué ces principes à l’autorité des empereurs ronuiins i)aiens. Léon XIII a rappelé cette doctrine dans son Encyclique sur rOrio-îne du Pouvoir civil, 29 juin 1881. (OKu^'res, t I, p. 144sq., édition de la Bonne Presse.) — Les textes principaux de l’Ecriture et des Pères sur la matière ont été rassenddés par Bixlakmix dans ses Controverses. (De laicis, I srj. Opéra, t. III, p. 5 sq., Paris, 1871.)

Il y a jdus : l’origine divine du. pouvoir humain, au sens exprimé i)lus haut, n’est j)as seulement allirmée jKir l’Ecriture et la Tradition ; elle se déduit iogiquenieul de vérités que la seule raison naturelle nous fait connaître ; elle s’impose à tout Iionime qui croit en Dieu. Les scolastiques ont insisté sur cette preuve de l’origine divine du pouvoir. Bellarniin, au seizième siècle, a donné à leur argumentation la forme qu’elle a gardée depuis. Le pouvoir civil est

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