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répudiée, par exemple telle théorie gnostique, pélagienne, adoptiaiiiste, reproduisait seule l’orlhodoxie primitive, ou invcrsemeut.

Certaines causes manifestes induisent le critique incrédule, même de l)onne foi, à s’imaginer trop facilement qu’il estai-rivé, en pareil sujet, à révidence : sa foi philosophique, qui i)énctre d’apriorismes antidog : matiques l’examen des dogmes qu’il entreprend ; la tentation trop naturelle de tenir pour suspect et d'évincer absolument toute information de source ecclésiastique, alors que, partout ailleurs, la critique exige qu’on lise les textes dans le contexte des traditions qui les accompagnent ; par-dessus tout, l’extrême complexité de ces questions historiques, dans un grand corps comme l’Eglise, en matière d'évolution doctrinale, et pour une doctrine où entrent en jeu des « mystères ».

Légitime en soi, ce critère de la science pure est donc d’un usage très délicat. Seuls ceux qui n’ont jamais peiné sur des textes, même profanes, en pourront douter.

On comprendra mieux ses ressources et ses insuffisances, en voyant comment l’Eglise y fait appel.

3° Critère ecclésiastique. — L’Eglise, en effet, n’ajamais compris ses prérogatives en ce sens que la jiroiiiesse d’infaillibilité la dispensât de recherches patientes sur le sens des dogmes passés : elle professe compter non sur une inspiration ou sur une révélation nouvelle, mais sur l’assistance du Saint-Esprit. C’est dire que, avant de définir, elle se juge tenue à toutes les règles de la prudence humaine (critère scientifique), et que, ce devoir rempli dans la mesure actuellement possible, elle croit à la sûreté de sa décision, non en raison de son enquête, — cai- en d’autres conjonctures elle eût pu être plus parfaite, — mais en raison de Celui qui a du faire aussi son possible, pour ne pas la laisser errer, puisqu’il l’a promis (critère dogmatique). D’une part, elle étudiera le cas de son mieux ; de l’autre, l’Esprit-Saint ne permettra pas que la décision soit portée avant que, de fait, elle ne soit sur le point de se produire telle quclle doit être : il ne délie, pour ainsi dire, la langue de l’Eglise, qu’au moment où elle va dire ce qu’il faut. SuAREZ, De fide, disp. v, sect. 8, n. ii, t. XII, p. 164 ; Franzelin, op. cit., tlies. 25, p. 301. Si l’on admet le dogme de la Providence, il n’y a pas là de dilHculté bien spéciale.

Pour arriver à ce jugement de prudence, l’Eglise interroge tout ce qui peut constituer un document historique sur le sujet : l’Ecriture, les écrits des Pères et des docteurs, l’archéologie, la liturgie, l’histoire ecclésiastique. Elle a de plus la continuité vivante de sa tradition, c’est-à-dire cette manière de penser en toutes les choses de la foi transmise d'àme à àme depuis les Apôtres, qui constitue en son genre un document historique de première valeur, puis(iue, de tout lenq)S, l’esprit chrétien a débordé textes et rites, qui visaient à le traduire.

Ainsi, du haut moyen âge jusqu’au xii' siècle, les docteurs comptent qui deux, qui trois, qui jusqu'à tUjuze sacrements, cf. Pouhuat, Théologie socramentaire, c. v, j). 238 s(|. La notion absti-aite n'étant pas encore élucidée et communément re(, uie, ciiacun d’eux j)ouvait (h)nner au mot de Sacrement un sens jtius ou moins large, partant dresser une liste plus ou moins longue. Le jour où l’on a voulu jiarler plus clair, on a étudié de ])lus prés les usages de l’Eglise : on a constaté des difTérences appréciables dans les rites, dans la disci])line, daiis l’estime <|uc la j)iété portait aux uns et aux autres, dans les opinions plus ou moins précises que l’on se formait à leur sujet. Bientôt, on a i)U classer, sous des définitions plus rigoureuses, sej) ! sacrements, des sacranicntaux. des

dévotions : la foi spéculative, en interrogeant la liturgie, avait retrouvé ce que la foi pratique y avait mis.

D’autres problèmes appai’aissent comme plus délicats. Comment a-t-on pu se transmettre ce à quoi on ne pensait pas et retrouver des traces de ce qu’on n’avait jamais dit ? C’est le cas de l’Immaculée Conception. S’il en a été question à l'âge apostolique, ce n’est pas sur ce témoignage que s’appuie la déclaration de Pie IX. Si l’on dit, et très justement, que cette doctrine était implicite dans celle de la toutesainteté de Marie, il reste que de grands saints n’ont pas jugé la chose évidente. Où l’Eglise a-t-elle pris le complément d’informations qui leui- manquait ? — Il faut dire, ce semble : dans sa foi vivante, attestée pai" des manifestations exprimant toutes ce fait, que les fidèles prenaient des mots clairs dans leur sens plein : « sainteté, plénitude de grâce », comme ailleiu’s

« Ceci est mon corps » ou « Dieu est né. Dieu s’est fait

homme », que si la doctrine contraire était conciliable avec certains textes, comme le pensaient quelques docteiu"s, elle ne l'était pas avec le sens chrétien que les sinqjles traduisent plus naïvement. La preuve est délicate sans doute, et il est probable qu’on n’eût pas attendu l’an 1854, pour porter cette définition, si dès l’abord elle avait paru pércmptoire. Seulement, les progrès mêmes de l’opinion immaculiste, à mesure que se pi’olongeait l’enquête, constituaient un fait imjiressionnant et un argument de l)lus en plus grave. Si l’on considère qu’une doctrine devenue presque universelle ne pouvait guère être reçue dans l’Eglise sans que le Saint-Esprit fût en quelque sorte engagé d’honneur, sa réception constituait une preuve dogmatique de haute valeur. Au seul point de vue critique, c’en était une aussi, puis([ue gardant toute la morale, toute la liturgie, toute la doctrine du passé, formée par les mêmes lois, le même rituel, le même symbole, la foi chrétienne s’afiîrmait ainsi, non à l’cncontre de ses Pères, mais dans le prolongement naturel de leur pensée. Des juges du dehors n’ont pas sa compétence à trancher (le pareilles questions ; en saine méthode historique, ils ne sauraient dépi'écicr de tels témoignages.

Pour déterminer avec plus de détails de quels principes l’Eglise peut s'éclairer, on pourra consulter le canon de Vincent de Léuins, expliqué par Fraxzeun, o[j. cit., th. 24, p. 289 scj. ; les règles posées par la Commission de l’Immaculée Conception, dans Mgu Malou, L’Jmmac. Concept., t. II, p. 351 sq. reproduites dans BoruRASsÉ, Summa aurea de laudibus li. M. I'., in-4°, Paris, 186a, t. VIII, j). 5^5 sq., ou si l’on Acut, bien que ces observations n’aient rien d’officiel, les caractères signalés pai" Newmax comme ceux du développement légitime, Essay…, ). II, c. v,

! 169 sq.

Au moment de pronoiu’er la définition, l’unanimité des docteurs consultés par l’Eglise n’est nullement nécessaire ; disons mieux, elle est inqxtssiblc, |)uis(iu’il s’agit non de démonstrations malliémaliques, mais de certitudes morales et de vérités en jileine discussion. Il sullit (iu’a[)rès une <liligence raisonnable celui ou ceux qui décident estiment leur tlécision prudente : parler avant, c’est iiour eux une faute ; luais laisser l’Eglise jugera tort, ce serait pour l’Esprit-Saint manqucr à sa mission : rhy[)othèse est inadmissible. Cf. Mcwi Pu : , Instruction synodale sur la 1 " constit. du Conc. du Vatic., § ^2, Œuvres, Go édit., Paris, 1879, t. VII, p. 262 sq.

En consécpience : a) les raisons invoquées dans une définition de foi ne sont pas de foi, et ce n’est pas à cause d’elles que les fidèles doivent se soumettre ; /5) un jugenniit de iwudcnce étant chose relative aux temps et aux hommrs, lac iiti<|ue qui a i)arusunisante