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DOGME

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Par sa providence extérieure, il règle le jeu des passions humaines et des hérésies, laissant monter l’attaque, quand il est opportun, et ménageant à la défense les sceoiu’s dont elle a besoin.

Par son action intime, il inspire et le zèle de la foi et la prudence qui dicte aux pasteurs les actes qui engagent la gai-de du dépôt.

F^nfin — et c’est cela la Vie du dogme, si le dogme c’est l’esprit et non la lettre — en infusant dans les âmes de bonne volonté la grâce et les vertus surnaturelles, il produit en elles une participation inclVable de la nature divine. Elle emporte — car notre nature commande nos ajjpétits et nos affections — une aptitude corrélative à retrouver, à partager, à pénétrer les pensées de Dieu dans l’unité d’un même sentiment et d’une même Aie. « Vous avez reçu l’onction du Saint-Esprit, dit S. Jean, et vous connaissez tout. » / Joa., II, 20, 27. Aux termes de la théologie catholique, en effet, non seulement le Saint-Esprit, par la grâce, met dans l’àme une qualité spécifiquement divine, mais il demeure lié à cette àme sanctifiée, dans un rapport si étroit qu’on ne peut concevoir l’une sans l’autre. Le principe de vie de l’àme surnaturalisée, c’est donc l’Esprit de Dieu. Celui qui sait les pensées de Dieu, et qui les a proférées par le Christ, est donc aussi celui qui les suggère à l’àme, pour les lui faire reconnaître dans la prédication chrétienne, / Cor., II, 10 sq. Le lien vivant qui unit la

« religion d’autorité h et la « religion de l’esprit », 

c’est l’Esprit de Dieu, vivant dans les pasteurs et dans les lidèlcs.

Sans doute, la prudence conseille de ne pas commencer par cette explication l’exposition catholique de la vie du dogme, mais on se doit de protester énergiquement contre les systèmes mécaniques et la théologie formaliste qu’on nous prête. Cf. Manxixg, The temporal mission of the Iloly Gost, 2^ édit., in-12, Londres, 1866 spécialement c. v ; édit franc., Paris, 1867 ; Tlie internai mission… Londres, 1876 ; SciiwALM. O. P., L’inspiration intérieure et le gou-V’rnement des âmes… clans la Re^’ue Thomiste, 1898, t. VI, p. 315 sq.

Par l’action continue du Saint-Esprit, le corps de l’Eglise persévère dans la continuité d’une même foi, connue le corps humain, sous l’influence de l’àme, dans l’unité d’une même vie. Sous ses impulsions iliverses, des vérités affleurent, à certaines époques, ihms la conscience clirétienne, cpii dejjuis longtemps y sommeillaient dans l’état rudimentaire où les avait laissées la prédication apostolique, quia vel satis (Jeclarata non erant, ou que d’autres préoccupations avaient fait oublier partiellement, rp/ temporum decursu ohscurata, ou dont les controverses avaient amené à douter, vel in duhium revocata, Suarez, Defensiu fidei, 1. 1, c. xviii, t. XXIV, p. 91 scj. Soit qu’il j)orte à rejeter des erreurs nouvelles, au nom des dogmes anciens, soit qu’il amène à proclamer des dogmes « nouveaux > », c’est-à-dire non encore formulés ofliciellement, mais inclus dès l’origine soit dans la spéculation, soit dans l’action, c’est la même parole qu’il fait entendre, plus claire nuiis toujours ancienne, /ton noya sed no<,-e.

Quant à lire infailliblenu’nt dans la conscience chrétienne ce qui vient authentifpienicnt de la révélation (lu Christ et de la révélatioTi continue de l’Esprit, ce ne sont pas les membres isolés qui peuvent y ])rélendre. C’est l’oflice jii’opic de la tête, c’est-à-dire de la hiérarcliie unie à Pierre.

XVI. Phases du développement. — i" Sur la suite générale du déveldjijienient (l()gmatique dans l’histoire, M. Vacant a donné quehpu-s indications. Etudes théologiques, t. II, art. i/jO. p. 307-8 13. On

consultera pour plus de détail les histoires des dogmes.

2" /.e développement particulier d’un dogme paraît passer jjar trois stades. Cf. Fraxzelin, De traditione, p. 285 sq., 299 sq., HuuTEK, Compendiuni, 9 « " éd., th. 31, n. 1441 t. I, p. 167 ; Vacant, op. cit., art. i^i, p. 313 sq. Ce sont : la possession paisible, la discussion, la définition.

« ) Possession. — Pendant la première période, la

vérité dogmatique est professée soit en elle-même (explicite), — et c’est le cas des dogmes les plus importants — soit dans une autre vérité plus générale et indiscutée (implicite logique), soit dans quelcjue usage liturgique ou ascétique (implicite pratique) : ceux qui l’ont introduite en voyaient la raison précise, mais l’ensemble de la communauté ne songe pas, pour le moment, à la dégager. La foi possède sans conteste.

/S) Discussion. — Cet état d’implicitation a ses inconvénients.

Chaque fois que l’on agit sans s’être exprimé en idées tout ce que cette conduite implique de motifs latents (implicite pratique), la première demande de justification rationnelle provoque un embarras plus ou moins long. Ainsi des questions posées à un enfant, avant qu’il ait pu se faire une réponse personnelle à des diflicultés même rudimentaires : « Pourquoi ces actes d’obéissance aux parents, à l’Etat’.' pourquoi telles pratiques depiété ? »

Chaque fois que des enseignements ne sont i)as poussés jusqu’aux dernières précisions (implicite logique), celui qui les reçoit peut se tromper dans le détail, soit inconsciemment, faute de Aoir l’aboutissement normal des principes posés, soit volontairement, en exploitant au profit de théories personnelles la liberté apparente qui lui reste. Ainsi, quand les instructions d’un supérieur ne sont pas spécifiées jusqu’aux minuties, un inférieur intelligent appliquera naturellement ces prescriptions aux cas particuliers ; un autre, malintentionné ou malhabile, abusera de l’indécision des ordres reçus, pour agir à rebours de leur esprit général.

On voit comment les deux modes d’implicitation se rejoignent dans la question présente. Quand l’impulsion première a été vive (implicite pratique), la jiratique religieuse va, comme d’instinct, aux conclusions légitimes non formulées (implicite logiciue). Par contre, cet excès de l’action par rapport à la connaissance explicite n’a d’autre justification à invoquer que soi-même : c’est suflisant, si les rites traditionnels sont aussi respectables cpie les mots traditionnels ; c’est insutnsant, aux yeux de ceux qui réclament des textes formels. Deux catégories de penseurs peuvent donner dans cet excès : les malveillants, (pii entendent profiter de l’inqu’écision des textes pour imjjlanter des doctrines suspectes ; les intellectuels, qui, pesant les textes plus que les faits, tendent à ramener la pratique à la mesure de la doctrine explicite, ou bien, de bonne foi, proposent des exiilications insoutenables.

Tout cela s’est produit au cours des âges. L’histoire des dogmes trinitaircs en fournit de multiples exeml )les. Voir surtout J. Lebueton, Histoire des origines du dogme de la Trinité, in-8°, Paris, 1910.

Pour en bien juger, il convient d’établir objectivement la portée des doctrines de chaque auteur, évitant soit de minimiser leurs vues, pour adapter leur cas à la théorie de l’évolution, soit de majorer leur pensée, pour en faire des orthodoxes. Qu’on veuille bien y songer : la Providence doit à son Eglis<’d’enq)éeher <pu^ l’erreur prédomine, non de prévenir les erreurs de quelques individus, liien au contraire ces erreurs, pour les raisons que nous avons dites.