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DOGME

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Voici des invraiseml)lances de fait, auxquelles vient se heurter Tcxplicalion par la poussée populaire : k) La tendance mytliologique, très caractéristique des foules païennes, a son iniluence sur l’Eglise en dehors des écrits canoniques, dans la littérature apocryphe, dont le ton est si dill’érent et dont le succès n’arrive nulle part à supplanter les textes apostoliques. Cf. art. Apocryphes. /3) Les résultats sont à rencontre de ceux qu’on pouvait attendre. La divinité du Saint-Esprit est proclamée, quand les grâces charismatiques ont cessé d’attirer lattention des foules. La théologie du Saint-Esprit, qui prétait plus aux imaginations fantaisistes, est restée et reste embryonnaire. Le culte de Marie, que le mouvement païen aurait dû promouvoir, comme parèdre du dieu nouveau ou héritière de déesses trop connues, reste en retard sur celui des Saints secondaires, des martyrs morts pour l’orthodoxie. Aujourd’hui même son assomption — et la <> poussée » païenne n’eût pas dû manquer cette apothéose — n’est pas encore arrivée à la définition. Cf. M, riolatrie. /) Aux termes des décrets conciliaires, on ne prétend ajouter aux symboles antérieurs que pour préserver la doctrine du passé.

Il y a là un jeu trop continu pour être faux, d’autant que, le j)lus souvent, il a coûté cher à ceux qui l’ont conduit.

Les raisons suivantes pourraient bien indicfuer une impossibilité absolue : a) Toute l’évolution dogmatique s’est faite dans un sens logique et cohérent. Au terme de ces « poussées « capricieuses des philosophies et des instincts populaires, rapologétique catholique l’établit sans trop de peine, pour tout esprit qui ne rejette pas a priori la possibilité de la révélation et des mystères et consent à ne pas prendre pour l’expression authenticjue des dogmes les incohérences que lui prête trop souvent une science mal informée. S) L’évolution se i’ait à rebours de ce qui se passe partout ailleurs : la prétendue divinisation du Christ a été celle du réformateur moral beaucoup plus que du thaumaturge ; l’exaltation progressive de sa Mère aljoutit à allirmer de jikis en plus sa pureté immaculée. Ce n’est pas en ce sens que donnent les mouvements populaires, quand ils procèdent des mobiles humains, y) Enfin, à l’encontre de l’émiettement doctiinal de toutes les sectes, l’orthodoxie chrétienne, au cours des siècles, aflirme un dogmatisme plus strict, à mesure que les questions en litige se précisent.

Cette réponse, qu’il reste à approprier aux dogmes jiarticuliers, est à conq)léter par une explication positive que nous allons indiquer. Les vrais facteurs de l’évolution dogmaticpie sont en réalité les suivants : i" Le hrsoin naturel de l intelligence. — Il est légitime j)our le fidèle, et glorieux à Dieu, de vouloir pénétrer du moins mal possible les dogmes et leur harmonie. A ce titre, les formules riulinuMitaires de la première heure ne pouvaient sudire à une société dont la doctrine devenait pTd)lique, ni aux époques plus calmes, qui pouvaient s’adonner à l’élude, ni aux intellectuels, que Dieu appelait à la foi.

Ce besoin est d’autant plus vif, qu’on est plus sûr <le tenir la vérité. (Jui n’a dans la tête que des idées obscures n’éprouve pas la tentation de les agencer en syntlièses ; tout change, quand on a une base ferme de spéculation. Telle est la preuiière raison des hardiesses des Justin, des Tatien, des Ilippolyte, des Clément et des Origène.

Ces méuics docteurs ont senti plus vivement l’iniliossibilité de cette vie en partie double, à laquelle se résignaient les jdiilosophes païens : une i)liilosophie sans religion et une religion sans ithilosophic ; si)é<-ul(’rà l’écai-t et se jdiei- à la liturgie des foules. Lac tan ce, /)/ » // ;. instit., l.iy, c.iu, P. / :., t.IV, col. 453, 454. Ils ont voulu unifier leur vie, mettre leur philosophie d’accord avec leur foi et leur conduite d’accord a-sec leur pensée.

2" Les hérésies. — Toutefois, l’un des stimulants l^s plus énergiques, c’a été la contradiction des hérésies. On devine pourquoi. La foi possède ; aisément elle se repose, et le respect du dogme fait qu’on redoute de dépasser la curiosité permise. Il faut compter de plus avec la paresse naturelle, contre laquelle tonnait S. J. Chrysostome. Ln Joa., hom. xvii, n. 4, P. G., t. LIX, col. 112 sq. et que signalait S. Augustin : nec asserebunt soiutioneni quæstionuni dif/icilium, cum cahimniutor nullus instaret, Ln Ps. liv, n. 22, P. L., t. XXXVI, col. 648. L’attaque secoue cette apathie, ut yelsic excutianius pigritiain nostruni et Dii-itias Scripturas nosse cupiamus. De Gènes, contra JLanicli., l. I, e. i, n. 2, t. XXXIV, col. 1^3, i’j4. Les textes abondent.

La même idée a été souvent exprimée, à propos du mot de S. Paul : Oportet hæreses esse, L Cor., xi, 19. Cf. HuRTER,.S’.s’. L^utrum opuscula selecta, in-18, Paris, 1880, t. IX, 1). 220 sq. ; les scolastiques ont dit de même. Cf. S. Thomas, in. h. L

C’est qu’en présence d’advei-saires tenaces on parle plus clair — élucidation ; on abandonne les défenses routinières et les scories adventices — épuration ; on fortifie la jireuve — consolidation ; on saisit chez l’adversaire des aperçus de vérité qu’il exagère, mais que parfois l’on négligeait trop — intégration.

L’antithèse hérétique étant plus vïa e. l’étude est j)lus ardente, la protestation jilus solennelle ; portant sur des questions plus vitales, elle oblige à mettre en lumière les principes dogmatiques les plus féconds. Chose cui’ieuse, en même temps qu’elle provoque le développement de la doctrine, elle assure sa continuité avec le passé. En effet, soit qu’elle revendique à son bénéfice l’Ecritm-e et la Tradition, comme le mouvement protestant, soit qu’elle veuille rabaisser les premiers documents chrétiens au niveau des autres textes religieux, comme le naturalisme moderne, elle oblige la défense à porter là tout son effort, et, par le fait, à se retremper sans cesse aux sources vivifiantes de la foi. Avantages précieux, qui justifient bien les dispositions de la Pi’oa idence.

Or, remarciuaitTERTULLiEN, s’il faut des hérésies, il faut des dillicultés qui les occasionnent ; De pracscript. , c. XXXIX, P. L., t. II, col. 53. Telle est donc la nature de la révélation : la lumière y est mêlée d’omlu’es ; assez de lumière i)Our que qui eut voir puisse voir ; assez d’obscurité pf)ur que i|ui s’obstine à regarder l’ombre i>uisse allirmer qu’il ne voit pas clair.

Au demeurant, chaque assaut de l’hérésie a eu pour résultat d’appeler plus de clarté sur les points discutés. L’Eglise n’aurait donc jamais qu’à se réjouir, si ces succès n’étaient attristés par la luine des opiniâtres (pii abandonnent en se séparant d’elle u la colonne et la base de la vérité ». / Tint., iii, 15.

M. Prunier a heureusement groupé sur ce sujet un certain Jiombre de faits, L’olution et ininiutabilité dans la doctrine religieuse de l Eglise, p. 24-4’Malgré tout, l’hérésie est un facteur trop extérieur et la raison diahcticine isl trop cantonnée dans la fine | » oiiite de l’âme ; les facteurs de beaucoup les plus inqioitanls sont ailleuis.

3" J.a murale et la liturgie chrétiennes. — la morale revient une iniluence considérable. On ne p( ut (pie l’indiquer brièvement.

La raison profonde en est dans le lien intime qui unit les dogmes et les préceptes, les mandata et le.s dogniata. On le conçoit. La même réalité objective fonde un double rapport, l’un à la spéculation, l’autre à l’action : vérité et moralité ; elle inq>ose une façon