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DOGME

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Nous avons déjà indiqué les avantages du langage vulgaire dans lequel a été livré la Révélation : il manifeste en pleine lumière quelques faits capitaux. par exemple : « Dieu est Père » ; mais il laisse beaucoup d’obsciu-ité sur le comment. Cette imprécision est levée en partie par les autres articles de foi, — par exemple : « Dieu est intîni, immuable, éternel… » Le lidèle complète et rectifie ces données les unes par les autres. Ce langage est donc sans danger pour qui sait sa foi, et nul autre ne sera aussi riche de lumière, aussi suggestif de sentiment. En parlant cette langue des mots élémentaires, essentiels aux relations humaines, dont le sens ne changera pas, quelle que soit l’évolution de l’humanité, la Providence a soustrait le dogme au changement.

Si l’on observe de plus que la dogmatique a pour objet principal de préciser le sens des paroles divines dans l’ensemble de la révélation, de dégager la vérité révélée des scories que l’ignorance lui agrège ou des appendices que l’esprit de système lui ajoute, on comprendra comment elle ne peut partager les illusions de théoriciens moins avertis.

Si elle résume ses conclusions en termes abstraits (non pas en ternies systématiques), on pourra trouver glacial, ridicule même, ce langage qui n’ayant plus rien de commun avec les détails de notre Aie, ne fait plus rien vibrer en nous, mais il ne faut pas oublier qu’elle a i-endu l’inappréciable service de formuler ainsi dans un langage intemporel ce qui, dans la foi, doit échapper aux fluctuations du temps.

Ce que nous avons dit de la mobilité et de l’élasticité des formules dogmatiques, col. i i/igsq., ce que nous expliquerons bientôt de l’explicitation doctrinale col. I 161 sq., ijermettra au lecteur d’apporter à ces observations les compléments nécessaires. L’important est de noter, que ce que Dieu a dit, au sens précis où il l’a dit, reste une vérité acquise à jamais.

2° iNf addition de dogmes par une révélation noux’clle. — Au lieu de modifications telles qu’elles seraient moins une évolution cju’une révolution dans la foi, on pourrait concevoir un changement par additions successives à un fonds identique. Cette hypotlièse même, l’Eglise la repousse.

Si elle se reconnaît le droit de préciser, d’expliciter les dogmes reçus, elle a toujours nié qu’elle eût mission d’en introduire d’autres. Après le Christ, elle professe ne plus attendre de révélation publique, et, même quand elle approuve des révélations particulières, elle n’entend jias les incorporer au dogme. Elle déclare seulement qu’elles ne sont contraires ni à la foi ancienne ni aux mœurs, et qu’on peut prudemment les regarder dans l’ensemble comme venant de Dieu. Cf. Benoit XIV, De Sen-orum Dei beatif. et Beatorum canonizatione, in-4°, Prati, 1889, 1840, 1. II, c. xxxii, n. II sq. p. 299 ; 1. III, c. lui, n. 15, p. 609. Voir col. 1181, et l’art. Révélations privées.

Plusieurs grâces de ce genre ont pu être Voccasion d’un progrès dogmatique ou liturgique, en attirant l’attention des fidèles et en stimulant la piété. Elles viennent hâter l’explicitation ; elles n’ajoutent rien au dépôt primitif.

Cette révélation nouvelle, l’Ecriture ne la préfigure, ni ne la promet ; au contraire, elle décrit l’économie actuelle comme l’accomplissement des promesses, la plénitude des temps, en un mot comme la dernière étape avant la pleine Aisioii des cieux. Fuaxzelix, op. cit., thés. 22. p. 263. Mais la raison la plus convaincante ici. c’est l’enseignement constant de l’Eglise, d’autant plus impressionnant qu’il s’oppose en cela à l’évolution parallèle des autres religions, et qu’il est plus contraire à ce qu’il devrait être, s’il s’inspirait de prétentions humaines. Franzelix, ibid.

Voici des raisons moins pressantes, mais qui auront l’avantage d’ajouter à la preuve d’autorité quelcpies motifs plausibles des dispositions divines.

Dieu a évidemment encore infiniment à nous apprendre, mais le Christianisme n’est une école de science que pour être une école de Acrtu. En consé(luence, il ne nous donne de connaissances que ce qu’il en faut pour comprendre le dessein rédempteur de Dieu dans le Christ et pour y coopérer avec intelligence sufllsante et beaucoup d’amour. En se plaçant à ce point de vue de la valeur religieuse des dogmes chrétiens, assurément capital dans l’économie du salut, on peut se demander si elle serait augmentée par un apport intellectuel nouveau. En résumé, voici ce que la révélation évangélique nous procure : la connaissance du Fils comme Fils, c’est-à-dire, avec l’intelligence obscure de sa place dans la Trinité, l’entre-aperçue des richesses insondables qu’eUc laisse deviner ; la connaissance de la Rédemption, avec l’Incarnation, c’est-à-dire le plus haut degré possible de l’union réalisable entre l’homme et Dieu, la Passion, c’est-à-dire la preuve la plus palpable et la plus pro-A’ocante de l’amour de Dieu pour l’homme ; la connaissance de l’Adoption divine, c’est-à-dire, comme l)ut de la vie, la participation de l’homme à la filiation du Verbe et à son héritage de gloire ; la connaissance des moyens du salut, c’est-à-dire la grâce, dont l’efi’usion n’a plus d’autre mesure que celle de la libre réponse faite par la volonté humaine aux sollicitations divines ; enfin un minimum de signes et de critères sensibles, l’Eglise hiérarchique et les Sacrements, dont nous montrerons bientôt le rôle providentiel, col. 1179. Aa’cc ces éléments, la révélation n’esl-elle pas, selon toute vraisemblance, au plus haut degré de sa valeur religieuse, nous manifestant, dans le langage qui nous conA’ient, ce qu’il y a de plus efiicace pour nous porter à l’action. Ajoutez à cela quelques propositions intellectuelles de plus, v. g. des lumières plus précises sur le mode de procession de l’Esprit-Saint, des renseignements sur les chœurs angéliques, etc. Est-il bien sûr que tout cela nous apporterait un stimulant d’amour ou pleinement nouveau, ou plus riche, ou du moins opportun ?

3* Ai stagnation. — On objectera que la révélation ainsi comprise est d’une immobilité désespérante : un volume de sons a été émis, que les générations chrétiennes ont uniquement à répéter, un faisceau de lumière a brillé, dont il reste à se repaître, un maximum atteint avec « la plénitude des temps apostoliques », qu’on ne peut plus dépasser.

On peut, il est vrai, proposer la critique sous cette forme, pour corser l’objection ; il est difficile de la maintenir, si l’on pénètre d’une vue moins hâtive la nature du dogme et son rôle dans la vie humainci

a. Il est faux tout d’abord que le progrès exclue ; nécessairement tout élément stable, a) Il est essentiel’au contraire à la connaissance de requérir des données fixes. Les sciences historiques, biologiques, sociologiques prennent toutes comme point de départ des faits dûment constatés ; leurs constructions sont durables dans la mesure où elles les respectent. Les dogmes apportent de même un ensemble de faits : fait divin de la Irinité des personnes dans l’Infini, l’ail liumano-divin de l’Incarnation, etc. Ainsi encore le sens commun impose-t-il à la philo Sophie des évidences pratiques, plus sûres que toutes les spéculations. Une théorie qui les nie ou s’en désintéresse se met en dehors des faits. Ainsi du dogme. En s’obligeant à respecter ces données initiales, l’esprit humain ne s’interdit que la fantaisie, non le progrès., 3) Il est d’ailleurs de la nature du progrès de conserver toujours quelque chose du passé. Le vivant ne se développe qu’en perfectionnant ce qu’il

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