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DOGME

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raie et absolue. Le plus ordinairement, il les eût exprimées, si on l’eût interroge ; mais, devant une négation lilus brutale, il a aouIu avant tout proclamer la vérité contraire.

On a un exemple illustre de ce fait dans l’Ecriture elle-même. L’universalité du péché originel y est exprimée de telle sorte qu’à première vue au moins la Très Sainte Vierge y paraît incluse, Boni., v, 12 sq. Nombre de Pères ont parlé de même. « Il importe peu, écrit à ce sujet le B" Camsics, de justiUer des auteurs anciens qui, à l’heure où la question était peu étudiée et n’avait pas encore été l’objetd’une controverse, ont pu exposer librement leur sentiment, mais n’ont pas voulu ou n’ont pas dû en ceci inqioser aux autres une règle de foi détinitiAe et obligatoire, niiUam… aiit-oluerunt, aut debuerunt. y, De corniptelis yerhi dù-Ini, in-fol., Lyon, 1584, t. II, 1. I, C. VII, p. 35a.

Les déflnitions solennelles ne prêtent guère à pareille remarque, parce qu’elles sont formulées après mùr examen et pour répondre à des attaques jJrécises, qui obligent à mesurer l’expression. L’Eglise alors tranche le débat, en articulant les distinctions opportunes, ou réserve les questions délicates. Telle fut la conduite des Pères à Trente, lorsqu’ils déclarèrent qu’en aflirmant l’universalité du péché originel ils n’entendaient en rien inclure dans leur décret la Bienheureuse Vierge. Pallavicixi, Histoire du Concile de Trente, in-4°, Montrouge, 1844, 1. VII, cm ; c. vit, p.133, 169 sq. : DExziNGER. n. 792 (674). Gela équivalait à dire que la formule globale de la première heiu-e était, en un sens, insutlisante (puisqu’on faisait des restrictions qu’elle pai-aissait exclure), bien qu’elle fiit juste (puisqu’on la proclamait à nouveau). La Tradition, à ce stade de son histoire, ne savait pas moins que par le passé ; elle n’était pas davantage en voie de changement ; mais, avant de dire de manière plus exacte ce qu’elle portait en soi, elle s’exprimait déjà avec plus de nuances.

Ces observations s’appliquent moins aux formules strictement dogmatiques, qu’à certains adages théologiques, reçus d’abord sans conteste, à cause des vérités indiscutables qu’ils énoncent, mais dont la portée exacte est à mesurer déplus près, dès qu’on en vient aux détails.

On a cité la réduction qu’avait subie l’opinion exégétique sur l’universalité du déluge, Bruckek, Questions actuelles d’Ecriture Sainte, in-8°, Paris, 1895, p. 303-31 1.

On a signalé une réduction analogue de la formule

« Hors de l’Eglise point de salut », ou encore l’élargissement

apparent des principes anciens sur l’illicéité du prêt à intérêt. En fait : « C’est que l’argent, considéré à bon droit alors comme généralement improductif. .., a acquis de nos jours unemploi nouveau qui le rend susceptible d’un intérêt modéré. Et c’est ainsi que, le noyau doctrinal restant le même, les idées courantes qui le couvrent et l’interprètent pratiquement peuvent subir avec le temps de larges variations. » L. DE Graxdmaisox, dans les Etudes, 18q8, t. LXXVI, p. 495. ^

Cela prouverait, s’il était besoin de le noter, qu’il ne sutlit pas d’accumuler les textes pour trancher un débat ; il reste encore à les peser avec prudence. Ce que l’Eglise a une fois déOni, ce que le consensus des Pères a tenu réellement pour un dogme, tout cela, mais cela seul, est immuable.


IIIe Partie. — Développement du dogme

Nous a]>ordons un problème plus délicat. La nature du dogme, parole divine, mais exprimée en mots humains, à des intelligences humaines, le fait prévoir ; les exemples de variation enregistrés par l’histoire des dogmes le rendent plus pressant : dans quelle mesure s’unissent, en lui, l’immuable et le muable, et comment s’expliquent ses vicissitudes ?

Au lendemain des controverses ariennes, S. Grégoire de Nazianze proposait ainsi sa manière de voir :

« Ce n"est point, écrit-il, par un mouvement brusque, ni

à la première mise en branle, que [les deux Testaments] ont été changés. Pourquoi ?… Il y a lieu de le comprendre : afin que nous ne fussions pas violentés, mais persuadés. .. Ce qu’on obtient de plein gré est plus stable .insi d’un pédagogue…

« L’A. -T. a préclié le Père en toute clarté, le Fils avec I

plus d’obscurité. Le Nouveau a mis en lumière le Fils et il a insinué la divinité de l’Esprit. A présent, l’Esprit converse au milieu de nous, ayant donné à sa manifestation plus d’évidence, Il n’était pas en effet sans danger, quand la divinité du Père n’était pas encore admise, de révéler sans voiles le Fils, et, celle du Fils n’étant pas encore reçue, d’aller, pour employer une e.xpression un peu aardie, ajouter à notre ba^-age le Saint-Esprit. Il convenait plutôt que jjar des additions, et, comme dit David, des ascensions, des degrés et des progrès de clarté en clarté, la lumière de la Trinité nous fût manifestée de plus en plus brillante… Il était certaines choses, au dire du Sauveur, Joa., xvi, 12, que ses a]>ùties. bien que très instruits, ne pouvaient porter pour l’instant ; pour ce motif il les leur voilait. Par ailleurs, il annonçait qu’après son départ l’Esprit nous enseignerait toutes choses. Un de ces enseignements était, à mon sens, la divinité du Saint-Esprit. » Orat. t/icol., V, c. xxv sq., P. G., t. XXXVI, col. 160 sq.

Nous nous inspirerons de ces vues, en y ajoutant toutes les précisions qu’ont apportées les travaux des Pères et des théologiens. Dans ce but, il pai’ait indispensable d’éclairer tout d’abord quelques notions importantes.

X. Notions de l’explicite et de l’implicite. —

Est implicite ce qui est contenu dans une autre chose, explicite ce qui en est dégagé.

Ces deux états peuvent se concevoir, soit par rapport aux idées abstraites — implicite et explicite logique ou des idées à l’égard des idées — soit par rapport aux actes concrets, en tant qu’impliquant des idées comme principes d’action — implicite ou explicite pratique ou des idées à l’égard des actes.

Dans le premier cas, on considère les relations objectives des vérités, dans le second, la connaissance subjective que manifeste la manière d’agir.

L’implicitation d’une idée dans une autre est formelle, si cette idée est actuellement contenue dans la première, soit comme partie essentielle : ainsi l’idée d’animalité dans celle d’humanité ; soit comme partie intégrante : ainsi l’idée des cinq sens dans celle de corps humain ; soit comme ])artie subjective : ainsi d’une proposition particulière englobée dans une proposition universelle. Elle sera i>irliceUe, si l’idée n’est contenue dans une autre qu’à titre de conséquence, ou, comme on dit, contenue en puissance : ainsi l’idée de tel châtiment ou de tel pardon se trouve dans celle de justice, mais h condition que telle faute ou tel repentir vienne à se produire. En d’autres termes, l’implicitation formelle signifie contenance actuelle, et s’appuie sur un rapport d’identité ; l’implicitation virtuelle exprime une contenance de principe, et marque seulement connexion.

De manière analogue, l’implicitation pratique pourra être formelle, si, de la manière d’agir d’un sujet, on peut comprendre qu’il connaît actuellement telle vérité, au moins de manière confuse ; elle sera viituelle, si l’on peut dire seulement qu’avec les connaissances que sa conduite dénote, il a de quoi arriver à la discerner.

Cette terminologie présente quelques difficultés.

Plus habituellement, impticiiation pratique se dit des actes par rapport aux actes, par exemple d’un acte de