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DOGME

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en lui qu’au degré transcendant — v. g-. Dievicst personnel, il est grand.

A. Relativité des formules. — Si nous envisageons leur aptitude à traduire le réel, non plus la manière très accessoire dont elles lexprinient, nous trouverons qu’aucune formule ne peut avoir jamais qu’une Aaleur relative et approchée.

Les formules littérales, dans le dogme comme dans Tusage vulgaire, n’expriment que l’aspect phénoménal des choses, et un seul aspect à la fois. Dire :

« Pierre se lève », c’est exprimer clairement le fait

sensible, et confusément — car les deux choses sont liées dans la réalité et dans notre pensée — le jeu de la volonté et des muscles qui l’a produit. Dire : « Jésus est ressuscité », c’est indiquer expressément, jjar ce détail partiel qu’il s’est relevé du tombeau, sa réapparition comme vivant, et confusément le jeu des forces mystérieuses qui ont opéré ce prodige.

Les formules métaphoriques ont une relativité évidente. S. Augustin, Epist. cxx, n. ib, P. /.., t. XXXIII, col. 459 ; S. Athanase, Orat. contra Arianos I, n. 61, P. G., t. XXVI, col. 140. On a dit pour les déprécier : c’est de « l’imagerie pieuse ». Elle n’est répréhensible que si quelque naïf prend le symbole pour la réalité.

Les formules analogiques se rapprochent des précédentes, en ce qu’elles ne nous fournissent pas un concept propre de la réalité elle-même ; elles s’en distinguent, en ce qu’elles nous en disent vraiment quelque chose. Les premières s’appuient, si naturelle et obvie que soit l’image, sur une convention : pour signifier la gloire du Sauveur, on eût pu dire qu’il portait la couronne, tout comme on dit qu’il est assis à la droite du Père. Les secondes s’appuient sur une proportion incommensurable, il est Arai, mais réelle, entre les perfections humaines et les perfections de Dieu : celles-ci sont vraiment tout ce que sont les nôtres, mais en infiniment mieux, Cf. Agnosticisme.

On le voit : la relativité des formules n’exclut nullement leur vérité. Elles ont une valeur relative, en tant que relatif s’oppose à absolu et à intégral ; elles ont une valeur absolue, en tant qu’absolu s’oppose à hypothétique et à temporaire.

Des images et des expressions même imparfaites peuvent donc nous apporter des lumières très utiles : on dit vraiment quelque chose, même quand on ne dit le tout de rien. C’est pour ce motif, parce que presque tout changement de formule emporte une modification d’idée, que l’Eglise se montre gardienne si jalouse des expressions dogmatiques consacrées par le Christ et par la Tradition. / Tim., vi, 20.

Cei)endant, par le fait que toutes ont nécessairement leur inqierfection, les formules dogmatiques ont encore une autre relativité par rapport aux temps et aux lieux. Ici encore la vérité est un milieu entre deux extrêmes.

Entendre cette relativité comme radicale et intégrale, si bien que la formule n’ait d’autre valeur que son opportunité pour l'éporpie qui l’emploie, c’est une thèse manifestement hérétique. Voir XIII, Immutal)ilité du dogme, col. 1 158. Le sens que l’Eglise a défini reste acquis et invariable jusqu'à la fin des temps.

B. Mobilité des formules. — Cette erreur exclue, on pourrait peul-ctre, pour plus de clarté, distinguer la mobilité îles formules — ce serait leur propriété de se remplacer suivant les lenqis — et leur élasticité — ce serait leur aptitude à couvrir, suivant les épocpies, des sens ou plus ou moins étendus.

La mobilité des exi)ressioiis dogmatiques a son fondement : a) dans ce fait que les mots sont des signes arbitraires des choses : leur adoption par conséquent

reste discutable, tant que l’usage ne leiu- a pas rivé un sens défini et exclusif. Pour ce motif, la même locution peut être reçue un moment, rejetée ensuite, et vice versa, selon qu’on la juge, en des acceptions diverses, plus ou moins apte à rendre le sens que l’on veut traduire. C’est ainsi que le mot ô//î15J7tc ; fut condamné au synode d’Antioche, chez Paul de Samosate, cf. S. HiLAiRE. De Synodis, n. 81, P. L., t, X, col. 534, parce qu’il s’en servait pour appuyer ses erreurs, et reçu à Xicée, parce que les Ariens le rejetaient au sens orthodoxe. La même foi avait donc inspiré deux décisions en appai-ence opjiosées, probando et improbando ununi utrumque statuerunt, ibid., n. 86, col. 539 ; les circonstances seules étaient différentes, S. Athanase, De synodis, n. 45, P. G., t. XXVI, col. 773. Cf. Petau, Theol. dogm., in-fol., Venise, 1721, De Trinitate, 1. IV, c. v, p. 203 sq. ; Bethune Baker, T/te meaning of liomousios in the Constantinapolitan Creed, dans Texts a. Studies, Cambridge, 1901, t. VII, fasc. I, p. 26 sq. De même les mots oJ^ta, ûrîVra7(5, Tpdzotrw, ont failli diviser le monde, S. Grégoire de Naz., Orat. xxi, n. 35, P. G., t. XXXV, col. II25, beaucoup de docteurs, d’accord sur le fond, s’achai-nant à condamner l’un ou l’autre terme, qu’ils jugeaient employé dans un sens hétérodoxe. S. Jérôme pressait en conséquence S. Damase de fixer leur sens respectif, Epist. xv, P. L., t. XXII, col. 356 sq. Voir, sur cette controverse, de Régxon, Etudes positives sur le dogme de la Trinité, t. I, p. 129 sq.

/3) Une autre raison de cette mobilité est la possibilité de concevoir une même chose de diverses manières. Puisque tous nos concepts sont fragmentaires, il est loisible d’exprimer la réalité par un procédé ou par un autre, pourvu qu’on arrive à chiffrer exactement le tout. C’est le cas des discussions sur la procession du Saint-Esprit. Les Grecs préféraient concevoir cet acte divin comme aboutissant du Père au Saint-Esprit par le Fils, les Latins comme arrivant au Saint-Esprit par le Père et le Fils. Chaque manière de Aoir est juste, si dans chacune le Père et le Fils réunis ne constituent qu’un seul principe adéquat du Saint-Esprit. Chacune a ses avantages et ses inconvénients. L’Eglise, à Florence, a reçu l’une et l’autre ; L.bbe, Sacrosancta Concilia, infol., Venise, 1732, t. XVIII, p. 496, 505, 521 <.

y) Une dernière cause est l’infinité de l’Etre divin. Il en résulte que les deux formules contraires s’appliquent à lui légitimement. Dieu est connaissable (de quelque manière) et inconnaissable (de nuinière propre et adéquate), Dieu est partout (d’une présence qui déborde les lieux) et nulle part (d’une présence qui l’astreigne aux dimensions des lieux), sont des formules exactes. Ici encore, une expression ne chasse pas l’autre ; toutes deux sont à bien comprendre et à compléter l’une par l’autre.

C. Elasticité des formules. — L'élasticité des formules, qu’il nous reste à signaler, a son explication dans nos habitudes de pensée et de langage : nous afiirmons d’abord en gros ; nous n’en venons, que si l’on insiste, aux précisions nécessaires. Cette pratique a l’avantage de donner plus de relief aux vérités que l’on veut accentuer, et l’inconvénient d’induire en erreur, si l’on prend cette première assertion au pied de la lettre. Les précisions nécessaires, les nuances exactes sont-elles ignorées de celui qui parle ainsi ? On ne peut le conclure d’une manière géné 1. X la suite du P. Diî Rkgnon, le R. P. Uhb.vx. S. J., a signalé limporlance d.> telles remarques pour la eoncilialion des divergences d..gmali<|ues, De u.s qiiæ tlieologi cathoJici præstare possint <ic deheanl erga EccUsiam Russicam, in-8°, Prague, 1907, p. 6 sq.