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DOGME

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VII. Valeur de vie. — i" Le dogme est une vérité révélée en vue de l action. — Ayant dit ce que les dogmes sont en eux-mêmes, à savoir nolilîcation de vérité, il est inutile d’expliquer longuement qu’ils ne sont pas révélés pour eux-mêmes, à titre de renseignement, pour satisfaire notre curiosité et notre amour de la spéculation.

Les vérités d’ordre naturel doivent guider notre vie morale, les faits évangéliques nous proposer le type concret de la vie chrétienne et nous entraîner par un exemple divin, les mystères nous indiquer le fondement de l’ordre surnaturel, nous initier obscurément à la vie de Dieu, et nous faire désirer les réalités entrevues. C’est une lumière fumeuse, destinée à guider la niai’che en attendant le jour, //Pe/r.,

On en verra une preuve dans le nombre relativement restreint et dans le choix des vérités révélées, dans le caractère tout concret de leur formule évangélique, dans les exhortations de J.-C, des Apôtres et des Pères, à agir de suite, sans jjcrdre de temps à sonder les profondeurs de Dieu.

« Il est de la perfection même de ces dogmes, dit

très bien A. Nicolas, que la plus grande somme de leur évidence soit tournée vers la pratique, qui est leur unique but (ces derniers mots pris en rigueur dépasseraient la pensée de l’écrivain), que vers la spéculation. — Considérer les dogmes trop abstractivement serait un grand vice de méthode, car ce serait commencer par supposer, dans le Christianisme, un vice qui fort heureusement ne s’y trouve pas ; et en ce sens l’obscurité cju’il oppose à nos téméraires investigations, pour les ramener à une évidence jjratique, ne prouve pas moins sa divinité que cette évidence même. » Etudes sur le Christianisme, 16 édit., in-12, 1863, t. II, 1. 11, p. 367-378,

2° Le dogme est compris surtout dans et par l action. — C’est à prévoir, s’il est révélé surtout pour l’action.

N’allons pas dire, avec le pragmatisme de M. Bergson, que les « intuitions » de l’agir nous donnent seules la vérité sur Dieu. — Dieu n’est objet d’expérience directe que dans le panthéisme — ni avec le pseudo-mysticisme, protestant ou moderniste, que les émotions religieuses nous renseignent sur Dieu mieux que toutes les dogmatiques. Les résultats se cliargent de juger la théorie ; cf. Expkhience religieuse. Il sulïit de rappeler les trois degrés de connaissance, signalés plus haut, cf. VI, col. 1132, et de voir comment ils se complètent.

Après la connaissance catéchélique, infime, presque verbale, et la connaissance dialectique, abstraite et sèche, il y a place pour une connaissance plus personnelle et, à quelques égards, expérimentale. On sait mieux, d’une connaissance plus pleinement humaine et donc plus persuasive, non confinée dans la seule mémoire ou dans la seule pointe de l’esprit, ce qu’est la bonté de Dieu, l’excellence du Christ, quand on vit en vrai chrétien. Si une expérience au moins rudimentaire des choses delà foi est indispensable avant la foi, col. 1 1 36 sq., pour la faire désirer et recevoir, c’est l’expérience pleine de la vie de foi, qui en rend la pratique facile et douce : elle ne dispense ni des formules, ni des preu^ es, nuiis elle les éclaire.

La thèse est classique. Cf. S. Anselme, De fide Trinitatis, c. 11, P. L., t. CLVIII, col. 264 et les commentaires des Pères sur la traduction d’/s., vii, g, JS’isi credideritis, non inlelligetis.

Comme ce progrès dans l’intelligence des dogmes est un des facteurs importants de leur développement, nous nous contenions ici de noter le fait, remettant à plus tard, XV, 3°, col. 1166 sq., d’en étudier la l>sychologie.

VIII. Rapports du dogme avec la théologie. — Sa valeiu- de vérité établie par ce qui précède, il convient de dégager le dogme de tout ce qui n’est pas lui.

La notion de dogme requiert : « ) une vérité, /3) l’autorité divine pour la garantir, /) et, au sens strict du mot, sa promulgation par l’Eglise, soit par voie de définition solennelle, soit par voie d’enseignement ordinaire et universel. Dexzixger, ii, 1792 (1641).

Les propositions qui réunissent ces caractères sont dite ? de foi catholique. A défaut de proclamation officielle, elles sont dites plutôt de foi divine.

i* » Dogme et théologie. — Sont distincts des dogmes, dont l’ensemble constitue la dogmatique, objet de la foi, les conclusions que l’on peut déduire de leur étude et les systèmes plus ou moins heureux que l’on peut édifier pour les justifier : c’est la théologie ou science de la foi.

Ainsi dogmatique et théologie difi’èrent :

Par leur objet : paroles de Dieu dans celle-ci ; déductions humaines, dans celle-là ;

Par leur méthode : l’une s’appuie sur l’autorité divine ; l’autre sur le raisonnement des docteurs ;

Par leur certitude : souveraine pour le dogme, garanti par la Vérité même ; limitée à la force des preuves dans l’autre cas ;

Par leur valeur religieuse : les dogmes portant sur les vérités capitales et venant de Dieu ;

Par l’approbation que l’Eglise leur donne : elle impose le dogme au nom de Dieu ; elle sanctionne certaines conclusions théologiques ; elle favorise certains systèmes ; elle tolère certaines opinions. Cf. Pesch, Institutiones propæd. ad Sacrum Theologiam, 3° édit., in-8°, Fribourg-en-Br., igoS, p. 6.

A coup sur, ce serait folie de s’appuyer sur cette différence, pour déprécier à l’excès la théologie. Une déduction sûre nous vaut une vérité indiscutable, à ce titre précieuse à tout esprit qui pense, encore plus chère à toute àme religieuse. Une conclusion sérieusement probable est encore une chance de vérité, dont un esprit sensé ne saurait faire fi. Et puis, qui est incapable de se démontrer à lui-même et de démontrer aux autres la rationabilité de sa foi, est en grand danger de la perdre. I Petr., iii, 15. Il importe toutefois de ne pas confondre les choses : par respect de la parole divine, pour ne pas mêler à son témoignage authentique des a ues humaines contestables ; par prudence, pour ne pas exposer notre foi à l’épreuve de voir établir la fausseté de ce que nous regardions à tort comme un dogme ; par bon sens, puisqu’il y a des degrés dans la démonstration de la vérité. A’oir S. AiGUSTix, Epist. cxx, ad Consentium, P. L.. t. XXXIIl, col. 452 sq., en entier.

2" Dogmes et conclusions théologiques. — D’aucuns reprocheront à l’exposé précédent d’exclure de la foi toute vérité obtenue par déduction. Quelques-uns, élargissant la notion de révélation, iront jusqu’à prétendre qu’il faut tenir pour révélé tout l’implicite, tous les présupposés, toutes les conséquences de la révélation explicite. Et Aoici la raison qu’on en pourrait donner : « Quand un homme parle, il a l’intention de faire connaître non seulement ce qu’il afiirme, mais encore tout ce qu’il sous-entend et en particulier toutes les pensées qu’il faut lui attribuer, pour concilier ses aflirmalions. » Vacant, Etudes théol. sur le Conc. du Va tic, l. II, p. 293.

Est-il besoin de dire que cette règle de critique est inadmissible ?

A tout le moins, ne peut-on nier qu’il n’y ait une différence notable entre ce qui est dit explicitement et ce qui est plus ou moins implicite dans cette assertion. Il y a garantie directe dans le premier cas. plus ou moins indirecte dans le second. Si le témoi-