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DOGME

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dogines pciil contenir quelque vérité et comment l’esprit humain peut en prendre connaissance.

b. Converunice d’une i-évélation de vérité. — Si cette notitication est possible, il n’est pas besoin de longs discours pour montrer à quel point elle est convenable.

Outre l’utilité de garantir divinement les vérités capitales de l’ordre naturel, Concil. Vatic, Sess. iii, c. 2 ; voir le texte, col. 1122 ; Vacant, Etudes théol. sur le Conc. du Vat., t. I, p. 343 sq., il paraît plus digne de Dieu et de l’homme, que Dieu initie l’homme, dès cette terre, à la vie plus haute à laquelle il lui a plu de l’élever, comme il a voulu, de fait, aA-ant l’Incarnation, prévenir la Vierge, pour que sa collaboration consciente fût plus digne d’elle et de lui.

Puisque notre vie doit se terminer à la Aision du Père, du Fils et du Saint-Esprit, il convient que, dès cette Aie, quelque chose nous en soit réAclé, afin que nous puissions orienter au moins notre pensée dans le sens de cet Infini de mystère, que l’éternité même ne nous permettra pas d’épuiser. Et puisqu’elle doit se couronner par l’amour béatifiant des trois personnes, il convientque notre amour, dès maintenant, aille à elles trois. Eu s’ue de cette conduite à tenir, il était opportun que nous fussions d’abord informés de cette vérité.

c. Nécessité de cette révélation. — Il y a plus. Dieu se doit d’en agir ainsi.

La raison en est — et partout ailleurs cette assertion ne fait pas l’ombre d’un doute — que c’est l’intention (et donc l’idée dont ils s’inspirent), qui donne leur sens aux actes. Dire, par conséquent, que les attitudes religieuses imi^ortent seules (A. Sabatier, W. James), ou que les attitudes seules sont réA-élces et les Aérités affaire de sA’stèmes (E. Le Roy), oucp^ie les dogmes ne sont qu’énoncés prophétiques, proA’identiellement utiles sans être philosophiquement Arais (G. Tyrrell), conduit à des conclusions également inacceptables.

Dans le premier cas. comme les interprétations humaines sont, non seulement de perfection différente, mais divcrgentes et contradictoires, on aboutit à dire que Dieu et la morale autorisent, à la fois, le pour et le contre.

Dans les autres cas, on fait les prescriptions diAÙnes déraisonnables et gravcment insuffisantes. La morale interdit, en effet, des attitudes que la réalité des choses ne justifie pas. Se conduire euvcrs Jésus comme euA’ers le Fils du Père, l’égal du Père, est un crime, s’il n’est pas tel en Aérité. Adorer l’hostie comme si elle était Jésus est pure idolâtrie, si elle n’est pas Jésus mèuîc, le dogme affirmant d’ailleurs qu’elle n’est ni pur symbole, ni pure image du Christ. Les préceptes qu’on nous donne d’agir comme si ne sont donc légitimes que si la AÔrité est telle en effet.

Précisons. Dieu commande un acte immoral, non seulement s’il n’y a pas, jiour justifier l’acte, une Aérité objective, mais s’il n’y a pas cette vérité que l’attitude d’un homme implique ; et si elle l’implique nécessairement, est-il si difficile d’exin-imer. au moins enfermes approchés, ce qu’elle est !

Bien plus, c’est par la réA^élation de cette vérité que Dieu doit commander la pratique. L’action, en effet, est brutale et sans nuances. Si l’on me dit : « agissez avcc Dieu comme avec une personne », j’agirai aA-ee Dieu comme aA ec une autre personne humaine : c’est de l’anthropomorphisme pratique, et c’est faire injure à Dieu. Il faut donc rectifier l’attitude. Or quel moyen d’y atteindre, sinon de mettre dans l’intelligence les corrections nécessaires ?

Autre raison. Si la pensée est ainsi la forme de l’acte, qui ne Aoit combien l’action est pour ainsi dire malléable ? Les attitudes d’àme sont parfois

comme identiques. Sénèque écrit un Suscipe qu’on pourrait croire signé par S. Ignace ; S. Nil adopte pour ses moines le Manuel d’Epictète, se contentant de remplacer le nom de Zeus par celui de S. Paul. On peut donc entrevoir une similitude « dans toutes les démarches de la Aie… dans tous les actes pratiques de l’àme », JSull. de litt. etc/e’s., igo6, p. 19, qui serait parfaite en effet, si quelque panthéisme — et il n’est pas diflieile d’en trouvcr de plus subtil que le stoïcisme — n’imprégnait pas toutes les pensées des uns ou des autres et n’altérait pas tous leurs actes.

Dans ces conditions, pourquoi Aeut-on que Dieu ait prescrit le geste sans préciser l’esprit (fui doit l’animer, et, pour le rendre ce qu’il doit être, ne nous ait pas. avant fout, appris à penser de Lui comme il faut ?

Il dcvait le faire ; Il l’a fait.

d. Illogisjiies des théories pragmatistes. — Il nous reste à examiner sommairement les thèses qu’on nous oppose.

Les formules dogmatiques sont ou facultatives (A. Sabatier, W. James), ou obligatoires à quelque degré (G. Tyrrell, E. Le Roa’).

Dans la première hypothèse, et très logiquement, si elles ne sont que la traduction humaine d’émotions individuelles, elles sont interchangeables, modifiables en recettes écpiivalentes ; il est même loisible de les abandonner à qui pense arrivcr sans elles au même résultat.

Le protestantisme est allé jusqu’à cette conclusion. Chacun s’y taille son Credo. Et donc « il [y] serait plus juste de dire : j’ai jua foi que de dire j’ai la foi ». G. GoYAU, Le Protestantisme, p. 108 sq. Au dernier terme, l’historicité des faits chrétiens est déclarée accessoire à la Aie chrétienne, cf. J. Lebreton, L’Encyclique et la Théologie moderniste, p. 65. Il est A-rai que, par respect du passé, et pour ne pas effaroucher les simples, on conseille de garder au moins le culte des A ieux mots.

On Aoit la singularité d’une telle conduite.

Elle aboutit à fonder la Aie religieuse sur le sentiment et l’émotion, alors que partout ailleurs nous réglons l’agir sur le savoir.

Elle conduit à ce résultat singulier, qu’en matière religieuse seule les propositions n’ont pas de sens objectif ferme, et qu’on légitime des duplicités de langage inconcevables partout ailleurs. Cf. G. Goyau, op. cit., p. 128 sq. ; J. Lebreton, op. cit., p. 68.

Enfin, au nom de l’unité des attitudes religieuses, elle installe dans la religion le principe de la divergence la plus radicale : l’autonomie du sentiment. L’attitude matérielle et animale demeurant à peu près la même, l’attitude humaine, qui Aarie avec les idées, A-arie d’homme à homme, cf. Expérlence religieuse.

Dans l’autre hypothèse, les objections ne sont pas moindres.

On rejette, au nom de l’immanence et de l’autonomie de l’esprit, une vérité imposée du dehors, et le remède que l’on propose, c’est une action imposée du dehors et une action qui reste sans justification pour l’esprit. En somme, on transporte seulement î’hétéronomie sur un autre terrain, celui de la Aolonté, et. pour la rendre plus tolérable, on la rend in-ationnelle.

Encore faut-il bien saisir cette irrationabilité. Non seulement on ne Aeut pas que la « recette d’action » ou « l’énoncé prophétique » se justifient par leur Aérité spéculative obvie, mais on leur dénie cette A-aleur de Aérité, malgré la logique elle-même. Car pourquoi ces formules sont-elles obligatoires, si elles ne sont Araies ?

Parce qu’elles sont utiles ? — Mais précisément, si