Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 1.djvu/577

Cette page n’a pas encore été corrigée

1137

DOGME

1138

utilisant les connaissances et les images acquises, amène le voyant à comprendre, dans un agencement nouveau de cet avoir personnel, une image ou une idée nouvelle. Le message sera donc exprimé en dépendance évidente des antécédents du prophète — c’est un fait. — En quoi cela empèche-t-il qu’il y ait. dans cette phrase nouvelle, autre chose que la somme des images et des mots déjà connus ? S. Thomas, II, II, q. 173, a. 2, c.

S’il s’agit de catéchèse, la marche sera la même.

Le secours du maître, — que sa voix, comme celle de Dieu, résonne dans le cœur, ou, comme la nôtre, aux oreilles, — n’est jamais que pour aider la nature à comprendre par elle-nieine ; mais en l’aidant, il ne supplée pas son mode essentiel d’opération, omnis scientia ex præcedenti pt cognitloiie, S. Thomas, lac. cit. : on comprend le nouveau par l’analogie des connaissances antérieures’.

Appliquons ces principes aux trois ordres de dogmes indiqués, col. iiSa.

a) Les vérités d’ordre naturel, comme les attributs divins, nous sont intelligibles par l’analogie des perl’ections humaines.

Il se peut, car il y a des âmes qui pratiquent, avant la foi, nombre de vertus chrétiennes, et qui, par cela même, sont conduites à aftirmer de Dieu tout ce qu’elles conçoivent de beau et de bien, que la révélation ou la catéchèse leur apporte seulement les mots qui distinguent et classifient leurs appréhensions confuses.

Il se peut aussi que des intellectuels, par voie de déduction (conn. dialectique), aient découvert tout cela.

A tous, la foi n’apporte rien que dans le langage de l’expérience.

ji) Les faits évangéliques sont, comme phénomènes sensibles, de même ordre que les faits quotidiens. Si certains, comme la résurrection de Jésus, font exception aux lois ordinaires, ils restent constatables, comme faits matériels, même quand reste inexpliqué le comment de leur production. Ils s’imposent à la raison, comme s’imposent à elle les faits imprévus, déconcertants, naturels pourtant, que la science doit parfois enregistrer.

M. Le Roy l’a reconnu : « L’autonomie de la pensée s’accorde parfaitement avec le principe de la soumission aux faits. La raison la plus scrupuleuse et la plus jalouse ne voit aucune gène à là liberté de sa

1. Voici IVxagération.

Les théoriciens prolcstants et modernistes vont répétant que lu foi au Glirist, par exemple, présuppose l’expériencf personnelle du Christ, et racceptation des mystères l’expérience de leur vérité.

Erreur manifeste. On expérimente des manifestations, des opérations, qui.suitt difincs ; ou ne les connaît cortintc dii’iiies, que par l’intelligence. Les sens ex[)érinienteront ce qui est morrcilleux, mais In raison seule peut le reconnaître en tant que miraculeux, etc.

Il importe de distinguer entre concept e. jugement (affirmation de r.ip[)orts enti’C coiicejits). L’expérience est nécessaire pour nous amener aux conce|)ts, mais, ceux-ci donnés, on peut apprendre des rapports nouveaux, soit par voie de déduction (preuve intrinsèque), soit par voie d’autorité- (preuve extrinsèque), sans expérience nouvelle. L’intelligence antérieure des concepts fait ces rapports intelligibles, et In preuve certains : il peut donc y avoir une certitude (dialectique), avant l’expérience de la vie de foi.

Que, pour admettre cette preuve et pour régler sa vie sur cette vérité, il faille avoir goûté- déjft, en quelque mesure, les charmes de la bonté, de la sainteté, de la sagesse du Christ, soit. Cette expérience peut bien être, à quelque de> ; ré, une rondilioii indispensable, mais elle ne peut être tenue, sans les plus graves dangers, comme le critère suprême de la connaissance : ce n’(-st jamais au sentiment à prononcer du vrai et du bien.

recherche dans l’obligation d’admettre que les faits jugent les théories. » Dogme et critique, p. 286 sq.

« La comparaison est éclairante.) L’auteur tente eu

vain, par la suite, de reconquérir ce que cette concession nécessaire lui fait perdre. « Avant d’être matériaux de science, écrit-il, les faits sont des moments de vie, p. 287. » Non pas. Si le fait est fait pour moi, s’il entre dans ma connaissance, c’est, il est vrai, par le point où il entre en contact avec ma t’/e, mais, s’il y entre, souvent, très souvent, c’est parce qu’il la heurte, parce que j’ai senti hors de moi, contre moi, s’exercer une activité qui n’était pas de moi et qui ne s’explique pas par ma vie seule. Dans nombre de cas, c’est l’hétérogénéité du fait qui est sa note dominante, et plus cette hétérogénéité nous dérange, au premier choc, plus il y a chance que cette rencontre nous fasse apprendre du nouveau. N’estce pas du heurt des contradictoires, de l’impasse où les faits nous jettent, cpie sortent souvent les grandes inventions ? L’expérience en quelque sorte nous impose un problème, dont les données sont intelligibles et dont la solution reste à chercher. En ce sens, le parallèle entre les faits et les dogmes est assez strict : à côté du « donné expérimental », il y a le « donné révélé » : l’un et l’autre ont une valeur de vérité.

/) Les mystères proprement dits présentent évidemment le maximum de difficulté. Quand on a prouvé qu’ils sont garantis par le témoignage divin (crédibilité), on n’a pas encore montré leur intelligibilité intrinsèque (cognoscibilité).

Faut-il exagérer, et montrer là un « bloc notionnel », imposé du dehors, pesant de tout son poids sur la vie de l’esprit ?

— Sans doute, une proposition comme celle-ci : « Un Dieu en trois personnes » comporte plus d’ombre que de lumière ; mais encore est-il qu’il y a là plus que des mots. On entrevoit un rapport’insoupçonné entre personne et nature, indémontrable dans sa vérité intrinsèque, mais dont la contradiction intrinsèque est aussi indémontrable, ou plutôt dont on peut concevoir, par comparaison avec l’àme humaine, quelque vague analogie. C’est insuflisant pour une preuve, mais suflisant pour indiquer une nouvelle orientation de pensée : le terme dernier nous échappe ; la direction reste assez précise.

Extrinsécisme, oppression… soit ! Exactement comme des formules qu’o/ ? sait vraies, sans avoir jamais pu soi-même établir comment elles sontvraies, comme ces conclusions de vingt sciences dillérentes que nous acceptons d’autorité, sans yOo « t’o//- les justifier, comme des faits bruts, établis dans leur réalité, à l’explication des((uels nous ne comprenons rien.

Ces « blocs » sont-ils un poids mort ?

— Ce n’est pour étonner personne, si l’on allirme ([u’ouvrir seulement à l’intelligence une perspective nouvelle et l’angoisser d’un problème fécond, c’est lui rendre un bien autre service que de l’abanilonner à ses études somnolentes et à sa béate sutlisauce.

Le lecteur voudra bien, pour plus d’explications, se reporter aux articles spéciaux. On ne prétend ici que lui faire entrevoir comment chaque classe de

1. Dire « Comment les termes humains signifieraient-ils autre chose que de l’humain ? » Lahkuthonnifihk, Ann. de p/iil. clirét.. t. CLVII. p. 69, équivaut à dire : Comment avec des traits et des points, en télégraphie, peut-on signifier autre chose que des traits et des points ?

On apprend du neuf, quand on a[)prcnd des rapports nouveaux, et ces rapports peuvent être signifiés en n importe quelle langue. Voir les page » pénétrantes de New-MANsur la j)ossibilité d’exprimer une valeur en de multiples systèmes. De la théorie du déi’eloppement, n. 31 sq., 38 sq., dans Sai.eii.i.fs, f.a foi et la raison, p. 239 sq., 249 sq.