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DOGME

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b. Toutefois, ce n’est pas pour ce motif que l’on doit dire la révélation absolument nécessaire, mais parce que Dieu, dans sa bonté infinie, a ordonné l’homme à une fin surnaturelle, c’est-à-dire à la participation des biens divins, qui dépassent complètement l’intelligence de l’esprit humain, I Cor., II, 9.

Sess. III, c. 2, Denzinger, n. 1786 (1634).

2° Nature du dogme. — Présenté à l’intelligence, soit pour secourir sa faiblesse, dans la connaissance de vérités qui, en droit, lui sont pourtant accessibles, soit pour suppléer à son impuissance radicale, dans la connaissance des choses surnaturelles, le dogme est donc une vérité garantie par l’autorité de Dieu.

a. En conséquence, l’Eglise ne peut tolérer qu’on l’assimile aux doctrines philosophiques d’origine humaine. C’est l’opinion qu’elle a condamnée par l’Encyclique Qui pluribus (9 nov. 1846), chez les Hermésiens :

Comme si la religion n’était pas l’œuvre de Dieu, mais des hommes, ou quelque invention philosophique que put parfaire le travail humain. A ces gens emportés d’un si déplorable délire s’applique à merveille le reproche justifié de Tertullien aux philosophes de son temps « fauteurs d’un christianisme sto’icien, platonicien, sophistique », De præscript, c. vii, P. L., t. II, col. 20. Denzinger, n. 1636 (1497).

b. Elle ne saurait supporter davantage l’explication pragmatiste, et l’a proscrite par le décret Lameiitabili (3 juillet 1907), en censurant cette proposition :

Les dogmes de foi sont à retenir seulement selon leur sens pratique, c’est-à-dire comme règle qui s’adresse à l’action et non comme règle de croyance. Propos. 26, Denzinger, n. 2026.

C. L’Encyclique Pascendi (j sept. 1907) a condamné de même, avec insistance, l’interprétation des modernistes, qui présentent le dogme comme la formule symbolique, plus ou moins ai-bitraire, par laquelle l’homme traduit ses impressions religieuses, son « expérience » personnelle du divin :

Le dogme, d’après eux, tire son origine des formules primitives et simples, essentielles, sous un certain rapport, à la foi ; caria révélation, pour être vraie, demande une claire apparition de Dieu dans la conscience. Le dogme lui-même, si on les comprend bien, est contenu proprement dans les forjnules secondaires… ; [leur but] est de fournir au croyant le moyen de se rendre compte de sa foi. Elles constituent donc, entre le croyant et sa foi, une sorte d’entre-deux : par rapport à la foi, elles ne sont que des signes inadéquats de son objet, vulgairement des symboles ; par rapport au croyant, elles ne sont que de vulgaires instruments.

Dekzinger, n. 2079 ; cf. n. 2078 sq., 2039 sq.

3° Propriétés du dogme. — Ayant rejeté ces principes, l’Eglise répudie leurs consécpiences :

a) Soit la théorie du rationalisme, que le dogme doit évoluer avec les progrès de la philosophie, opinion condamnée par le Syllabus :

La révélation divine est imparfaite et pour ce motif soumise à un progrès continu et indéfini, qui réponde au progrès de la raison humaine.

Propos. 5, Denzinger, n. 1705 (1552).

b) Soit 1 » thèse moderniste :

[De sa conception des formules dogmatiques] on peut déduire, continue l’Encyclique Pascendi, qu’elles ne contiennent point la vérité absolue : comme symboles, elles sont des images de la vérité, qui ont à s’adapter au sentiment religieux dans ses rapports avec l’honinie ; comme instruments, des véhicules de véi’ité, qui ont l’éciproquement à s’accommoder à l’homme dans ses rapports avec le sentiment religieux. Et comme l’Absolu, qui est l’objet’de ce sentiment, a des aspects infinis, sous lesquels il peut successivement apparaître ; comme le croyant, d’autre part, peut passer successivement sous des conditions fort dissemblables, il s’ensuit que les formules dogmatiques sont soumises à ces mêmes vicissitudes, partant sujettes à mutation. Ainsi est ouverte la voie à la variation substantielle des dogmes. — Amoncellement infini de sojihismes, où toute religion trouve son arrêt de mort.

Denzinger, n. 2079 : cf. décret Lamentabili, propos. 58, ibid., n. 2058 sq.

A rencontre de ces doctrines, le Concile du "N’^atican a défini celle de l’Eglise, avec une grande netteté, accentuant à la fois deux caractères du dogme, une immutabilité absolue en lui-même, une perfectibilité très large dans l’intelligence que nous pouvons en acquérir :

C’est qu’en effet, la doctrine delà foi, que Dieu a révélée, n’a pas été proposée à l’esprit humain comme une élucubration philosophique à perfectionner ; mais, comme un dépôt divin, elle a été confiée à l’Epouse du Christ, pour être gardée avec fidélité et proclamée avec infaillibilité.

Aussi faut-il conserver perpétuellement aux dogmes sacrés le sens que notre Sainte Mère l’Eglise a une fois défini et ne jamais s’en écarter, dans l’illusion et sous le prétexte de les comprendre mieux.

Qu’il y ail donc accroissement, qu’il y ait grand et intense progrès d’intelligence, de science, de sagesse, pour chacun comme pour tous, pour chaque individu comme pour l’Eglise entière, suivant la marche des âges et des siècles, mais que ce soit exclusivement dans son genre propre, à savoir dans l’identité du dogme, dans l’identité du sens, dans l’identité de la pensée, in eodem scilicet dogmate, eodem sensu, eademque sententia, ci. S. Vincent de Lérins, Common. I, n. 28, P. L., t. L, col. 668.

Sess. III, De fide, c. iv, Denzinger, n. 1800 (1647).

Si quelqu’un venait à dire qu’il peut se faire, avec le progrès de la science, qu’il faille quelque jour attribuer aux dogmes proposés par l’Eglise un sens différent de celui que l’Eglise a compris et comprend, anathème.

Ibid., can. 3, Denzinger, n. 1818 (1665).

Que le lecteur veuille bien noter le lien qui existe entre l’origine du dogme, sa nature, ses propriétés. Les trois choses sont unies de telle sorte, que l’opinion admise sur l’un de ces points commande celle que l’on adoptera sur les deux autres.

III. Aperçu sur les théories modernes. — Pour l’intelligence des études qui vont suivre, il paraît utile d’escpiisser ici en quehjues mots les théories modernes que nous aurons soit à recommander, soit à réfuter.

A. Théories catholiques. — Les décisions de l’Eglise rappelées plus haut — et l’article Tradition montrera à quel point elles résument la pensée de tout le passé chrétien — imposent à tous les écrivains catholiques des assertions communes : a) origine divine du dogme, /3) valeur intellectuelle de ses données, /) développement sans changement substantiel. S’il y a divergence entre eux, ce n’est donc que sur la manière de les justifier mieux. Elle s’accuse surtout dans la question du développement dogmatique ; encore est-ce moins par opposition proprement dite, que par insistance plus spéciale, chez l’un ou chez l’autre, sur telle ou telle explication.

On pourrait caractériser ainsi l’orientation respective de trois théories plus originales et les déviations spéciales qui les ont provoquées.

En réaction contre le protestantisme et ses prétentions à retrancher tout ce qui est addition (dogmatique, liturgique ou ascétique) à l’Evangile, J. H. Neav-MAN insiste sur le pouvoir assimilateur des grandes idées et siu* leur développement organique.