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DIMANCHE

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serviles a mis plus de temps à s’imposer et à se préciser ; on peut même aflîrmer qu’en ce qui touche un certain nombre d"œuvres, c’est une question encore discutée, non pas quant au principe, mais quant à l’application. — Un fait indubitable, c’est que l’abstention du travail, très strictement imposée par la loi mosaïque les jours de sabbat, Exod., xvi, 30 ; xx, lo ; XXXV, 3 ; Niim., xv, 82 et smv. ; Jerei)i., xvii, ai, etc., et par le culte païen lui-même, Macrob., Saturnalia, 1. I, c. XVI, dut être observée, autant que le permettaient les circonstances, par les premiers chrétiens convertis soit du judaïsme soit de la gentilité : Ter-TULLiEN dit. Ad Nation., i, 13 ; Apologet., 16, que les chrétiens consacrent le dimanche « à la joie du repos ». Toutefois, ce n’était plus avec la rigueur du chômage judaïque. Les plus anciennes lois des empereurs chrétiens qui interdisent, le dimanche, tout travail mécanique et tout acte de procédure, Rescrit de Constantin à Elpidiiis (821), Coà. Jiistinian., 1. II, tit. xii, de feriis, 1. 3 ; Cf. Consiitut. de Yalentinien, Théodose et Arcadius, ib., 1. 7 », laissent permise la culture des Ciiamps, l’homme n’étant pas maître des variations de la température et y étant au contraire assujetti. Des conciles, — Laodicée (vers 380), c. 29 ; de Jésuyahbl"’(585), c. 19, Synodicon Orientale, édit. Chabot, p. ^^7 !

— montrent que l’interdiction du travail n’était pas al>solue, mais imposée autant que possible, surtout aux pauvres. Les Constitutions Apostoliques prescrivent tout particulièrement aux maîtres de laisser chômer, le dimanche, les esclaves, 1. YIII, c. xxxiii. A partir du vi’siècle, l’obligation du chômage dominical devient plus rigoureuse ; plusieurs s’efforcent de la rendre équivalente à celle du sabbat juif, et c’est en partie l’œuvre de saint Césaire d’Arles. Cf. Seim. 265, inter op. S. Augustini, P. /., t. XXXIX, 2238 ; Serm. 280, ib. ii’jlt ; on tomba même dans des excès de rigueur qui furent d’aiUeurspromptement condamnés. Conc. d’Orléans (538), c. 30. Mais en condamnant ces excès on précisa dans le détail les œuvres interdites, et on joignit à celles qui l’avaient été antérieurement la culture de la terre ; ce furent même les (vuvres les plus minutieusement énumérées : labourage, soins de la vigne, fauchaison, moisson, taille, abatage ; on donnait au prêtre mission de châtier les A’iolations de la loi. Conc. d’Orléans, loc. cit. ; Conc. deClialon (vers 650), c. 18, Maassen, p. 2 12. Le peuple iit plus attention à la condamnation que le concile avait portée contre les excès de rigueur qu’aux prescriptions positives qui accompagnaient cette condamnation. Désormais, ce sont, au contraii’e, chaque jour de nouvelles plaintes contre la profanation du dimanche par le travail. On se sent obligé de préciser les sanctions spirituelles : excommunication contre les clercs et les moines ; les châtiments temporels : perte du procès pour les avocats et les plaideurs ; les peines même corporelles : coups de bâton pour les paysans et les serfs qui travaillent spontanément. Conc. de Mùcon (585), c. i, Maassen, p. 165. L’autorité séculière intervient, Edit de Contran, Capitular., Boretius, I, 10, et, pour sa part, interdit toute action judiciaire et tout travail corporel, sauf la préparation des aliments. Cette double action parallèle se continue dans la législation soit ecclésiastique, soit séculière, imposant ici l’amende, là le châtiment corporel. Conc. de Narbonne (58y), c. /(, Bruns, op. cit., t. II, p. 60 ; décret de Childebert II, c. i^, Boretius, ! , 17 ; Lois ecclésiast. de Ina, roi des Saxons Occident, en Angleterre, c. 3, Mansi, t. XII, 57 ; Lois du clergé de Xorthumbrie, c. 55. 56, Ht., t. XIX, 69 ; Lois du roi Canut, c. 14. ib., 562 ; Constitua ecclés. deS. Etienne dellongrie (1016), c. 6, ih., 870 ; Concile de Szabolch (1092), c. 12, (fc., t, XX, 765 ; Loides Alamans, 1. 1, c. 28, Pertz, Leg., t. IIL 57 ; Loi des Bavarois, ib., 335 ; Conc. de

Berkhampsteadt (697), c. 10, 11 ; aûn d’obtenir plus sûrement l’obéissance, on donne même aux dénonciateurs une part du produit de l’amende infligée, ib., c. 12. Au vni* siècle, on met au premier rang la prohil )ition des plaids et marchés, Conc. de Mayence (81 3), c. 87, Monument. Gerinaniae, Concil., t. II, 270 ; de Reims (81 3), c. 35, ib. 256 ; Lois ecclés. d’Edouard l’Ancien (900-92^) roi d’Anglcteri’e, c. 7. Mansi, t. XVIII, 288 ; décret du pape Nicolas II, c. 10, ib., t. XIX, 876 ; puis la chasse, les travaux des femmes, tisser, tricoter, coudre, laver, carder, tondre les brebis, Capitulait, de Rodalfe de Bourges, c. 26, Mansi, t. XIV, 955 ; les charrois, hors certains cas déterminés, Réginon, De ecclés. disciplin., 1. I. c. 872./’. L., t. CXXXIl, 264 ; Conc. de Bourges (io31), c. 15, Mansi, t. XIX, 505, et encore à la condition, dans les cas exceptés, de ne pas manquer la messe. Liber leguin ecclesiasticar., c. 24, ib., 186 ; on interdit même les voyages, Conc. Coyac.(io50), c.6, ib. 788. — Au xii « siècle, l’esprit dans lequel on a compris la loi est à ce point sévère, que des malheureux à qui les récoltes ont manqué, en Norvège, demandent au Pape Alexandre III (i 159-81) la permission de pécher le dimanche, et le Pape, qui exauce leur supplique, y met certaines conditions.

Toiites ces lois sont des lois diocésaines, régionales, témoignent de la coutume du peuple chrétien ; elles ne sont pas une loi universelle. Au xiii<^ siècle, saint Thomas d’Aquin en fît l’exégèse. Il constata, en premier lieu, que l’abstention des œuvres serviles était d’origine coutumière confirmée par l’Eglise, que la coutume n’interdisait pas tout travail, mais celui-là seulement où le corps a plus de part que l’esprit, et par lequel l’homme se fait le serviteur d’autres hommes ou du démon. Sumnia Tlieolog., ll^ 11^^, q. 122, , art. 4- Depuis cette époque, rien n’a été modifié ni objet de nouvelles décisions quant au principe, sinon quant aux applications. Les moralistes ont longuement discuté si tel ou tel travail est œuvre servile ou non, et l’accord sur quelques points se fait malaisément. Somme toute, les tendances rigoristes qui s’étaient encore manifestées au xvi’et au xvn’siècles ont perdu de plus en plus leur empire, et le cardinal Gousset, avec son esprit si pondéré, en est revenu au vrai principe de solution, à la coutume, acceptant ce que la coutume — entendue au sens canonique — admet, rejetant ce qu’elle interdit, laissant ainsi dans son état coutumier l’application d’une loi d’origine coutumière, ne la rendant ni plus stricte ni plus large quelle n’est dans son principe. On comprend aisément, par là, que, la loi étant d’origine humaine, les Congrégations romaines, interrogées maintes fois par les missionnaires, laissent, à l’occasion, une place assez large au travail des mains, à l’œuvre servile, le dimanche, pour les populations pauvres des missions. Des essais nouveaux ont été ébauchés par certains moralistes contemporains, comme Berardi, Praxis Confessar.{2’édit.), t. II, n° 870 et suiv., touchant la théorie de l’œuvre servile ; ils n’ont pas pour but de modifier le principe de la loi, mais d’en mettre les applications en rapport avec ce que réclame, pensent-ils, l’esprit public d’aujourd’hui.

8° Nature de l’obligation. — De cet exposé historique, nous pouvons tirer diverses conclusions touchant la nature de l’obligation que le précepte impose. 1° L’obligation n’ayant pas été introduite, dans le Nouveau Testament, par une loi dÎAine positive, on en peut dispenser au moins dans le détail des applications. 2" Comme elle est, quant au principe général, garantie par des lois positives, d’origine locale il est vrai, mais précisées, reprises, étendues, au point d’atteindre toutes les régions territoriales de l’Eglise,