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oie de négation (ainsi nous disons que Tètre de Dieu est infini, c’est-à-dire non fini, non limité) ou pas voie d’éniinence (ainsi nous disons que Dieu n’est pas seulement bon, mais qu’il est le Souverain Bien ou le Bien même).

Cette connaissance analogirpie et inadéquate de l’essence divine, nous est déjà donnée de façon confuse par les preuves de l’existence de Dieu. Le point de départ de ces preuves est, en eiiet, nous l’avons vu, la définition nominale de Dieu, qiiid nominis, l’idée qu’éveille en notre esprit le mot « Dieu a (l’être le plus grand qui se puisse concevoir, cause première intelligente, bonne et toute-puissante…), et le fjuid nominis contient toujours confusément la définition réelle, le quid rei, qui exprime non plus le sens d’un mot, mais ce qu’est la chose désignée par le mot. Allons-nous donc prétendre donner une définition réelle de Dieu, exprimer ce qu’est son essence ? Nous venons de dire que la raison ne peut atteindre la Déité dans ce qui la constitue en propre, et la définition réelle a pour but précisément d’exprimer la différence ultime de la chose qu’elle définit, différence qui est la raison des propriétés ; ainsi la rationabilité, différence spécifique de l’homme, est le principe d’où dérivent et se déduisent la liberté, la moralité, la sociabilité, la parole, etc., toutes les propriétés de l’homme. Le constitutif formel de la Déité tel qn’il est en lui-mf^me (Dens nt Deus) ne peut être connu (pie par Révélation, mais de toutes les perfections absolues qui conviennent à Dieu, n’y en a-t-il pas une qui, selon notre mode de connaître, est la source et la raison de toutes les autres, et qui. selon une analogie éloignée, mérite le nom de constitutif formel de l’essence divine ? C’est la question à laquelle nous essaierons de répondre brièvement pour achever cet article.

Nous ne pouvons entreprendre l’élude des divers attributs de Dieu, il suffit de se reporter à S. Thomas, la, q. 3 à 26. En déduisant les principaux attributs du constitutif formel de l’essence divine, nous insisterons sur un point seulement : nous montrerons (pie le Dieu absolument simple ei immuable, dont nous avons prouvé l’existence, n’en est pas moins vivant, conscient et libre, et par suite personnel. Ce sera la réponse aux principales objections de Spencer et des agnostiques, qui ne veulent voir que des antinomies entre les divers attributs de Dieu. Les articles Providence et Création compléteront d’ailleurs ce que nous dirons de l’intelligence et de la liberté divine.

1° Quel est le constitutif formel de l’essence divine : l’Etre même, ou la Pensée de lu Pensée, ou le Bien, ou la Liberté I’La question du constitutif formel de l’essence divine a reçu plusieurs solutions ciiez les scolasti([ues.

Les nominalistes, avec Ockam, ne veulent voir dans aucune des perfections al)sohies la raison des autres ; c’est parfaitement conforme à leur théorie sur les universaux : la nature divine est simplement pour eux la collection de toutes les perfections, il n’y a pas à cherclier une priorité logique de l’une d’entre elles sur les autres.

ScoT met le constitutif formel de l’essence divine dans l’infinité. A quoi les thomistes répondent que l’inlinité n’est qu’un mode de la nature divine et de chacun de ses attributs, et qu’en outre elle se déduit a priori de Vaséité, c’est-à-dire de ce que Dieu est l’Etre même.

De nombreux théologiens, et parmi eux plusieurs thomistes, voient dans Vaséité h » i)rincipe de tous les attributs. Dieu serait avant tout « Celui qui est 0, comme il fut révélé à Moïse, Exode, c. m. Parmi les

thomistes, c’est le sentiment de Capreolus, Banez, Ledesma, Del Prado, etc., et en dehors de l’école de S. Thomas, celui de Molina, Vasquez, Torres-, etc.

— D’autres enfin comme Jean de Saint-Thomas, Gonzalez, SuAREz. GoNNET, BiLLUART…, cstimcnt quc ce qui constitue formellement l’essence divine, c’est Vintellection subsistente et toujours actuelle, ce qui rappelle la vsV ; ? !  : vîy ; ’î-£w ; vî » ; t( ; d’Aristotc.

En dehors de l’Ecole, certains ont incliné à admettre la priorité de la bonté sur tous les autres attributs, ce qui rappelle le fameux texte de Platon : « Aux dernières limites du monde intelligible, est l’idée du Bien, c ioiy. rsO cr/y.Ooû^ idée que l’on aperçoit à peine, mais que l’on ne peut apercevoir sans conclure qu’elle est la cause de tout ce qu’il y a de beau et de bon, que dans le monde intelligible c’est elle qui produit directement la vérité et l’intelligence. Quelque belles que soient la science et la vérité, tu peux assurer, sans craindre de te tromper, que le Bien les surpasse en dignité. " République, Vil, 617 D.

Des volontaristes modernes comme Secrétan ont voulu voir enfin le constitutif formel de la nature divine dans la liberté. L’être absolu, pour être ratio sui, doit être, selon Secrétan, l’absolue liberté, liberté à la seconde puissance, libre d’être libre. « Substance, il se donne l’existence ; vivant, il se donne la substance ; esprit, il se donne la vie ; absolu, il se donne la liberté… L’esprit fini est à la fois esprit et nature et non pas seulement esprit. La perfection de l’esprit serait d’être pur esprit, sans nature : l’esprit pur n’est que ce qu’il fait, c’est-à-dire qu’il est l’absolue lil)erté… Je suis ce que je veux ; cette formule est donc la bonne. » (La Philosophie de la liberté, 2= éd., t. I, liv. XV. p. 361-370.) — De même Lequier, pour qui la vérité fondamentale dans l’ordre d’invention est, non pas le principe d’identité, mais l’existence de la liberté humaine, devait admettre que la vérité fondamentale de l’ordre déductif, la vérité principe de toutes les autres, est l’existence de la liberté divine. Aussi soutenait-il avec Secrétan que Dieu a voulu restreindre sa prescience à l’égard de nos actes pour nous laisser libres. Cf. Lequier, La recherche d une vérité première (fragments posthumes), p. 82-86. M. Boutroux a soutenu une doctrine voisine : « En lui (en Dieu) la puissance ou la liberté est infinie, elle est la source de son existence, qui de la sorte n’est pas sujette à la contrainte de la fatalité. L’essence divine coéternelle à la puissance, est la perfection actuelle. Elle est nécessaire d’une nécessité pratique, c’est-à-dire mérite absolument d’être réalisée, et ne peut être elle-même, que si elle est réalisée librement. » Contingence des Lois de la Nature, 3’éd., p. 156. Récemment en Allemagne, le D’Hermann Schell admettait que Dieu n’est pas seulement. ra//o sui, mais causa sui.

On s’explique aisément que l’Ecole n’ait jamais pensé à mettre dans la liberté le constitutif formel de l’essence divine. U est, en effet, impossible de concevoir la liberté antérieure à l’intelligence. Secrétan lui-même l’avoue, sans avoir l’air de se douter que cet aveu est la ruine de son système libertiste. « Une lii)erté sans intelligence est imi)ossible, dit-il ; elle se confondrait avec le hasard, qui n’est pas une forme de la causalité, mais sa négation… Une puissance qui déterminerait elle-même sans conscience la loi suivant laquelle elle se réalise ! Il n’y a là que des mots contradictoires. Non. l’être libre est intelligent ; il est inutile d’insister sur ce point. » La Philosophie de la Liberté, 2= éd.. t. I, 17’leç.. p. 403. « Mais tout au contraire, remar([uc à ce sujet M. Pim.on dans l’examen de cette pjiilosophie, il importe beaucoup d’y insister », car il faudrait dire si l’intelligence dans l’Absolu conditionne la liberté comme chez nous, ce