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DIEU

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Nous pouvons maintenant réunir les résultats de ces cinq preuves-types de l’existence de Dieu. Elles aboutissent à cinq prédicats : Primum inos’ens, prim’tiii efficiens, primiimnecr : ssariuut. primum et maxime eus (primuni veruni, primum intelligens, primum bonum), primum gubernans inteUigendo (Gajetan, in I^"". q. 2, a. 3). Et nous avons déjà montré que chacun de ces prédicats ne peut appartenir qu’à l’être en qui s’identilient l’essence et l’existence et qui pour cette raison est l’Etre même, Ipsum esse subsistens (la, q. i. », a. 4). Ici seulement s’achève la preuve de l’existence de Dieu. Ce Dieu, encore une fois, est essentiellement distinct du monde, puisqu’il est essentiellement simple et immuable, tandis que le monde est composé, et changeant.

Tout cela, le sens commun le voit implicitement sans pouvoir le formuler. Il ne le démontre pas, mais, par son instinct de l’être, il le sent. Il a comme l’intuition vague que le principe d’identité est la loi fondamentale du réel, comme il est celle de la pensée, et que la n’alité fondamentale doit être à l’être, comme A est A, absolument une et immuable et par là même transcendante, distincte de l’univers essentiellement divers et changeant. Il n’est pas nécessaire d’avoir pâli sur le Sophiste de Platon ou sur la Métaphysique d’Aristote, pour trouver un sens à cette parole de Dieu à Moïse : Ergo sum qui sum (Exode, c. m) et au commentaire de S. Augustin : « tanquam in ejus comparaiione eu quæ mutabilia facta sunt xox sint » (de Civil. Dei, 1. VIII, c. XI).

On voit dès lors le sens et la portée de la preuve de Dieu par le consentement universel. C’est un confirmatur.

« Comment expliquer l’universalité de la

croyance en Dieu, sinon par la force persuasive des arguments que nous avons invoqués… Si la foi au divin était l’effet d’une crainte déraisonnable, ou si elle avait été imposée aux peuples par des législateurs qui auraient voulu revêtir leurs lois d’une autorité sacrée, elle aurait disparu du milieu des hommes avec les causes qui lui auraient donné naissance. Elle s’est au contraire maintenue partout, avec une ténacité que rien n’a pu Aaincre. » Vacant, Etudes sur le Concile du Vatican, t. I, p. 313. Sur l’existence de cet accord universel des peuples, cf. de Quatre-FAGES, L’Espèce humaine, c. 35, n" 4- « L’athéisme ne se rencontre nulle part dans les races inférieures ou dans les races élevées, si ce n’est à l’état individuel ou à celui d’écoles plus ou moins restreintes. » (Ibid.) Voir aussi les récents travaux sur l’histoire des religions que nous avons cités plus haut, col. 948.

Il est enfin une dernière preuve de l’existence de Dieu, c’estceile qui se tiredes effets surnaturels comme le miracle. Toute œuvre surnaturelle, qui ne peut s’expliquer que par l’action divine, fournit à elle seule une preuve de l’existence de Dieu. C’est le cas de tout fait extraordinaire qui dépasse manifestement toutes les forces de la nature, comme la résurrection d’un mort ou la multiplication des pains. Cette preuve est accessible au sens commun, qui saisit A-aguement (uiais avec certitude) dans un fait miraculeux, couune la résurrection d’un mort, une relation immédiate à l’être, son objet formel, et à la cause propre de l’être en tant qu’être, c’est-à-dire à Dieu. C’est cette intuition qui empêche la raison spontanée de s’émouvoir de l’objection des philosophes ennemis du miracle : nous ne connaissons pas toutes les forces de la nature. Sans doute, mais nous connaissons un efTet tellement profond et universel qu’il ne peut être produit que par une cause première et universelle, cet elTet, c’est l’être même (1 », q. 45, a. 5, et q. io5, a. 6, ; , 8). Et le miracle, au moins certain miracle, apparaît à l’intuition de l’intelligence spontanée comme une production exceptionnelle de l’être.

assimilable à la création (la multiplication des pains suppose une production nouvelle de matière ; et la réunion substantielle de l’àme au corps ne peut être l’effet que d’une cause capable d’atteindre immédiatement la substance même de l’être. Cf. Supplément de la Somme, q. ^5, 3). Pour voir ainsi dans un fait miraculeux le doigt de Dieu, il n’est pas nécessaire d’avoir la foi, il suffit de ce sens inné de l’être, qui est la raison naturelle ou sens commun. Cf. sur ce point Garrigou-Lagraxge, Le Sens commun, la philosophie de l’être et les formules dogmatiques, p. 92.

Comme le montre M. Vacaxt, Etudes sur le Conc. du Vatican, I, p. i" ; 4, « cette démonstration de l’existence de Dieu se corrobore, lorsqu’elle s’appuie sur un groupe de faits, où l’action d’une providence surnaturelle de Dieu est manifeste ». La vie de l’Eglise, sa propagation admirable, sa sainteté éminente, son inépuisable fécondité en toutes sortes de biens, prouvent avec évidence qu’il a existé de toute éternité un être source de toute justice, de toute bonté et sainteté, et qui ne peut être que la Justice, la Bonté, la Sainteté même.

L’existence du mal physique et du mal moral, nous l’avons vu plus haut (col. 1016), ne peut nous faire douter de l’existence de Dieu. Le mal moral, autrement grave que le mal phjsique, loin de s’opposer à l’existence de Dieu, suppose cette existence, puisqu’il n’est en fin de compte qu’une offense à Dieu. De quelque ordre qu’il soit, si le mal existe, c’est que Dieu l’a permis pour manifester sa puissance et sa bonté, ’( car II ne l’eût jamais permis, comme le dit S. Augustin {Enchiridion, c. xi), s’il n’avait assez de puissance et débouté pour tirer le bien du mal même «. Cf. art. Providence.

Telles sont les preuves de l’existence de Dieu : elles engendrent une certitude non pas morale, non pas physique, mais métaphysique ou absolue. Il est absolument certain que Dieu existe, que l’Etre le plus grand qui se puisse concevoir existe ; la négation de cette proposition entraînerait en effet la négation du principe de causalité, du principe de raison d’être, et en fin de compte la négation du principe de noncontradiction. Le système hégélien en est la preuve historique : pour avoir voulu nier l’existence du Dieu transcendant distinct du monde, il a dû mettre la contradiction à la racine de tout. Il faut choisir : Dieu ou l’absurdité radicale.


IV" Partie

La Nature de Dieu

Après avoir établi que Dieu est, il nous faut dire ce qu’il est. Nous avons démontré plus haut (col. io14) que la raison peut atteindre quelque chose de l’essence divine, mais non pas connaître l’essence divine quidditativement, c’est-à-dire dans ce qui la constitue en propre (cf. I », q. 12, a. 12. Utrum per rationem naturalem Deum in hac vita cognoscere possimus). Par nos seules forces nous ne pouvons atteindre dans la Déité que ce qu’elle a d’analogiquement commun avec les créatures. Cette connaissance se fait per viam causalitatis, negationis et eminentiae. Par la voie de causalité, nous allLrmons que les concepts transcendantaux et par conséquent analogiques d’êti*e, d’unité, de vérité, de bonté et aussi d’intelligence et de volonté, parce qu’ils n’impliquent en soi aucune imperfection, doivent exprimer quelque chose de Dieu, et même ne sont à l’état pur (purifiés de toute potentialité) qu’en Dieu (col. io54). Mais nous ignorons ce qu’est en lui-même le mode selon lequel ces perfections absolues sont réalisées en Dieu, ce mode nous ne pouvons le connaître et l’exprimer que par