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DIEU

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pourquoi la force se conserve-t-elle ! — Descartes et Spinoza ont voulu réduire la physique à la mathématique (qui ne considère que la cause formelle et néglige la matière sensilile. la cause efficiente et la cause finale), aussi ont-ils décrété que les lois physiques étaient absolues et nécessaires a priori, comme les lois mathématiques ; d’où, la négation de la possibilité du miracle : pour Spinoza, Dieu ne peut pas plus empêcher le feu de brûler qu’il ne peut empêcher un triangle d’avoir ses trois angles égaux à deux droits. — Leibniz, reprenant les vues d’Aristote, répondit à Descartes et à Spinoza, en insistant sur la contingence de l’ordre ou des lois. Il montra que les lois du mouvement, celles de la conservat ion de la force ne sont pas nécessaires, elles pourraient être autrement, elles ont été choisies comme les plus convenables, mais il y en avait d’autres possibles et il a fallu un choix. Quelle nécessité absolue y a-t-il à ce que le mouvement apparent du soleil s’accomplisse en tel sens et non en sens inverse, à ce qu’il y ait sur la terre un si grand nombre d’espèces végétales et animales ? (Cf. les textes de Leibniz dans Paul Janet, Les Causes finales, p. 642-650.) C’est la réponse même de S. Thomas que nous venons de citer.

« Ista determinatio ad uniini qua res naturalis deferminatur

ad ununi non est ei ex seipsa sed e.r alin. «  M. BouTROL’x a longuement défendu cette thèse dans son livre sur La Contingence des lois de la nature :

« Les lois physiques et chimiques les plus élémentaires

et les plus générales énoncent des rapports entre des choses tellement hétérogènes qu’il est impossible de dire que le conséquent soit proportionnel à l’antécédent et en résulte à ce titre, comme l’effet résulte d’une cause… Il n’y a là, pour nous, que des liaisons données dans l’expérience et contingentes comme elle. » (3’édit. p. ^/J-) La loi de la conservalion de l’énergie n est pas une vérité nécessaire, une loi suprême à laquelle la nature serait enchaînée. Il n’est pas non plus de nécessité inhérente aux forces I)hysico-chimiques. en vertu de laquelle elles doivent j)roduire cette combinaison qui a pour résultat la vie, la sensation, l’intelligence. Sur cette question, cf. P. Gardeil, lievue Thomiste, 1896, p. 800, 80^, 818.

La nécessité ne suffit donc pas à expliquer antérieurement à « la survivance des plus aptes » l’origine même des adaptations. S’il y a une nécessité, elle est seulement hypothétique, c’est dire qu’elle suppose quelque chose. Et que suppose-t-elle ? Précisément, la finalité. — L’expression nécessité hypothétique est d’Aristote : ta Èf W-coéitui àvKyxarsv, II Phvsic, <-. 9. Si la fin doit exister (ex. : l’acte de vision), tels mojx’us sont nécessaires (les 13 conditions de la vision) ; cette nécessité n’est pas absolue, elle porte sur les moyens considérés dans leur relation à la fin, aussi se pourra-t-il qu’il y ait des exceptions, ex. : les monstres. Tandis que en métaphysique et en mathématique les lois sont absolues et sans exception, en physique elles s’appliquent ut inpluribus, ô>i ivi tc toaj.

La raison philosophifiue établit enfin que, même si la nécessité existait partout dans la nature, elle supposerait encore la /inalité. Soit |)ar exemple un principe d’opération aussi sinqile que possible (comme le pouvoir d’attraction, ou mieux encore la faculté intellectuelle). Il n’y a plus en lui de comjdexité d’organisation àexpli(iuer, mais il y a cependant en Ini quelque chose de relatif iu ne s’explique que par la finalité. — En effet, le principe de finalité (i omne agens necesse est agere propter finem » est un dérivé immédiat du principe de raison d’être, au même titre que le principe de causalité ; et le princii)e de raison d’être, nous l’avons vu (col. 992), se rattache au principe d’identité par une réduction à

l’impossible. Xous avons indiqué pKis haut (col. 998) comment le principe de finalité dérive du principe de raison d’être. Il nous faut insister ici sur ce point capital. — JouFFROY disait justement, dans son Cours de droit naturel, lorsqu’il recherchait les vérités sur lesquelles repose l’ordre moral : « La première de ces vérités, c’est ce principe que tout être a une fin. Pareil au principe de causalité, il en a toute l’évidence, toute l’universalité, toute la nécessité, et notre raison ne conçoit pas plus d’exception à l’un qu’à l’autre. » Paul Janet, dans son livre par ailleurs si remarquable sur

« Les Causes finales », n’a pas pu comprendre que le

principe de finalité est nécessaire et évident de soi, parce qu’il n’en a pas retrouvé la formule exacte. Il s’est arrêté à la formule trop générale : tout a une fin ; et n’a pas cru pouvoir affirmer a priori, et avant de prouver l’existence de Dieu, que toutes les échancrures dés Alpes par exemple ont une fin, comme elles ont une cause efficiente. La vraie formule du principe de finalité est celle donnée par Aristote. constamment reproduite par S. Thomas : « Onine agens necesse est agere propter finem », Physic, II, c. 3 ; C. Gentes, 1. III, c. 2 ; I » Ilae, q. i, "a. 2 ; la. q. 44, a. 4- — La nécessité de la cause finale s’impose, non pas immédiatement à tout, mais à tout agent, la rencontre de deux agents pourra être fortuite, mais chacun des deux agira nécessairement pour une fin. La cause finale se conçoit en effet en fonction de la causalité efliciente ; c’est ce que Paul Janet n’a pas vii, aussi a-t-il méconnu la nécessité et l’évidence immédiate du principe de finalité. RavaissoN au contraire ne s’est pas mépris : « Nous concevons comme nécessaire, dit-il, que la cause renferme, avec la raison du commencement, la raison aussi de la fin où tend la direction « (Rapport sur la Philosophie en France, 2" éd., § 36) ; et M. Lachelier fonde l’induction aussi bien sur la cause finale que sur la cause efficiente, cf. Le Fondement de l’induction. Hartm.^nn a bien mis en relief cette nécessité de la cause finale en prenant pour exemple le cas le plus simple : l’attraction, un atome qui en attire un autre :

« La force attractive de l’atome corporel, dit-il, tend

à approcher de soi tout autre atome : le résultat de cette tendance est la production, la réalisation de ce rapprochement. Nous avons ainsi à distinguer dans la force la tendance elle-même comme acte pur et simple, et le but poursuivi, le contenu ou l’objet de la tendance… Si ce mouvement produit n’était pas contenu dans la tendance, il n’y aurait aucune raison pour que celle-ci produisit l’attraction plutôt qu’autre chose, la répulsion par exemple : pour qu’elle changeât avec la distance suivant telle loi plutôt que suivant telle autre… La tendance ne poursuivrait aucun but, n’aurait aucun objet et par conséquent n’aboutirait à aucun résultat. » La Philosophie de l’Inconscient, t. II, p. 144’— On croirait lire une traduction du ch. II du livre III du C. Gentes, où S. Thomas s’exprimait dans les mêmes termes « Si agens non tenderet ad aliquem effectuai détermina tum, omnes effectus essent indifférentes. Quod autem indifferenter se habct ad multa, non magis ununi eorum operatur quant aliud ; unde a contingente ad utrumque non sequitur aliquis effectus nisi per aliquid quod determinetur ad iinum. Impossibile igitur esset quod ageret. Omne igitur agens tendit dd aliquem determinatum effectum quod dicitur finis ejus. x Cf. P. Gardeil. L’Eyolutionnisme et les principes de S. Thomas, Bévue Thomiste, 1895, p. 58 1, et 1896, i>. 899.

S. Thomas rattache le principe de finalité au principe de raison d’être, par cette simple réllexion : i. Omne agens agit propter finem, alioquin e.r actionc agentis non magis sequeretur hoc quam illud. » (1 », q. 44. a. 4-) Ceux qui nient la nécessité du principe