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libre ii, « Le bien honnête doit être pratiqué et le mal évité), n’ont pas counueneé à être vraies comme celle-ci « Tout Français a droit de voter), elles ont toujours été vraies, ab aeterno ; la copule est ne sil ^nilie pas en effet la conjonction réelle et actuelle des deux extrêmes dans une réalité existante, mais seulement que le prédicat convient au sujet, abstraction faite de l’existence ou de la non-existence de celui-ci.

Ces vérités sont conditionnelles au point de vue de l’existence, mais absolues dans Tordre de la possibilité et de l’intelligibilité, par là elles dominent les réalités contingentes et commandent l’avenir ; elles disent, comme le remarque Leibniz, « que si le sujet existe jamais, on le trouvera tel ». Noiiv. Essais sur l’Entend., 1. IV, cb. ii.

De ce point de départ, peut-on s’élever à Dieu ? Leibniz n’en doute pas plus que S. Augustin : « Ces vérités nécessaires étant antérieures aux existences des êtres contingents, il faut bien qu’elles soient fondées dans l’existence d’une substance nécessaire » (ibid.). et qu’elles y soient à titre de vérités intelligibles connues de toute éternité. Bossuet dit excellemment : « Quand il n’y aurait dans la nature aucun triangle, il demeure toujours vrai et indubitable que les trois angles d"un triangle sont égaux à deux droits. Ce que nous voyons de la nature du triangle est certainement indépendant de tout triangle existant. Bien plus, ce n’est pas l’entendement qui donne l’être à la Aérité, il s’ensuit que, quand l’entendement serait détruit, ces vérités subsisteraient immuablement. » Logique, I, 36. « Si je me demande maintenant où et en quel sujet ces règles subsistent éternelles et immuables, je suis oljligé d’avouer un être où la vérité est éternellement subsistante et où elle est toujours entendue ; et cet être doit être la Vérité même et doit être toute vérité. » Connaissance de Dieu et de soi-même, IV, ô. « C’est là ce monde intellectuel auquel Platon nous renvoie pour entendre la vérité. Que s’il a poussé trop avant son raisonnement, s’il a conçu de ces principes que les âmes naissent savantes, etc. S. Augustin nous a enseigné à retenir ces principes sans tomber dans ces excès insupportables… » Logique, l, 3’j.

Celte preuve est bien une preuve a posteriori (ab effectu intelligibili) et non pas a priori (comme l’argument de S. Anselme). Elle ne part pas de la notion dt Dieu, mais des vérités rationnelles multiples et hiérarchisées, et s’élève à la source de toute vérité. Cette preuve, quoi qu’on en ait dit, n’est pas étrangère à S. Thomas. Dans le C. Gentes, 1. 11, c. 84, il dit formellement : « Ex noc olod méritâtes intellectae sint AKTKHNAE quautuni ad id quod intelligitur, non potest concludi quod anima sit acterna, sed quud ceritates intellectæ iu.ndantur in alioco aeterno, sicut in causa universali contentiva omnis veritatis. » Cf. commentaire de Fekhahiensis sur cet article, et P. Leimdi, Examen Ontologismi, p. 120.

D’où vient donc que S. Thomas n’a pas exposé cet argument augustinien dans l’article qu’il a consacré aux preuves de Dieu ? — C’est que cette preuve rentre dans la 4^ via, qui s’élève aussi bien à la Première vérité (.Va j-///ie verum). qu’à la Première intelligence et au Premier être.

Dans les multiples vérités nécessaires que nous fait connaître noti-c raison, il y a un élément commun réalisé à des degrés divers, celui de vérité nécessaire et éternelle ; il se trouve à un degré plus parfait dans un premier principe que dans une conclusion. Qu’estce qui peut rendre compte de cet élément ? — Ce ne sont pas évidemment les réalités contingentes dominées par lui ; de même <pic Pliédon n’a pas en soi la raison dernière de sa beauté, de même il ne peut fonder le principe de contradiction qui se réalise en

lui comme dans tout autre être actuel ou possible. — Ce ne sont pas non plus nos intelligences multiples et contingentes qui peuvent rendre raison de cet élément unique et nécessaire, puisqu’il les domine toutes, au lieu d’être dominé par elles. — Dirons-nous que les vérités éternelles subsistent séparées les unes des autres, indépendamment des choses et des intelligences contingentes ? Ce serait revenir aux types éternels que semble avoir admis Platon, et nous avons dit la raison poiu- laquelle seuls les transcendantaux sont réalisables en dehors de la matière et des individus, et celle aussi pour laquelle ils s’identifient ex propriis dans l’être premier et la pensée première. Il sullit de remarquer ici que les vérités éternelles ne peuvent avoir chacune en soi leur raison dernière, puisqu’elles sont multiples et hiérarchisées ; elles supposent nécessairement une vérité suprême, premier intelligible, source de toute intelligibilité, c’est le Maxime verum dont parle ici S. Thomas.

Ce maxime verum ne peut être seulement intelligible en puissance, il doit être de soi et dès toujours intelligible et même inlelligé en acte ; par là, comme nous l’avons vu, il s’identifie avec la prendère intelligence, qui est pure intelleetion. — De là on conclut a posteriori que la première intelligence est infinie ; en eft’et les lois intelligibles sont sans fin, celles par exemple des figures géométriques ; bien plus, il y a des infiniment petits dans la moindre chose, nous ne saurons jamais le tout de rien. Ce fond qui nous échappe est pourtant intelligible en soi, cette intelligibilité dérivée a dû nécessairement venir d’une intelligence en acte. L’acte précède toujours la puissance. — La Révélation dit de même dans le prologue de S. Jean : « Omnia per ipsum (Verbum) facta sunt, et sine ipso factum nihil quod factum est. »

Impossible d’admettre avec les panthéistes que le principe de l’ordre idéal est immanent au monde et n’existerait pas sans les pensées humaines qui le conçoivent. On accorde que ce principe est nécessaire et universel, il faut donc reconnaître qu’il est indépendant de nos intelligences mesurées par lui. Le contingent, essentiellement dépendant du nécessaire, ne peut conditionner l’existence de ce dernier ; ce serait dire que le contingent, qui n’est même pas cause de lui-même, est cause du nécessaire, ce qui est absurde. De même que le devenir ne peut être cause de l’être, la multiplicité ne peut être raison de l’unité. Comment le premier intelligible, ri TTîcTjrsv vî/itsv (Met., XII, c ;), contient-il tous les intelligibles ? C’est ce qui est expliqué dans le traité de la Science divine, la, q. il[, art. i à 16. Ce i)remicr intelligible, c’est l’essence divine elle-même ; la connaître adéquatement autant f[u’elle peut être connue, c’est connaître tout ce qu’elle contient dans son éminente virtualité, et tout ce à quoi cette virtualité peut s’étendre, c’est-à-dire non pas seulement tout le réel actuel, mais tout le réel possible.

d. Le Premier et souverain Bien, premier désirable. — S. Thomas s’élève aussi par la i^via au Maxime bonum, au Souverain bien. Lfe Bien peut être considéré connue simplement désirable, ce qui est capable d’attirer notre appétit, de combler en nous un vide, de nous rendre Jieureux, et aussi comme ce qui a droit à être aimé, cequiexige impérieusement l’amour, et fonde le devoir. L’ai-gument qui conclut au premier et souverain bien contient donc iinplicitenu-nt celui par lequel on s’élève au premier désirable --> tts^tw i/jj/Tî/, source de tout bonheur ( ! - » II » *^, q. 2, a. 8. De beatitudine : an sit in bono creafo vet increalo). et celui par le([uel on s’élève au souverain bien, fondement de tout dey oir, ro ir/vOiv y.vX rà « ^ittsv (I » Il^e, q. 91, a. I. i’trum sit aliqua lex aeterna : a. 2. C’tr. sit aliqua lex naturulis ; q. fjS, a. 2. L’tr. lex aeterna sit abomnibus

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