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portion de connaissance, la connaissance totale et une ne serait nulle part, ce qui contredit l’expérience ; car l’expérience prouve que nous avons des connaissances totales. Donc, ce qui perçoit en nous est un et indivis. — Oui, direz-vous, mais cela ne prouve pas que ce qui perçoit en nous soit indivis jusqu'à être indivisilde, et un jusqu'à être simple. Il est bien évident que si les quelques milliers de papilles nerveuses qui tapissent la surface palmaire de mes doigts étaient isolées, et n'étaient pas réunies en un seul principe d’action, je ne percevrais pas, comme je le l’ais, d’une perception totale et une, la surface sur laquelle j’appuie ma main en ce moment. Mais quelle nécessité y a-t-il d’admettre que. dans mes doigts, se trouve un principe simple et indivisible ? — Il faut l’admettre, parce que, sans un principe simple et indivisible, vous n’expliquerez jamais comment votre tact, ni aucun autre de vos sens, étant composés de parties, peuvent être le sujet réellemenl un et indivis que suppose une sensation totale et une.

Que pensez-vous de ce principe de saint Thomas :

« Tout être composé de parties n’est et ne demeure

un que s’il possède dans sa nature, outre le principe qui le fait multiple, quelque principe intime spécial qui le fasse un ? » Ne vous est-il pas évident que l’un et le multiple, étant opposés ne peuvent être expliqués non plus que produits, sinon par un double principe : un principe de pluralité et vm principe d’unité ; principes l’un et l’autre intimes à l'être, comme lui est intime sa double propriété d’un et de multiple. Et, pour parler un langage moins abstrait, comprenez-vous qu’un corps, une réalité étendue puisse être, à proprement parler, une seule substance, une seule nature existant d’une existence unique, un seul foyer d’action, si l’un de ses pi-incipes constituants ne pénètre, parfaitement un et identique, toutes ses parties, ne les ramène toutes à l’unité d’une seule nature, ne fasse de toutes un sujet d’existence unique, et partant une source unique d’activité? En un mot, est-il concevable que ce qui de soi est multiple, possède l’unité d'être et l’unité d’agir, sans avoir pour conjoint un principe spécial, générateur spécial de cette double unité?

Après y avoir mûrement réfléchi, vous répondrez sans doute que cela n’est pas concevaljle. et vous direz avec saint Tliomas, u Oinne divisihile indiget alifjuo continente et uniente partes ejus ». (Cont. gent., liv. II, ch. 65, n' 3.)

"N’ous allirmerez par là-même — car les deux propositions suivent manifestement l’une de l’autre — que, dans le corps qui est sujet de sensation, il existe un principe le pénétrant dans toutes ses parties, et le faisant un pour l'être et pour l’agir.

Eh bien, ce principe, qui met une telle unité dans cette petite portion de nuitière organisée où la sensation se produit, je Vqus denumde s’il est lui-même composé de parties et nuiltiple par nature, ou s’il est simple et indivisible. Vous n’hésiterez pas un instant à répon(Ue, si vous vous rappelez quel doit être son rôle. Il doit faire du corps organisé une su])stance uuicjue, un principe d’action uniijue ; il doit, avec des ni’Uions et des milliards île molécules, faire, non pas un groupe d'êtres, mais un seul être, car l’unité le la ])crception sensible exige absolument l’unité dans l'être qui perçoit. Peut-il produire cette uiiilicalion intime et substantielle, simplement en j)rfnant les molécules par le dehors, soit poui- Iciu* inq)rimer un nujuvement si)écial, soit pour les disposer suivant un dessin paitieulier ? Non, car pour être ainsi disposées ou agitées, les nu)lccules n’en resteraient pas moins à l'étal de fragnuMits d'être, ne pouvant en aucune façon expii(iuer la sensation « totale et une ». Pour unilier les molécules, il faut qu’il les pénètre

toutes, chacune dans son fond, se communiquant, se donnant à chacune, de telle sorte que toutes et chacune, étant pénétrées par lui, il soit simultanément en toutes, et en chacune, bien plus, que toutes et chacune deviennent avec lui et par lui une seule chose, et que nous n’ayons plus en présence qu’un seul acte, une seule nature, une seule existence. Dites maintenant si un corps tjuelconque peut jouer un tel rôle, s’il en peut i^énétrer un autre de la façon intime que nous venons de dire, et se trouver à la fois tout entier dans ce corps et tout entier dans chacune de ses parties. (Sum. cont. gent., liv. II, ch. 65, n. -2.)

Vous le voyez, l’unité de nos sensations ou perceptions sensibles prouve invinciblement qu’il y a dans notre corps un principe incorporel, une àme indivisible et simple.

Je ne me dissimule pas que cet argument, pour être saisi dans toute sa force, suppose un esprit exercé dans la philosophie. Aussi, pour la satisfaction de ceux qui seraient moins familiarisés avec les raisonnements métaphysiques, je veux apporter une seconde preuve de la simplicité de l'àme humaine. Elle aura sur la première l’avantage de n'être pas seulement démonstrative, mais encore facile et nouvelle ; nouvelle, en ce sens du moins qu’elle repose sur une des découvertes les plus curieuses de la science moderne.

Ecoutons d’abord les faits ; nous sommes au Muséum d’histoire natm-elle, à Paris, c’est M. Flourens qui parle :

'( Lorsque j'étudie le développement d’un os, je vois successivement toutes les parties, toutes les molécules de cet os être déposées et successivement toutes être résorbées ; aucune ne reste ; /o « <es s'écoulent ; toutes changent ; et le mécanisme secret, le mécanisme intime de la formation des os est la mutation continuelle. » (De la Vie et de l Intelligence, i" éd., p. 16.) Ce que notre illustre savant français affirme, il l’appuie sur les expéi-iences les plus concluantes :

« J’ai entouré l’os d’un jeune pigeon, nous dit-il, 

d’un anneau de fil de iilatine. Peu à peu, l’anneau s’est recouvert de couches d’os, successivement formées ; bientôt l’anneau n’a plus été à extérieur mais au milieu de l’os ; enfin, il s’est trouvé à l’intérieur de l’os, dans le canal médullaire. Comment cela s’est-il fait ? Comment l’anneau, qui, d’abord, recouA’rait l’os, est-il, à présent, recouvert par l’os ? Comment l’anneau, qui, au commencement de l’expérience, était à l’extérieur de Pos, est-il à la fin de Pexpérience, dans l’intérieur de Pos ? C’est cjuc, tandis que, d’un côté, du côté externe, l’os acquérait les couches nouvelles qui ont recouvert l’anneau, il perdait de l’autre côté, du côté interne, ses couches anciennes cjui étaient résorbées. En un mot, tout ce qui était os, tout ce que recouvrait Panneau, quand je lai placé, a été résorbé ; et tout ce qui est actuellement os, tout ce qui recouvre actuellement l’anneau, s’est formé depuis ; toute la matière de Pos a donc changé pendant mon expérience (P. 20). « Ces expériences, M. P’iourens les a répétées, en les variant, un grand nondjre de fois, et toujours avec le même résultat évident. Il en conclut le récit par ces graves paroles :

« Toute la matière, tout l’organe matériel, tout l'être

parait et disparaît, se fait et se défait, et une seule chose reste, c’est-à-dire celle qui fait et défait, celle qui produit et détruit, c’est-à-dire la force qui vit au milieu de la matière et la gouvei-ne » (P. 21).

« Tout Porgane nutériel, tout Pêtrc paraît et disparaît. » 

On le croit sans peine, après qu’il vient d'être si bien démontre que, dans le corps de Panimal, les parties les plus solides et les plus résistantes se