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tend à continuer son mouvement en ligne droite. » Principes, II, 89 ; Le Monde, U. Ce principe, admis a priori par Descarte ?, avait été donné par Galilée comme enseigné par l’expérience ; Newtox, Laplace, Poisson crurent à sa valeur absolue ; on le considère aujourd’hui comme une hypothèse suggérée par les faits mais qui ne saurait être vérifiée par eux (cf. H. PoiNCARÉ, La Science et l’Hypotlièse, p. 112, 161). De sa conception du mouvement, Descartes déduit aussi ce qu’on appelle aujourd’hui le principe de la conservation de l'énergie. « Il est impossible que le mouvcment cesse jamais, ou même qu’il change autrement que de sujet » ; s’il disparait sous une forme, il reparait sous une autre. Principes, II, 36 (cf. E. Naville, l.a Physique moderne, 2' édit.. iSyo, p. 86, 8^). Robert Mayer, le fondateur de la thermodynamique, dira : « L'énergie totale d’un système de corps soustrait à toute action extérieure (somme de son énergie actuelle et potentielle) demeure constante. >< De ce point de vue, un mobile n’a plus besoin d’un moteur actuel pendant qu’il se meut, il en a eu besoin seulement pour passer de l'état de repos à ce qu’on appelle depuis Descartes l'état de moin’enient. — Par le mouvement local, un corps n’acquerrait rien, il ne passerait pas de la puissance à l’acte, il changerait seulement de position.

Considérant comme acquise à la science cette notion nouvelle du mouvement local, le P. Bulliot, au Congrès catholique de Bruxelles, en 1894, a proposé de donner pour point de départ à la preuve par le mouvement, non plus le mouvement même, mais le passage du repos au mouvement (cf. Iie<, nie Tliomiste, 1894, p. 578).

On lui a justement répondu : ce n’est plus alors la preuve par le mouvement, mais celle par la contingence ; dans cette hypothèse, le mouvement a besoin seulement, comme les réalités stables et permanentes, d’une cause conservatrice et non plus d un premier moteur. — Il s’en faut de beaucoup d’ailleurs que la notion cartésienne du mouvement s’impose, soit au point de vue philosophique, soit au point de vue scientifique ; et s’imposàt-elle pour le mouvement local, notre preuve pourrait encore s’appuyer sur les mouvements qualitatifs ou d’accroissement.

— Au point de Aue philosophique, on ne peut admettre que le mouvement, restant numériquement le même, passe d’un sujet dans un autre, on ne peut admettre davantage que l'énergie soit une même réalité qui passe, en revêtant dilTérentes formes, d’un sujet dans un autre. C’est là une manière dont V imagination du savant peut se représenter les phénomènes dont iln’aqu'à déterminer lesrapports constants, ce ne peut être une conception prétendant exprimer la nature intrinsèque des réalités. Cette conception est alFaire de métaphysique et non plus de science positive ; et du point de vue métaphysique ou de Vétre, '< il est faux que le mouvement local ou la chaleur soient quelque chose en dehors du corps qu’ils affectent. Le mouvement et la chaleur sont des accidents inconcevables en dehors d’un sujet : c’est le sujetqui leur donne d'être quelque chose ; et ils sont ce mouvement et cette chaleur parce qu’ils sont le mouvement ou la chaleur de ce sujet. AfTirnier que le mouvement est quelque chose qui, restant ce qu^il est, peut passer d’un corps dans un autre corps, c’est alfirmer une contradiction. Le mouvement d’un corps ne passe pas, il ne se communique pas, il communi((ue un mouvement à un autre corps ; la chaleur ne circule pas, elle produit la chaleur dans un rayon donné ». P. Lacome, a Théories Physiques », Rcue Thomiste, 18g/5, p. 96. Voir ce même article sur les autres dilHcultés qui proviennent de cette notion cartésienne du mouvement local, et sur la distinction

de ce dernier et du mouvement qualitatif (ex. : intensité croissante de la chaleur).

Cette notion cartésienne du mouvement local se heurte à d’autres impossibilités métaphysiques. On ne peut parler d'état de mou’ement : le mouvement, étant essentiellement un changement, est le contraire d’un état, qui implique la stabilité. Il n’y a pas moins de changement dans le passage de telle position à lelleautreaucours du mouvement, que danslejjassage du repos au mouvement lui-même ; si donc ce premier changement demande une cause, les suivants en demandent une au même titre. Nier que le changement qui a lieu au cours du mouvement ait besoin d’une cause, c’est être amené à nier le principe d’identité ou de non-contradiction. En effet, ce changement de position est union successive du divers (des positions A. B. C…) ; or dire que l’union inconditionnelle du divers est possible, c’est dire que des éléræntsdesoi divers peuvent de soi ètrequelque chose d’un, que des éléments qui de soi ne sont pas unis peuvent de soi être unis et se suivre. Ce qui est la négation du principe de non-contradiction. Cette négation généralisée, érigée en principe suprême, est le panthéisme évolutionniste à forme héracliléenne, hégélienne, ou bergsonienne (col. gSo et 95 1) dans lequel le devenir est à lui-même sa raison. Toutes conceptions qui refusent comme Descartes d'étudier le devenir en fonction de l'être qui seul est intelligible par soi, et ne l'étudient qu’en fonction du repos. Le repos peut être inférieur au devenir, savoir le repos du terme a quo. point de départ du mouvement ; l'être est toujours supérieur au devenir, ce qui est est toujours plus que ce qui devient et n’est pas encore. L'être est cause elliciente et finale du devenir, tandis qu’il n’exige luimême ni cause elliciente, ni cause finale. — La mécanique, qui considère le mouvement comme local, peut bien l'étudier en fonction du repos ; la métaphysique C{ui considère le mouvement local, comme mouvement, comme devenir, doit l'étudier en fonction de l'être, son objet formel.

Autre impossibilité philosophique cjui dérive de la précédente : une impulsion finie et minima pourrait produire un effet infini, c’est-à-dire un mouvement perpétuel, dans lequel il y aurait toujours du nous-eau. une perpétuelle absence d’identité. Abistote voyait plus juste lorsqu’il exigeait une puissance infinie pour mouvoir pendant un temps infini. Cf. Physique, 1. "VIII, Comm. de S. Th., leç. 21, et opuscule de Cajetan, Z>e Dei gloriosi infinitate intensiva.

Il faut avouer que la notion aristotélicienne du mouvenient, qui s’applique sans difficulté au mouvement qualitatif ou d’accroissement, n’est pas facilement conciliable au premier abord avec le mouvement des projectiles qui continue après l’impulsion. Cf. Physique, 1. VII, leç. 3 ; 1. VIII, leç. 22, « An projectorum motus continui esse saleant ». Aristote n’a pas donné de ce fait une explication satisfaisante (l’air qui se replie derrière leprojectile), de nombreux scolastiques et des thomistes comme Goudix, Physica, I p., disp. 3, q. I, a. 6, ont admis que l’impulsion initiale peut engendrer dans le projectile un impetus capable de servir de moteur. Cette explication paraît sauegarder le principe universel « quidqu ; d movetur ah alio mos-etur » ; en effet, comme ledit Goudin, « le projectile qui a reçu l’impulsion n’est pas en même temps en puissance et en acte sous le même rapport, il a en acte cet impetus. mais il est en puissance par rapport à la position vers laquelle il tend ». Cette notion d’impetus, qui trouve en celle de force tife sa représentation mathématique, paraît être appelée à jouer un rôle essentiel dans la métaphysique du mouvement loccil, qui s’efforcera de concilier le principe