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tibles du passé étaient aussi indigents que ceux d aujourd’hui et ne se sufllsaient pas plus. Comment l’un quelconque d’entre eux. ne s’expliqnant pas par luimême, pourrait-il explicjuer ceux qui le suivent ? ce serait l’aire sortir le plus du moins. Il l’aut donc un Premier Etre qui ne doive l’existence qu'à lui-même et puisse la donner aux autres (preuve générale par la contingence) (col. lo^i).

S’il y a aujourd’hui des êtres vivants et que la vie soit supérieure à la matière bi-ute, elle n’a pu provenir de cette matière, ce serait faire sortir le plus du moins, ou, ce qui revient au même, l'être du néant. De même que l'êti-e comme être ne peut provenir du néant, l'être vivant ne peut provenir de ce qui est non vivant et inférieur à la vie ; le Premier Etre doit donc avoir la vie (col. io83). Cette conclusion nécessaire acquiert une évidence quasi sensible, si l’on suppose établi par l.a science positive que la série des vivants a eu un commencement.

S’il y a aujourd’hui dans le monde de l’intelligence, de la science ; si l’intelligence est supérieure à la matièi-e brute, à la vie végétative et sensitive, si l’animal le mieux apprivoisé ne parviendra jamais à saisir le principe de raison d'être ou le premier principe de la morale, l’intelligence n’a pu provenir de ces degrés inférieurs de l'être ; il faut que de toute éternité il ait existé un être intelligent. Cet être ne peut avoir une nature intellectuelle contingente comme la nôtre ; ne s’expliquant pas lui-même, comnient pourrait-il expliquer les autres ; c’est dire que le Premier Etre est nécessairement intelligent. S’il n’y avait eu à l’origine que de la matière, qu’un peu de limon, comment la raison humaine, l’esprit de l’homme seraient-ils sortis de ce limon ? « Quelle plus grande absurdité qu’une fatalité matérielle et aveugle, qui aurait produit des êtres intelligents » (Montesquieu) (preuve a contingent ia metttis) (col. io53).

Si les principes rationnels hiérarchisés qui dominent toutes nos intelligences et toute réalité actuelle ou possible sont nécessaires, et par là supérieurs et antéi’iem’s aux intelligences et aux réalités contingentes qu’ils régissent, ils ne peuvent avoir en elles leur fondement ; il faut donc qu’il y ait eu dès toujours une nécessité intelligible ayant puissance dominatrice siu- tout le possible, tout le réel, toute intelligence ; il faut qu’il y ait eu dans l’Intelligence suprême une première et immuable vérité. En d’autres termes, si l’intelligible et ses lois nécessaires sont supérieurs à l’inintelligible et à la contingence, il faut tpie l’intelligible et ses lois aient existé de toute éternité, ils n’ont pu surgir de ce qui ne les contenait en rien (preuve par les vérités éternelles) (col. io55).

Si enlin il y a aujourd’hui dans le monde de la moralité, de la justice, de la charité, s’il y a eu de la sainteté dans le Christ et dans le christianisme, si cette moralité et cette sainteté sont supérieures à ce qui n’est ni moral, ni saint, il faut qu’il y ait eu de toute éternité un être moral, juste, bon et saint. Quelle plus grande absurdité que d’expliquer par une fatalité matérielle et aveugle, l'âme d’un S. Augustin ou d’un S. Vincent de Paul, la plus humble des âmes chrétiennes qui trouve un sens aux paroles du Pater ; le désir de Dieu, de la sainteté absolue peut-il s’expliquer autrement que par Dieu, le relatif autrement que par l’absolu ? (Preuve a contingentia mentis, appliquée à l’activité morale et religieuse.)

Si le premier principe de la morale « il faut faire le bien et éviter le mal ; fais ce que dois, advienne que pourra » s’impose avec non moins d’objectivité et de nécessité que les principes de la raison spéculative, si le bien honnête (bien en soi, supérieur au bien utile et délectable) a droit à être aimé et voulu indépendamment de la satisfaction et des avantages qu’on

en retire, si l'être capable de le vouloir doit le vouloir sous peine de perdre sa raison d'être, si notre conscience promulgue ce droit du bien et ensuite approuve ou condamne sans que nous soyons maîtres d'étoulFer le remords, si en un mot le droit du bien à être aimé et pratiqué domine notre activité morale et celle des sociétés actuelles et possibles, comme le principe d’identité domine tout le réel actuel et possible, il faut qu’il y ait eu de toute éternité de quoi fonder ces droits absolus du bien ; ces droits nécessaires et dominateurs ne peuvent avoir leur raison d'être dans une réalité contingente, et dominée par eux ; supérieurs à tout ce qui n’est pas le Bieii même. ils ne lîeuvent avoir qu’en lui leur fondement (preuve par la loi morale) (col. loGi).

Il faut donc qu’il y ait un Premier Etre qui est à la fois Vie, Intelligence, Vérité suprêmes, Justice et Sainteté parfaites, souverain Bien. — Cette conclusion dérive du principe >< le plus ne peut pas être produit par le moins «. et ce principe n’est autre cju’une formule du principe de causalité que nous avons étudié plus haut '< Quod est non per se, est ah alio quod est per se ». ce qui est sans avoir en soi sa raison d'être a sa raison dans un autre être qui lui est par soi (cf. plus haut, col. 963, la cause perse primo). — L’inférieur (la matière brute, la vie végétative et sensitive), loin de pouvoir expliquer le supérieur (l’intelligence), ne s’explique que par lui : l'élément matériel le plus simple, l’atome, le cristal, bien loin de j^ouvoir être le principe des choses, ne s’explique que par une idée de type ou de fin, il y a en lui une raison d'être, que seule une intelligence a pu concevoir et lui donner. Les sciences physiques, si elles ont une valeur objective, retrouvent cette raison d'être, mais ne la créent pas (preuve par les causes finales) (col. io63).

Cette preuve générale nous montre l’absurdité de lévolutionnisme matérialiste. Cette hypothèse est en efl’et antiscientifique et antiphilosophique. — Antiscientifique : elle suppose l’homogénéité de tous les phénomènes, depuis les phénomènes physico-chimiques jusqu’aux actes les plus éleAés de la contemplation philosophique et religieuse ; or rien dans la science ne témoigne en faveur decette homogénéité ; bien au contraire, comme le disait Dubois-Reymond, dans « Les Limites de lascience », il est pour la science positive sept énigmes : ila nature de la matièi-e et de la force, 2" l’origine du mouvement, 3° la première apparition de la vie, 4° lafinalité appai-ente de la nature, 5° l’apparition de la sensation et de la conscience, D° l’origine de la raison et du langage, ^"^ le libre arbitre. — L'évolutionnisme matérialiste est en outre antiphilosophique : la matière, sirichequ’on la fasse, de quelques qualités qu’on la dote, reste toujours, par définition, aveugle nécessité ou aveugle contingence (absence d’intelligence) ; comment l’intelligence, qui lui est supérieure, pourrait-elle en provenir ? les lois physico-chimiciues, bien loindepouvoir expliquer l’intelligence, ne sont explicables que par elle.

Cette preuve générale contient aussi une réfutation au moins virtuelle du panthéisme idéaliste. Le Premier Etre requis est indépendant de tout ce qui n’est pas lui ; il est aussi intelligence et Aolonté, or ces trois notes constituent la personnalité. Nous ne pouvons par ailleurs être conçus comme ses modes ou ses accidents, car si le plus ne peut sortir du moins, le principe des choses doit être dès toujours en acte de tout ce qu’il peut être, il doit posséder de toute éternité la plénitude d'être, d’intelligence, de vérité, de bonté qu’il peut avoir. Rien ne peut lui être ajouté, il ne peut y avoir en lui devenir, puisque le devenir suppose, à son origine, privation (col. 1028 et io52).

Quelques évolutionnistes, comme Stuart Mill (cf. plus haut, col. 971) ; ^^ reculent pas devant cette afllr-